Les années passèrent, et le nom d'Airelle faisait référence au passé. Beaucoup de privilèges incombaient à un membre d’une famille principale : de belles maisons, une vie remplie de luxure, et un nom qui à sa seule prononciation, faisait jalouser certains. Tout cela était fini à présent, et les voilà réduit à l’état d’inconnu, au même rang que ces citoyens dénués de potentiels spirituels. Alice avait maintenant dix-huit ans, et ce passé glorieux ne cessait de la hanter. Elle n'avait pas tout compris, lorsque les autorités étaient venues les chasser de la maison familiale. Le seul souvenir qu’elle en gardait, c’était les hurlements rageants et remplis de désarroi que son grand-père poussait. Il était impuissant face à cette situation et suppliait pour un délai supplémentaire. Jessica, quant à elle, était affolée. Elle serra la main de sa sœur, tellement fort, qu’elle aurait pu graver ses empreintes sur sa peau. Le souvenir de cette humiliation se répétait encore, et encore dans l’esprit d’Alice. La jeune fille se regarda au miroir l’air déterminée. Elle voulait à tout prix retrouver l’ancien statut attribué à sa famille. Après avoir fini d’enfiler son uniforme bleu marine, qui faisait ressortir son teint ébéne, elle remit un peu de volume dans ses cheveux crépus, arrangea sa petite coupe afro, et descendit les marches en affichant un air satisfait. Son uniforme lui allait bien, et elle en était fière. Mais ce sentiment s’évapora lorsque son esprit, la mine renfrognée, prit la parole.

― Il était temps !

Leifco attendait depuis quarante-cinq minutes. Il était arrêté devant la porte, et fixait la jeune fille du haut de son mètre quatre-vingt-dix. Son teint pâle faisait ressortir ses yeux couleurs rubis, qui la fusillaient du regard. Ses cheveux habituellement hirsutes étaient encore plus ébouriffés qu’à l’accoutumée, et cela accentuaient son côté enragé. Mais, Alice ne prit pas en compte sa mauvaise humeur, et lui répondit :

― J’ai mis à peine cinq minutes à me préparer.