Chapitre 5

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Il eut trois coups. Trois coups frappés, qui changèrent ma réalité. Le premier me surprit, le deuxième m'irrita, le troisième m'exaspère.

À mon désagréable interlocuteur, je criai:

-Drew, si c'est toi, depuis quand daignes-tu frapper avant d'entrer ? Si c'est quelqu'un d'autre; disparaissez ! Ça ne doit pas être si compliqué de me laisser tranquille !

J'entendis un soupir quelque peu amusé, bien que désespéré, puis la porte s'ouvrit,

Shawn.

Merde.

J'ouvrais la bouche pour m'excuser (je doute que mon ton ait été approprié face à mon supérieur) mais fût interrompue par celui-ci.

-Lève-toi, habille-toi, on sort.

Un peu déboussolée, je fais appel à mon côté sarcastique pour me sortir de ce faux pas.

-Tu sais que t'es trop vieux pour moi...?

Il roule les yeux en les levant au ciel puis me dit:

- Ce n'est pas un rencard, j'ai quelque chose à te montrer. Grouille-toi !

-Ok, ok, c'est bon... Mais si tu veux que je m'habille; sors !

Sans avoir le temps de me morfondre, j'enfile des pantalons cramoisi propre ainsi qu'une chemise blanche un peu trop grande. Par la porte, je demande à Shawn si nous allons à l'extérieur; la soirée est particulièrement belle pour prendre des photos, bien qu'un peu fraîche. Ayant reçu une réponse positive, j'attrape mon boîtier reflex ainsi que mon blouson en cuir. je complète le tout avec une tuque style «beanie» pour ne pas me geler les oreilles. Shawn approuve mes vêtements du regard lorsque je sors dans le couloir, ris un peu devant mon appareil photo, puis m'invite à le suivre.

Une fois en bas, je me dirige vers l'arrêt de bus, mais Shawn m'arrête sec et me montre une Kawasaki Z125 Pro. Je m'exclame devant une telle splendeur:

-C'est la tienne ? Elle est géniale !

En riant, il me répond:

-Tu vas même pouvoir y monter.

Alors que Shawn nous conduis je-ne-sais-où, j'ouvre les bras, ferme les yeux et profite de ce court instant de liberté absolue. Shawn sourit en me voyant faire, alors qu'une joie indicible m'envahit. Le doux vent de cette soirée exquise siffle à mes oreilles une mélodie doucereuse alors que la vitesse fait claquer mon blouson resté ouvert. Les couleurs des panneaux d'affichage rétro-éclairés virevoltent, tourbillonnent et se mélangent. Les lumières vives de feux de circulation m'éblouissent et la délicate lumerotte des lampadaires m'attendrie.

Nous ralentissons, puis Shawn s'arrête. Une fois plus, j'ai une confiance aveugle à avoir en lui. Cette fois-ci, c'est tout simplement parce que je n'ai pas la moindre idée de notre courant emplacement. À la blague, je lance:

Serait-ce une tentative d'enlèvement ?

Il lève encore les yeux au ciel et me répond:

-Arrête de faire ta fin finaude et suis-moi.

-Attends... Ma quoi ?

Puisqu'il semble avoir une meilleure connaissance des lieux que moi, je m'empresse de lui emboîter le pas.

Alors que nous sommes arrivés devant un théâtre qui semble abandonné depuis longtemps, Shawn s'arrête. Je fais de même. Il semble nostalgique. Sa main gauche plonge dans sa poche, puis ressort, avec un bandeau noir, très opaque. il se place derrière moi et m'entrave la vision avec la bande de tissu.

-Ok, là tu essaies définitivement de me kidnapper.

Il rit et m'attrape le bras droit, me guidant au travers de l'encombrée salle de spectacle.

-Attention, il y a des escaliers.

Une fois en haut il me fait traverser une porte. Une bourrasque d'air frigorifiant cingle contre mes oreilles. Je sens les mains délicates de Shawn enlever la bandelette de coton de sur mes yeux. Immédiatement, je lui dis, rêveuse:

-Je suis sans mots. La vue sur la ville est... J'ignore comment l'exprimer, c'est superbe et inspirant. J'ai l'impression que rien ne peut m'atteindre. Comme si nous étions les rois du monde...

Je prends une grande bouffée d'air frais, puis me tourne vers Shawn, le remerciant de m'avoir montré ce paradis terrestre. Celui-ci s'assit sur la large rambarde du toit puis tendit la main vers moi. Je la pris et m'assis à mon tour. Pendant quelques minutes, ni lui, ni moi ne parle; nous écoutons l'apaisant silence. Silence, c'est une bien grand mot puisqu'il y a des bruits de voitures et de rires au loin, mais les sons de la nuit de dissipent dans l'air comme du brouillard, apaisant les esprits tourmentés.

Après ces instants de calme, Shawn prend la parole, brisant ainsi la connexion, la symbiose créée par l'absence de bruit.

- Ma sœur adorait venir ici. Elle est comme toi, tu sais. Enfin, elle l'était. Elle avait la leucémie. À chaque fois que nous venions ici, elle me répétait inlassablement: "J'ai espoir Shawn; j'ai espoir !" Je n'y croyais plus. Il fut même un moment où elle était si faible qu'elle ne pouvait respirer seule. Elle par contre, elle n'a jamais perdu espoir. Maintenant, elle est médecin dans un hôpital pour enfants et vit une vie des plus heureuses.

Shawn marqua une courte pause, comme pour appuyer ses paroles, puis reprit:

- Jayd. Oui, je voulais te montrer le paysage, mais c'est de l'espoir que je voulais te montrer. Ne te laisse pas abattre, sinon la maladie te vaincra. Tu es tombée ? D'accord, respire, apitoie-toi sur ton sort pendant quelques secondes s'il le faut, mais relève-toi et continue. Bats-toi jusqu'au bout ! Il y avait cette flamme en toi, cette étincelle et cette passion, durant votre audition. Retrouve-la ! Elle te rend merveilleuse...

Il a les larmes aux yeux, le souffle court et les mains tremblantes. L'émotion se dégage de chacune des pores de sa peau, du plus profond de son âme. Il me prit par les épaules, plongea son envoûtant regard dans le mien et me murmura:

- La danse peut être ton allumette, si tu la laisse t'allumer.

Je ne peux m'empêcher de penser, des larmes coulant sur mes joues, "Oui... Mais ça fait mal, ça fait si mal qu'il serait plus simple d'arrêter. C'est si douloureux de ne perdre le contrôle, de ne plus savoir à quoi s'accrocher !"

Au lieu de ça, je lui dis simplement:

- On fait dur, à pleurer comme ça, en pleine nuit, tu ne trouves pas ?

Il rit un peu, hoche la tête, puis se lève. Une fois debout, il mit une main dans sa poche, puis la ressortit, non pas avec le bandeau, mais bien avec son téléphone portable. Il pianota sur celui-ci quelques instants, puis de la musique se fit entendre, alors qu'il me tend la main. Rigolant, je prends sa main, baissant les yeux vers le sol.

Shawn m'attire vers lui, puis me guide dans une magnifique chorégraphie. Il est tellement talentueux ! Mon cœur palpite, j'ai les mains moites. Des papillons virevoltent dans mon ventre, mon estomac se tort. J'ai la tête qui tourne, mes sensations sont augmentées, je suis ivre de bonheur. Shawn est une si merveilleuse inspiration, un modèle; une épaule sur laquelle m'appuyer.

Par ses bons conseils, ses encouragements et la danse, une douce pensée me vient en tête.

J'ai espoir Shawn; j'ai espoir.

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