You don’t have enough eyes to see

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Les fantômes ne peuvent pas aimer, ils ne feront que hanter des lieux spécifiques et essayer vainement de manifester leur présence éthérée.

Cette grande maison, cachée dans les plus magnifiques montagnes du territoire anglais, n’avait pas été habitée depuis des décennies. L’air était doux, le jardin verdoyant de fleurs sauvages s’en allant par-delà la petite barrière en bois, d’où l’immensité de la nature n’avait aucune honte à se dévoiler. Derrière la maison en vieilles pierres entrelacées de lierres, se trouvait une serre où certaines plantes avaient si bien survécues, qu’elle semblait presque une forêt intérieure. Un petit étang avait été soigneusement emménagé dehors, de grands arbres projetaient leurs ombres, derrière eux un muret séparait la cour de l’extérieur.

Charles emprunta le petit chemin de l’entrée principale avec ses valises. Il prit une grande inspiration, l’odeur des plantes environnantes l’apaisait. Quand la clef tourna dans la serrure, la porte se laissa ouvrir dans un petit grincement, en l’honneur de toutes ses années de loyaux services. Il entra tranquillement, en prenant soin de poser ses valises dans l’entrée, pour le moment.

Le sol était en bois très bien entretenu malgré la fine couche de poussière, les murs avaient encore quelques tableaux, décorations anciennes et mêmes des fleurs séchées, étendues contre un vieux linge. Charles avança jusqu’au salon, où il remarqua avec plaisir la grande cheminée, le beau mobilier, la vue superbe qu’offrait le jardin depuis la fenêtre. Les visites des autres pièces de la maison se succédèrent, Charles décida de sa chambre très vite. Cette pièce laissée en état, possédait encore une grande bibliothèque, un joli lit chaleureux, des armoires sculptées de petits détails, et une fenêtre avec vue que le petit étang.

Les mois passèrent, et l’hiver s’aventurait déjà aux portes de la nouvelle vie de Charles. Il avait prit ses marques, et avait même entreprit d’aménager la serre de nouvelles plantes, un petit univers botanique, dans lequel il aimait venir lire. Quand le soir tombait, il allumait la cheminée, se préparait une infusion et se posait dans un des fauteuils pour profiter de la chaleur du feu.

Eleanor vivait avec lui depuis lors, elle aussi s’était emmitouflée dans l’autre fauteuil devant l’âtre. Les deux se réfugiaient devant cette douce chaleur pour la même raison, la solitude refroidissait toujours la maison et leur cœur à la nuit tombée.

Avant que Charles n’emménage ici, Eleanor vivait normalement. Elle se levait de bonne heure pour s’occuper des fleurs et du potager, puiser de l’eau dans l’étang pour les arroser. Elle aimait bavarder avec les fées et autres esprits qui habitaient dans les bois d’à côté et se couchait dans sa chambre d’où elle pouvait voir la lune se refléter dans le petit étang, lire un de ses livres avant de dormir.

Charles et elle partageait ce lieu, mangeaient ensemble, jardinaient, lisaient le même livre et venaient se réchauffer au coin de la cheminée. Eleanor avait appris à le connaître, flottant délicatement au-dessus de lui, s’imprégnant de ses émotions vivantes. Elle riait à ses maladresses, l’enlaçait les jours de tristesse. Le fantôme qu’elle était ne pouvait malheureusement pas atteindre Charles, pourtant, par moment, sans trop savoir pourquoi, il sentait une chaleur incertaine qui le réconfortait.

Les sentiments se tissaient lentement dans le cœur spectral d’Eleanor, elle n’avait plus ressenti ce genre de chose depuis son vivant. Un soir, quand ils se furent installés confortablement, que Charles avait allumé la cheminée, Eleanor voulut lui parler.

C’était la première fois qu’elle éprouvait le besoin de se confier à quelqu’un, même s’il ne pouvait pas l’entendre. Elle entama son monologue, lui contant sa vie d’avant, quand elle vivait ici. Elle fabriquait des décoctions avec ses plantes pour les habitants du village en contrebas, dans cette maison qu’elle avait hérité de sa grand-mère après sa mort. Elle aimait danser dans les champs de fleurs en été, aller en ville trouver de nouveaux livres pour remplir la bibliothèque de sa chambre et aller faire ses courses au marché quand il faisait bon le matin.

Elle ne se souvenait plus des circonstances de son décès, mais elle était encore jeune, et avait conservé son physique d’antan. De longs cheveux d’or, des yeux bleu, couleur du ciel, la peau teintée à jamais de la pâleur de la mort. Charles se sentait nostalgique ce soir-là, fixant passivement le feu, il alla se coucher deux heures plus tard.

Le temps fila jusqu’aux fortes chaleurs de l’été, le vent soufflait doucement, Charles accrochait des fleurs séchées au-dessus de la fenêtre du salon, elles délivraient une odeur agréable dans la maison.

Son regard surprit une scène inhabituelle. Là-bas, dans le champ de fleur, une jeune fille magnifique aux cheveux dorés dansait, faisait voler les pétales des fleurs autour d’elle. Elle semblait extrêmement heureuse. Charles ne la quittait pas des yeux, subjugué. Il en tomba amoureux au premier regard.

Quand il cligna des yeux une fraction de seconde, la fille n’était plus là. Il se demanda s’il aurait une chance de la revoir un jour en ville, tandis qu’Eleanor glissa ses bras blancs autour de ses épaules, des pétales de fleurs tombant de ses cheveux d’or.

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