Sagesse

10 minutes de lecture

Les Elfes, sages créature, d'après leur dire, manipulant la nature et vivants dans les vastes forêts luxuriante à l'ouest du royaume des hommes. Au centre de cette forêt se trouve un chêne millénaire. C'est ici que se réunissent les plus sages d'entre eux ou tout se décide et la discussion tourne autour de l'éducation de la nouvelle porteuse. Le plus vieux des sages, Celeborn de son nom, un très vieil elfe au teint blafard faisant penser à un mort, en se tenant bien droit, il fait un mètre quatre-vingts, portant soigneusement une longue chevelure et barbe blanche arrivant à ses pieds, ses yeux à demi fermé, par la fatigue du temps, sont aujourd’hui grands ouverts par la colère, lui qui préside le conseil d’une main de maitre demande à l'assemblée :

–Pourquoi n'arrivons-nous à rien dans son éducation ?

Aucune des personnes présentes n'ose lui répondre, excepté un qui lève la main, c'est un jeune elfe du nom de Tauron, faisant la même taille que Celeborn, ses cheveux longs jusqu’en haut du dos noir et son bouc ne l'aide pas à passer inaperçu à côté de ses collègues qui ont pour la plupart des cheveux blonds ou blancs, même si on peut remarquer que le gris commence à prendre une place plus importante dans sa coloration, le maître de l'assemblée l'invite à parler :

–Si je puis me permettre, Nerwen est encore jeune, sans oublier, la malheureuse disparition de ses parents.

Tempérant sa colère, Celeborn lui répond la mâchoire serrée :

–Cela fait cinq ans Tauron, en tant que plus proches parents, vous avez été choisis pour être son tuteur, je commence à douter de votre efficacité, il faut que le porteur soit opérationnel le plus vite possible.

Il tousse et sort une fiole d’un liquide transparent, il la boit d’une traite et s’excuse en mettant en cause une maladie, Tauron affirme :

–Mais enfin ! À vingt ans, maîtriser l'arc fut impossible pour les autres porteurs, à cet âge-là, on devrait s’amuser, ces prédécesseurs ne se sont entraînés qu'après leurs cinquantièmes anniversaires.

Cette remarque fit son effet sur le vieil elfe et sa colère palpable s’évanouit, Celeborn lui répond en tournant sa tête de gauche à droite :

–Malheureusement, nous n'avons pas le temps d'attendre encore trente ans, les attaques se sont peut-être calmées depuis ses dernières années, notamment celle de ses trouillards de petite oreille qui se cachent derrière leur mur. Mais nous ne pouvons pas rester inactifs.

–Oui, mais le porteur et l'arc doivent être en parfaite symbiose, sinon nous aurons droit à la même tragédie qu'il y a vingt ans.

La seconde de Celeborn, Rian, dont les trait tirée et sa chevelure blanche ramenée en chignon affichent un âge avancé, intervient :

–Raison de plus Tauron, le pauvre Kahe a été lâchement assassiné par les humains, en tant qu’oncle, je pense que vous ne souhaitez pas qu’il arrive la même chose.

–Je ne puis…

Celeborn coupe Tauron, las et fatigué de cette conversation :

–Faite en sorte que la porteuse soit prête, si vous n'y arrivez pas, quelqu'un d'autre se chargera de son éducation. La réunion est close.

Tous excepté Tauron se lèvent et quitte le conseil, une fois seul, il expire un grand coup avant de marmonner dans sa barbe :

–Pauvre Nerwen.

Tauron se résigne et finit par rentrer chez lui, son arbre est plutôt grand et bien équipé pour un deux-centenaire célibataire, en montant les marches une petite voix fluette lui demande :

–Vous vous êtes bien amusé entre vieux ?

Il finit de monter les marches avant de souffler :

–Tu pourrais respecter tes aînés pour une fois ?

Le salon large et circulaire donne un aperçu sur l'entièreté de l'habitation, une cuisine propre et rangé pourrait convenir sans problème à une famille avec deux enfants, la salle de bain où siège une étuve des plus modernes reliée à un arbre à eau, qui est séparée du reste des pièces par un simple rideau abîmé par les années, juste à côté se trouve une échelle menant à la chambre dans laquelle se trouvent deux lits ; mais sa nièce ne supportant pas le peu d'intimité que dispose cette maison en fit tout un drame, Tauron céda à son caprice et mit un rideau opaque les séparant. Son visage se tourne finalement vers la fenêtre ronde du salon ou Nerwen a pour habitude de s'y loger allongée et emmitouflée dans une couette, regardant l'extérieur avec une patience rare. Elle fixe toujours le dehors et lui répond avec son flegme légendaire :

–Ok boumeur !

Tauron au bout de plusieurs années de cohabitation, c'est habitué aux remarques de sa nièce qui partage son toit, il se dirige vers sa cuisine et commence à préparer le déjeuner :

–Ok quoi ?

–Tu es bien né durant le dernier boum non ? Donc ok boumeur ! Après si tu préfères, je peux te dire quelque chose du genre, ta gueule le vieux !

–Je préférerais autant que tu ne dises pas de grossièreté sous ce toit.

–Ok boumeur !

Tauron souffle, c'était encore un de ses jours où la discussion était impossible, il connait qu'un seul moyen pour que l'échange soit de nouveau un minimum sensé avec elle, une soupe aux champignons et marrons. Il retrousse ses manches et se met aux fourneaux, la douce odeur arrive aux narines de Nerwen qui en sentant cela saute d'un bond et se place sur le bar pour voir ce que prépare son tuteur. Elle demande extatique :

–C'est bien une soupe aux champi-marrons ?

Tauron finit par tourner la tête, la jeune elfe, du haut de ses un mètre soixante, aux cheveux mi-long et vert avec deux petites tresses sur les côtés passant devant ses oreilles, le regarde avec des yeux pétillants de la même couleur que sa chevelure, un petit filet de salive s'échappe de sa bouche rien qu'à l'idée qu'on lui prépare son plat préféré, son corps maigre et plat se cramponne aux bar pour éviter de sauter sur le chaudron d'où sort cette délicieuse odeur familière, vêtu de sa tenue militaire qu'elle ne quitte rarement, pas par choix,. Tauron se met à penser, “Parfait”. Après quelques secondes de silence, il se remet à la confection de la soupe :

–Oui, c'est bien ça, mais elle n'est pas pour toi.

–Quoi ?!, s'offusque Nerwen.

–Tu as bien entendu, elle ne sera pas pour toi tant que tu ne m'auras pas dit comment se passe ton apprentissage ?

–Mais c'est de la triche ! T'as pas le droit de me faire chanter !

–Je ne plierai pas cette fois.

Elle souffle devant la détermination de Tauron et finit par abdiquer :

–T'as de la chance que ce soit pour une champi-marron. Circë nous a entraînés toute la matinée à la magie, mais bon, comme j'ai été choisi par l'arc sacré pour être porteuse, j'ai… comment dirais-je, surclassée tout le monde ?

La soupe est prête, Tauron dépose le chaudron sur la table à manger à côté du bar, Nerwen s'apprête à se jeter pleine cuillère dedans, mais elle est retenue par le bras de Tauron :

–Avant de commencer à manger, comment se passent tes essais de synchronisation ?

–Oh ! Comme l'arc ne veut pas m'adresser la parole, je l'ai punie en faisant de lui un chandelier !

Tauron ne sachant pas si c'est encore une blague de la jeune elfe ou la vérité lui demande en plissant les yeux abasourdis :

–Punis ?

Elle lui montre le plafond juste au-dessus d'eux :

–Bah oui regarde !

Un chandelier de fortune créé avec un arc en bois au reflet vert et cloué par la corde au plafond. Il diffuse une petite lueur grâce aux deux petites bougies posée aux extrémités, fait que le tout tient dans un équilibre précaire, en voyant cela Tauron se met à crier :

–Qu'à tu fais ?!

–Bah, j'en ai fait un chandelier.

Il se met à courir dans tous les sens pour trouver un moyen de décrocher l'arc sacré sans l'abîmer :

–Pourquoi tu as fait ça ?

–Parce qu'il m'énerve à me parler que quand ça lui chante !

Au bout de trois minutes, Tauron finit par réussir à décrocher l'arc et enlève la cire qui s'est collée sur le bois, il respire un grand coup et se tourne vers Nerwen, il s'apprête à lui faire une remontrance qu'elle n'oubliera pas de sitôt. Cependant, il remarque qu'elle ne s'est pas gênée pour boire toute la soupe contenue dans le chaudron, elle passe sa main sur son ventre et fait des ronds dessus, son air ravi avec le petit bout de langue qui se délecte de la moustache créée par l'onctuosité de la nourriture adoucie sa colère, il souffle et lui dit :

–Écoute, je sais que l'arc à son caractère, d'après les anciens porteurs, il en a un très mauvais même. Pourtant, ils ont aussi dit qu'il pouvait être doux comme un agneau si tu lui inspires du respect.

–Et je fais comment ? Il ne veut jamais m'adresser la parole.

–Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'il arrête de te parler ?

Elle se met droite sur sa chaise et détourne le regard :

–En fait, je l'ai comme qui dirait “utilisé”.

Elle se tait et jette un regard vers son tuteur qui demande calmement :

–Utilisé à faire quoi ?

Ses pupilles fuient le regard de Tauron, mais elle ne peut s'empêcher de se tourner vers son oncle, elle alterne comme cela pendant quelques secondes et essaye de cacher sa gêne en touchant ses index :

–Utilisé en tant que tyrolienne improvisée.

Tauron ne peut retenir le fou rire en imaginant la scène :

–Et tu t'étonnes qu'il ne veuille plus communiquer après ça ?

Ses oreilles se baissent ce qui signifie généralement qu'on est déçue et où embarrasser par la réaction d'un autre, en voyant cela son fou rire s'arrête et il la rassure :

–Allons, ne tant fait pas, tu fais des erreurs et c'est normal, dans nos archives, il y a un porteur qui a essayé de le mettre aux feux durant l'une de ses beuveries.

Ses oreilles se relèvent et demande, étonnée :

–Sérieusement ?!

–Oui, mais tu comprendras qu'il ne vaut mieux pas que cette histoire s'ébruite.

Il lui tend doucement l'arc en disant :

–Commence déjà par le respecter en l'utilisant correctement et il recommencera à te parler. N'oublie jamais que nous payons toujours nos dettes.

Elle le prend doucement et à son contact, l'arc prononce d'une douce voix presque maternelle :

–Sage et protecteur, peut-être trop.

Seul Nerwen peut entendre cette voix qui ressemble tant à celle de sa mère qu'elle a perdue durant l'une des nombreuses guerres que les djinns ont l'habitude de faire.

Elle se souvient de la peur qu'elle avait ressentie, tel une blessure qui ne se refermera jamais, elle revenait la blessée, ses yeux avaient imprimé l'image de sa mère mourante et de ses derniers mots :

–Nerwen… vie.

Son père est mort suite à ses blessures, même tous les efforts titanesque fait par Nerwen en utilisant la magie de soin n'avait pas suffi à le sauver, ce jour-là, comme si le ciel était en accord avec sa tristesse, il se mit à pleurer, de fine goutte de pluie était venue tremper ses doux cheveux verts, seul Tauron pouvait partager sa peine, il s'était tenu à ses côtés et la protéger du mieux qu'il pouvait du mauvais temps avec sa feuille à pluie. Ce souvenir dura à peine une seconde dans son esprit, elle répondit à Tauron :

–Je vais essayer, mais je ne te promets rien.

Tauron bien que compréhensif, souhaite avant tout que sa nièce ne fuit pas de nouveau comme il y'a cinq ans après la mort de ses parents, la retrouvée fut long et compliqué, il lui indique sur un ton doux et chaleureux :

–Aller, ne fais pas cette tête, il va finir par t'adresser la parole d'un moment à l'autre.

–Je suppose, vous avez parlé de quoi au conseil ?

Tauron s'assoit confortablement sur la chaise en face d'elle avant de lui répondre :

–De l'absence bienfaitrice des petites oreilles qui ne viennent plus depuis vingt ans et de la disparition des feux ambulants.

–Les djinns ont disparu ?

–Ça fait deux semaines qu'ils n'ont pas essayé de gagner du terrain en brûlant la forêt, le conseil s'inquiète à ce sujet, remarque ça nous fait du bien, parce que entre les feux de forêt et les razzias des humains qui arrachait nos arbres et chassait les animaux sauvages, notre écosystème était au plus mal.

–On n'a pas de nouvelles des nageoires ?

–Les Océanides se tiennent tranquilles, en même temps leurs pouvoirs ne sont pas efficaces grâce à Maëve.

–Ils n'ont rien dit d'autre ?

–Rien d'autre, mis à part les broutilles législatives habituelles.

–Et je…

La cloche de la reprise des cours la coupe, étonnée, elle demande :

–Il est déjà si tard ?

–Dépêche-toi de partir ou sinon tu seras en retard.

Elle prend ses affaires à la hâte, Tauron continue :

–Oh fait, c'est bientôt le jour de leur anniversaire, tu ne veux pas venir ?

Nerwen comprend qu’il parle de ses parents et lui fait changer de sujet en disant :

–Merde merde merde merde merde !

–Les gros mots !

Elle dévale les escaliers, ouvre la porte et hurle :

–Ok boumeur !

Elle claque la porte, Tauron souffle une énième fois face à l'impertinence de sa jeune protégée :

–Si seulement tu pouvais être plus sage.

Au même moment son estomac se fait entendre, il jette un œil au chaudron pour s'assurer s'il ne reste pas un fond de soupe, malheureusement pour lui la gourmandise de Nerwen est passé par là :

–Et en plus, tu ne m'as rien laissé.

Il se lève et se remet à cuisiner, il remarque Nerwen courir à toute allure en direction de l'académie d'archerie :

–En espérant que tu ne causes pas plus d'ennuis que d'habitude.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Oneworld ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0