XV

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Le lendemain, Vénior partait à la recherche de Jeanne. Lorsqu'elle s'était réveillée à ses côtés, Aurore s'était chargée de lui rappeler sa promesse. L'héritier des Landebrune avait eu beau tenter de la persuader que sa vie de famille était désormais derrière elle, Aurore avait insisté.

Tandis qu'elle faisait sa toilette, Aurore se rappelait de la nuit qu'elle avait passée en compagnie de Vénior. Ce qu'il lui avait fait était pour le moins étrange. La jeune fille n'avait pas la moindre connaissance de ce qu'étaient les choses de l'amour. La notion de sentiments amoureux et de mariage lui étaient à peu près connues, mais elle était loin de s'imaginer ce qu'il était censé se passer une fois l'union scellée.

Au début, elle avait eu mal. Puis le plaisir vin progressivement. Vénior avait su se montrer doux [écoutant chacun de ses soupirs]. Elle comprenait désormais ce qui l'avait motivé à avoir ces gestes, lorsqu'il s'était permis de la toucher la nuit de leur rencontre. Il avait désiré la jeune fille à l'instant où il avait posé les yeux sur elle.

Cette pensée fit sourire Aurore. Même si cette expérience l'avait énormément troublée au début, elle avait aimé s'offrir à son amant. La perspective de passer d'autres nuits comme celle-ci la rendait curieuse et impatiente.

Vénior avait réussi à alléger son sentiment de culpabilité. Le fait d'avoir commis ce meurtre l'angoissait toujours, mais après tout, c'est tout ce que cela avait été : un meurtre, pas un matricide.
Bien qu'elle lui ait donné naissance, Annabelle n'était pas sa mère. Vénior avait raison : elle n'avait pas à se sentir coupable de s'être débarrassée de sa tortionnaire. Elle aurait simplement souhaité que cette séparation ne se fut pas produite dans un bain de sang...

Aurore sortit de la bassine puis entreprit de se sécher et de vêtir une belle robe de velours rouge. Il s'agissait d'une des robes de Nabée. La jeune fille remarqua à quel point elle lui ressemblait lorsqu'elle aperçut son reflet dans un miroir. Elle ne pouvait pas savoir avec exactitude si cette ressemblance la flattait ou non. Cela la rendait perplexe, et légèrement mal à l'aise.

Elle sortit rapidement de la salle de bains. Dans le couloir, elle croisa Roderich, visiblement occupé à patrouiller.

Aurore se trouvait donc seule dans le château de Beaugard. Son château, désormais... Vénior avait été clair à ce sujet : si elle acceptait de rester à ses côtés, ils partageraient tout ensemble. Aurore se sentit idiote d'avoir pu penser un seul instant à rester dans une chaumière minable pour poursuivre une vie faite de honte et de maltraitances, juste parce qu'elle considérait le changement comme trop brusque. A bien y réfléchir, elle n'avait jamais ressenti d'amour pour Annabelle, ou bien un amour forcé par la crainte et le désespoir. Si son cœur lui avait commandé de revenir à la chaumière, c'était uniquement pour revoir Jeanne une dernière fois.

Qu'adviendrait-il de sa petite sœur une fois qu'elle serait retrouvée? Vénior avait certainement des relations, d'autres nobles qui connaitraient le nom des Landebrune. Ils pourraient quitter Beaugard tous les trois afin d'offrir à la cadette des Damester la vie de rêve dont son ainée profitait à présent. Aurore voulait ce qu'il y avait de mieux pour Jeanne.

Elle espérait simplement que Vénior pourrait, à force de recherches, effacer sa mémoire... Elle craignait que Jeanne finisse par découvrir la manière dont elle avait assassiné leur mère. Si Aurore avait haï Annabelle au point de la tuer de sang-froid. Jeanne, elle, n'aurait eu aucune raison d'approuver un tel crime. Annabelle avait toujours été bonne envers elle.

Seulement envers elle...

Aurore tenta vainement de chasser ces pensées jalouses de son esprit. Elle décida de sortir prendre un peu d'air.

Dehors, les nuages ne s'étaient pas encore dispersés. L'herbe était encore trempée de la pluie de la veille, la forêt rendue plus obscure encore par ce ciel gris. Aurore décida de ne pas s'aventurer trop loin.

L'air était froid mais il ne gênait la jeune fille en aucune façon. La fraicheur qui emplissait ses poumons calma ses angoisses un moment.

Tandis qu'elle parcourait le jardin des yeux, elle remarqua l'écurie où Vénior avait installé Dammar. Vénior l'avait chevauché pour parcourir la campagne et ramener Jeanne plus rapidement. Cela ne faisait rien, Aurore s'approcha de l'endroit. Construite à partir d'un bois solide, l'écurie était recouverte de paille imprégnée par la forte odeur de l'étalon.

En tendant l'oreille, la jeune fille entendit un bruit provenant d'en dessous. C'était un bruit étrange, entre le raclement et le ronflement. Elle avait l'impression d'avoir déjà entendu ça quelque part. A bien y réfléchir, elle en était certaine.
Aurore regarda à ses pieds et tapa doucement. Le sol était creux. Quelque chose était caché en dessous. Une chose qu'Aurore connaissait.

La jeune fille resta debout un long moment, lançant des regards inquiets tantôt sur l'extérieur, tantôt sur ce qu'elle pensait être l'endroit où la chose était enfermée. Elle recula d'un pas vers la sortie, au bord des larmes. Elle ne voulait pas que ses doutes se confirment. Elle ne voulait pas savoir...
Et pourtant, la tentation était trop forte pour ne pas y succomber. Il ne s'agissait même plus de satisfaire une simple curiosité. Il s'agissait d'un devoir.

Aurore inspira un grand coup, souffla, détendit ses jambes tremblantes, puis se mit à chercher une ouverture sur le sol humide, couvert de paille et de moisissures.
Cette recherche lui prit une bonne heure. A plusieurs reprises, Aurore crut perdre l'esprit et dut s'arreter pour calmer ses nerfs en pleurant à chaudes larmes. Le grognement de la créature qui se tenait en dessous semblait la narguer.

Elle finit par trouver un objet brillant, incrusté dans le col. La jeune fille sentit l'espoir monter en elle. Un espoir teinté d'amertume, puisqu'elle craignait que sa découverte ne lui brise le cœur.
Elle se mit à enlever frénétiquement la paille et découvrit une trappe. Celle-ci n'était pas verrouillée. Lorsqu'elle tira sur la poignée, Aurore vit un escalier de bois qui descendait dans les ténèbres. Elle put entendre très clairement le ronflement d'une bête.

Pétrifiée par la peur, la jeune fille n'osa pas descendre. Elle craignait les conséquences de ses actes: il serait très probable que la rencontre avec la bête se termine par sa mort. Cette créature appartenait à Vénior. Il l'avait terrée ici pour une raison. La question était: laquelle?

Soudain, un bruit plus fort se fit entendre: un ronflement brusque et court, puis un grognement qui glaça le sang d'Aurore.
Elle referma vivement la trappe et se rua vers la sortie tandis que la bête laissait éclater sa fureur.

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