Je me couchais à côté de mon personnage en pensant à ce que j'aurais pu faire si j'avais été à la place de Dieu à l'époque de Noé.

Moi, je pouvais me dispenser de détruire des vies sur la terre.

Je m'endormis alors que je jouais à Moi Dieu à l'époque de Noé.

Je lui demandais : pourquoi n'avez vous pas pensé à faire réécrire le texte de la bible au lieu de tuer des gens.

Il me répondit qu'il avait pensé que la punition serait suffisamment dissuasive pour éviter un retour aux pratiques antérieures.

Soudain l'image de Dieu disparut, et fut remplacée par celle d'une femme.

Je lui demandais qui elle était et comment elle était entrée.

- Je suis Joséphine, un ange messager envoyé par Dieu, et je suis dans votre rêve, plus dans votre roman. Vous ne me reconnaissez pas, car vous n'avez pas pris la peine de me décrire dans votre livre, et le seul commentaire que vous avez fait à mon sujet est : « C'était le type de fille qui ne m'attirait absolument pas, et qui semble-t-il, n'attirait pas grand monde non plus. » Car pour vous, l'auteur, je ne suis qu'un prénom inventé, sans corps et sans visage, qu'il utilise selon ses besoins.

Cette remarque me contrariait.

Joséphine aborda mon projet d'édition pour le condamner. Dieu ne laissera pas salir sa réputation ni celle des prêtres qui le servent, aussi il vous demande d'abandonner votre idée.

Je lui répondis que Dieu, les prêtres, et tous les individus apparaissant dans mon livre étaient mes propres créatures, et que j'étais en droit d'en user et d'en abuser selon mon bon vouloir.

Elle me demanda :

- Qui parle en ce moment ? L'auteur, ou le personnage ?

- L'auteur, bien évidemment. Mais vous même, à qui vous adressez vous pour obtenir l'abandon du projet d'édition, car ce projet est celui du personnage, pas le mien ?

Je mets toute mon énergie pour aider mon héros à progresser à distance dans sa vie, et je lui offre toutes les opportunités disponibles. Car, ce personnage, aussi caricatural qu'il soit, c'est moi. Ce sont les lecteurs de l'époque qui jugeront de l'opportunité de sa publication.

Elle m'interrompit :

- Et qui rêve en ce moment ?

J'étais troublé, car, je me trouvais réellement dans un rêve, et je n'en étais pas l'auteur. Ce rêve ne figurait pas dans mes scénarios, et je ne l'avais jamais imaginé.

Certes, j'avais déjà pensé à de multiples scènes qui faisaient intervenir les rêves, car c'est un classique de la littérature, mais jamais un dans lequel je figurais personnellement.

Et la meilleure preuve, c'est que je n'arrivais pas à en sortir.

- Je, je ne sais pas.

- Ne mentez pas.

Vous êtes le personnage de votre livre qui vous fait vivre des aventures par procuration, et qui réalise ce que vous n'avez pas osé ou réussi à faire.

Vous êtes aussi l'auteur, car vous connaissez pour les avoir écrits tous les chapitres de votre ouvrage. Sauf le dernier.

Et vous savez que le rêve en cours n'y figure pas.

Vous êtes l'homme qui se cache derrière tout ça, et c'est à lui que je m'adresse.

Pour ma part, je suis sortie de votre livre, de vos plans, pour vous apporter le message de Dieu.

Dieu prend en charge la correction de votre livre, à partir de maintenant. Pas celui de votre homme de main, du vôtre, que vous écrivez actuellement.

Si vous vous obstinez à vouloir publier l'ouvrage de votre personnage, Dieu créera un vrai curé, un vrai Antoine, de vraies sœurs, qui ne vous auront jamais vu, et qui mettront en doute vos allégations.

Toutes les traces de votre passage seront effacées. Votre texte sera modifié. Et les éditeurs refuseront un texte aussi polémique écrit par un auteur inconnu. Vous passerez pour un imposteur, votre nom sera sali, et vos opportunités de publier votre ouvrage définitif, de nos jours, grandement diminuées.

Vous avez quand même constaté, en premier avertissement, que vos personnages ne vous obéissent plus ?

- C'est du chantage ?

- Non, c'est seulement une bonne gestion de nos figurants.

Disons que nous jouons aux échecs, et que c'est à votre tour de déplacer vos pièces.

Si vous déplacez la mauvaise, vous êtes mat. Vous avez perdu.