Yacoub 3 - La Marche Verte

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A Madrid, le gouvernement espagnol fut interloqué par le discours du roi Hassan mais ne se détourna pas de son projet de référendum et de délégations de pouvoirs à un gouvernement sahraoui dirigé par le Front Polisario. Le 17 octobre, le Général Franco réunit son conseil des ministres pour examiner le nouveau défi lancé par le Maroc. Une requête fut déposée le lendemain à New York par l'ambassadeur d'Espagne à l'ONU.

Le 19 octobre, le gouverneur général des Nations Unies vint personnellement rencontrer Mustapha Sayed El Ouali, dirigeant de la République Arabe Sahraouie Démocratique proclamée par le Polisario. Ils conclurent un accord stipulant que l'indépendance serait accordée après une période transitoire de six mois, pendant laquelle les pouvoirs seraient progressivement transférés au Front Polisario.

Devançant les intrigues de Cour et de couloir, le Roi Hassan prit alors la décision de marcher sur le Sahara Occidental. Cette « Marche Verte » ainsi nommée d'après la couleur sacrée de l'Islam, exprimerait « le vœux unanime » du peuple marocain et imprimerait « en lettre d'or une nouvelle page de gloire dans l'histoire de la nation ». Cette décision précipita les événements à l'encontre de la Cour Internationale de Justice et de la mission de l'ONU. De même elle exerçait une pression déterminante sur l'Espagne, déclenchant un tollé général !

Hassan II fut consterné par le concert de protestation émanant du Sahara Occidental contre son projet de Marche. Et le 23 octobre,

Ima, écoute Ima, le Roi parle à la radio ! déclara Yacoub.

« J'en appelle à mes fidèles sujet du Sahara, en leur promettant de leur pardonner leurs erreurs passées. Tous ceux qui se sont rangés du côté de l'Espagne ou ceux qui ont pris le parti du soi-disant « Front de Libération » ont été tout simplement leurrés. Revenez donc sur le bon chemin... »

– Yacoub ! Zid-zid, appelle tes frères et tes sœurs, et puis aussi Joseph ton père pendant que tu as la bouche ouverte !

On s'affaira au salon, prépara le thé, sortit les pâtisseries...

– Le roi s'engage à prendre la tête des marcheurs qui auront pour seule arme le « Livre Sacré d'Allah » ? Déborah était affolée. Comment on va faire ? Marcherons-nous la main sur la Torah ?

Ima, répliqua Samuel, nous sommes tous marocains, nous marcherons avec notre peuple. Mais il faudra prier. Prier tous les jours. Encore et toujours.

Prise d'un doute, Déborah demanda à Samuel :

– Dis-moi Samuel, pourquoi prier l’Éternel tous les jours ?

– Il faudra prier, mais ce qui est surtout important, Ima, c'est de prier la veille du jour de sa mort, Ima.

– Mais, Samuel, comment peut-on savoir quel jour je vais mourir ?

– Eh bien... justement Ima, justement...

– Arrête Samuel ! intervint Joseph. Déborah, ma bien chère femme, ce que Dieu veut recevoir de toi, ce n'est ni la prière ni l'étude, c'est le soupir de ton cœur.

– Joseph ? Comment tu m'as dit ? C'est la première fois que tu me parles comme ça ! Pourquoi tu m'as jamais parlé comme ça avant ? Ya baba, j'ai l'impression que la vie est un songe, je t'en prie, ne me réveille pas !

– Et nous n'irons nulle part, nous devons préparer Erev Yom Kippour, n'est-ce pas Samuel ? Déborah, Ieich Douk Lidein, que tes mains restent en vie, tu as le couscous à faire avec Safia ainsi que kreplach au riz pour tes beaux-fils.

Malgré tout le peuple marocain fut littéralement séduit par l'idée de la Marche Verte, et dans les trois jours qui suivirent le discours du roi, 362 000 marocains se présentèrent pour « investir » le Sahara Occidental. Le 6 novembre 1975 partirent les premiers convois à l'ouest du pays. La plupart des marcheurs étaient des gens très pauvres. Nombre d’entre eux étaient des ouvriers agricoles saisonniers venus des campagnes ou des jeunes chômeurs venus des villes. Là, on leur fournissait gratuitement nourriture et cigarettes, et beaucoup d'entre eux vivaient bien mieux ici que chez eux. Certains, croyant qu'ils faisaient route vers une terre promise (- tu vois Yacoub, c'est là-bas la liberté ! Insistait sa mère) étaient arrivés à Tarfaya, sur la frontière, avec toutes leurs modestes richesses, dans l'espoir de pouvoir s'installer au Sahara Occidental à l'issue de la Marche.

Devant cette Marche ''forcée'', le premier ministre espagnol, Carro Martinez, prit aussitôt l'avion pour Agadir où il rencontra le roi Hassan II afin de négocier immédiatement toutes conditions pour la cession du Sahara Occidental.

« Notre Marche a réalisé ce que nous-même et nos amis attendions d'elle. C'est pourquoi, Cher Peuple, nous nous devons de revenir à notre point de départ pour traiter les affaires avec d'autres méthodes et des procédés nouveaux ». Tel fut le message que le roi adressa le lendemain par radio au peuple marocain. Ces instructions furent un véritable choc pour les Marcheurs, d'autant que l'armée marocaine avait envahi « clandestinement » le cœur du Sahara dès le 31 octobre !

Dans les semaines qui suivirent, la presse algérienne se déchaîna contre le Maroc ; on put lire dans El Moujahid du 15 novembre, la déclaration d'El Ouali, le dirigeant de République Arabe Sahraouie :

« Notre peuple, qui fait face actuellement à l'invasion marocaine, considère l'accord conclu à Madrid entre l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie, comme nul et non avenu et comme un acte d'agression et de brigandage »,

Plus loin, dans le Quotidien d'Oran, Boualem Ben Hammouda, le ministre de la justice algérienne, accusait, en décembre 1975 :

« Si les sahraouis étaient réellement marocains ou mauritaniens, pourquoi les gouvernements de Rabat et Nouakchott étaient-ils si réticents à les laisser se déclarer comme tels dans un référendum ? Ce refus provient d'un doute sur les résultats ! Si le peuple sahraoui dépendait vraiment du Maroc ou de la Mauritanie, comment refuserait-il de rejoindre la mère-patrie ? »

Et le président Boumediène de déclarer dans Le Soir d'Algérie : « Je ne suis pas comme le Christ, je ne tendrai pas la joue pour la seconde gifle. Je riposterais dans la pleine mesure de mes moyens ».

Le Maroc pris possession des territoires en janvier 1976.

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