La petite chapelle dans le champ d’hiver

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Cet édifice religieux abandonné au froid mordant de l’hiver n’était que très rarement visité par les vivants. Il se dressait là, passivement aux abords d’une forêt, dans un champ qui s’étendait aussi loin que l’oiseau pouvait planer, sans un battement d’ailes.

Bâti de pierres grises, résistantes aux affres des siècles, les vitraux brisés laissaient deviner quelques couleurs agréables. En son sein, les deux rangées de bancs de messe paraissaient toujours bien alignées, un vieux tapis rouge, usé par les nombreux passages d’antan, passait au milieu du couloir qui menait à l’autel. Ce dernier n’arborait plus grand-chose, même pas une croix ou des bougies, seulement quelques mobiliers usés en bois.

Le jour diminuait doucement, projetant les derniers rayons du soleil sur la neige, l’invitait à scintiller joliment. Plus loin, les arbres s’assombrissaient pour former des ombres étranges, les animaux nocturnes émergeaient du sommeil, le vent caressait chaque branche.

O’grim avançait sans se presser à travers les bois. Sa flamme bleue restait à bonne distance des animaux trop curieux. Ce n’était pas rare d’observer un feu follet inspecter les parages. Il s’était incarné ici, il y avait plusieurs années de là.

Si une âme vivante passait par-là, à cette heure du crépuscule, elle ne distinguerait qu’un jeune homme très pâle, aux cheveux noirs tout comme les yeux, vêtu d’un grand manteau tout aussi sombre, tenant une lanterne bleue dans ses bras. Il gardait ces terres avec zèle. Chaque nuit, il effectuait sa ronde, avant d’entrer dans la petite chapelle, pour déposer sa lanterne afin d’apaiser les morts.

Il aimait avancer dans la neige si froide, réchauffé par sa flamme, accompagné par les âmes des défunts, dans une procession sacrée, suivie du doux bruissement des arbres. O’grim pénétrait seul dans la chapelle, refermant les portes derrière lui.

Malheur, une jeune fille était assise sur l’un des bancs. Il avança néanmoins pour déposer sa lanterne, surprenant l’importune au passage. Sans se détourner de sa flamme bleue, il entama son sermon.

« Quitte ces lieux, enfant du monde, quand la nuit tombe ne t’y aventure plus jamais. »

Il posa son regard sur elle.

La fille souriait paisiblement, ses longs cheveux blancs cendrés encadrait son visage tout aussi pâle, seuls ses yeux noirs contrastaient. O’grim eut un pincement dans la poitrine, ne put s’empêcher de défaillir à sa vue.

« Tu es… »

Elle se leva, croisa les mains contre sa robe.

« Cela faisait longtemps, O’Grim. »

Les larmes montèrent aux yeux du feu follet. Poussé par un élan d’amour, il enlaça la jeune femme en soufflant son nom.

« Hana, tu m’as tant manqué, mon amour… »

Depuis cent ans, O’grim attendait le retour de sa bien-aimée, Hana. Il l’avait rencontrée dans cette chapelle, lors d’une nuit semblable à celle-ci, l’amour naquit entre eux alors qu’Hana était humaine. La mort l’emporta un beau jour, laissant O’grim seul. Il revenait dans la chapelle isolée depuis tout ce temps, honorer la mémoire de sa bien-aimée.

Enfin, elle lui revenait. Feu follet O’Hana, compagne de O’Grim, gardiens éternels de cette petite chapelle dans le champ d’hiver.

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