Chapitre 35 Le bal des vampires

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Alors que le soir tombait, Ella s’arrêta dans l’un des bas quartiers de la cité. Je descendis de la voiture et aidai Isabelle à en sortir. Victor poussa un long soupir de soulagement. Mon attention fut alors happée par une musique sourde et rythmée qui semblait provenir du sol.

« Dites-moi Ella, Demandai-je. Ce refuge dont vous m’avez parlé,… C’est un genre de rave ?

-Je dirais plutôt, un genre de cave.

Charlotte prit une profonde respiration en regardant son chauffeur avec irritation.

-Ella… Ella, Ella, Ella, ELLA !

-Quoi donc madame ?

-Ella, ma petite Ella… Vous êtes en train de me dire que vous envisagiez d’abriter votre reine dans un endroit aussi sordide que bruyant.

-Et bien…

Isabelle vint à son secours :

-À la guerre comme à la guerre ! Si l’endroit n’est pas assez bien pour Madame la présidente, il lui reste toujours les geôles de la maréchaussée.

-Je vous remercie, Mademoiselle Garnier, répondit Ella. Les tenanciers sont de vieux amis de l’époque où j’étais adolescente. Présentez-vous à eux de ma part, demandez Lestat, il vous cachera. Je m’occupe de dissimuler la voiture.

-Attendez, lui criai-je. Comment ferons-nous pour passer inaperçu au milieu de tous ces gens ?

-Vous n’aurez qu’à rester vous-même ! Répondit-elle.

Elle démarra et nous laissa seuls.

Fermement résolue, Isabelle toqua les quatre coups qui indiquaient le V, contre la lourde porte métallique. Une petite trappe s’ouvrit sur le devant, laissant apparaitre un regard peu commode. En guise de bienvenue, l’homme qui se tenait derrière, nous adressa ces quelques mots.

« Pauvres mortels ! Comment osez-vous vous aventurer devant l’antre du diable ! Dites-moi qui vous envoie ou mourrez !

Nous nous regardâmes tous ensemble, les uns les autres, choqués par l’accueil. Isabelle hésita un instant puis reprit :

-Hem, nous sommes ici de la part de Mademoiselle Weber, nous voulons rencontrer un certain Lestat.

Il referma la trappe et nous laissa seuls pendant quelques minutes.

-Je me demande bien qui peut se faire appeler Lestat à notre époque, affirma Charlotte.

-Ce n’est pas pire que Charlotte, répliqua Isabelle.

-Toi… Dit-elle sur un ton menaçant.

Voyant que des ondulations de chaleur commençaient à apparaitre autour de Charlotte, je décidai d’intervenir illico afin de calmer le jeu :

-Allons Mesdames, je vous en prie, calmez-vous. Rappelez-vous, il faut passer inaperçu. Quoi que ces gens décideront pour nous, nous devrons nous fondre dans la masse et adopter leurs coutumes.

-Exactement ! Répondit Isabelle.

L’homme revint et rouvrit la trappe.

-Bon, je viens de parler à Monsieur Lestat et il est formel, on fait soirée à thème ce soir et il ne veut voir personne sans déguisement. Veuillez repasser demain.

Isabelle passa alors sa main à travers la petite trappe et empoignât le videur.

-Écoute-moi bien, cuistre, je viens de passer les derniers jours à crapahuter sur les routes. Je suis affamée et poursuivie pour agression, si tu ne m’ouvres pas immédiatement je vais commettre l’irréparable.

-Pitié… Arrêtez, vous m’étranglez ! Dit-il en suffocant.

Charlotte intervint à son tour.

-Isabelle arrête ! On a dit passer inaperçu. Laisse-moi négocier avec Monsieur. »

Charlotte s’avança devant la trappe et regarda le videur droit dans les yeux.

« Écoutez ma voix. Je suis sûre que vous avez très envie de nous accueillir.

L’homme sembla d’abord hésitant, mais il finit par desceller la porte et nous laissa entrer.

-Bon, c’est d’accord, mais il vous faut quand même vous déguiser, autrement Monsieur Lestat ne vous adressera même pas la parole. Allez à la remise, il doit nous rester quelques costumes. Bien… Bienvenue dans l’antre de l’enfer, on espère que vos âmes y resteront à jamais. »

Le petit numéro d’hypnose de Charlotte avait été partiellement efficace. Nous nous frayâmes un chemin à travers la foule de jeunes gens, au milieu des vapeurs d’alcool, de la musique punk et des lumières noires. Cet établissement s’appelait le Lioncourt. Il s’agissait d’une boite de nuit qui rassemblait principalement les adeptes d’histoires de vampires, gothiques et Emo. Le cadre collait d’ailleurs parfaitement à l’ambiance. On pouvait y trouver toutes sortes de choses allant des miroirs vénitiens aux affiches du Nosferatu.

Charlotte s’arrêta devant un jeune homme dans les vapes, allongé sur les marches d’un escalier.

« Dites-moi mon brave, la remise se trouve-t-elle bien à l’étage ?

L’homme émergea de sa transe et fixa la bouche de Charlotte.

-Whoaaaaaaa ! Elles sont trop cool tes dents M’dame !

À en juger par son réflexe de recul et la manière dont Charlotte détournait désespérément la tête, je me doutais que la personne qui lui parlait très près du visage n’avait pas bu que de l’eau. Charlotte fut immédiatement prise d’une nausée et se couvrit le nez à l’aide d’un petit mouchoir en satin.

-Et bien princesse ! Se moqua Isabelle. Refais ton numéro… Regarde le droit dans les yeux à dix centimètres et hypnotise-le qu’on en finisse.

-Oh mon Dieu ! Quelle horreur ! C’est une infection ! Non je regrette c’est au-dessus de mes forces ! Dit-elle.

Il faut se rappeler que Charlotte était celle d’entre nous qui possédait l’odorat le plus développé. Le jeune homme nous fit signe de monter. Nous fîmes attention d’enjamber les gens endormis sur les marches. Alors que Charlotte s’appliquait à maintenir sa robe hermétique aux regards, Isabelle ne s’embarrassait guère et marchait sur les gens en leur accordant autant d’importance que les tapis anciens sur lesquels elle frottait ses bottines. Victor, lui n’était pas à son aise et ne quittait pas mes talons. Les looks excentriques et les piercings n’étaient pas sa tasse de thé.

Le premier étage arborait un style plus ancien, très sombre, mais au vu de notre nature, cela ne nous dérangeait pas. Nous nous présentâmes devant la remise où étaient stockés les précieux costumes qui nous permettraient d’accéder à Lestat. Victor et moi étions les premiers à nous changer. J’avais choisi un ensemble rougeoyant évoquant les années 90, doté de petites lunettes rondes et d’un chapeau. Victor, lui était habillé à la manière des vampires d’Underworld. Nous laissâmes les dames se changer en priant pour qu’elles ne s’entretuent pas.

« Victor, à ton avis, qu’est-ce que je porte ? Un cosplay de Léon ?

-Monsieur Alexandre, je pense qu’il s’agit plutôt d’Alucard.

-Connais pas…

Nous entendîmes alors Charlotte et Isabelle s’agiter à l’intérieur de la pièce. Je frappais à la porte afin de leur demander la permission d’entrer. Isabelle était devant le miroir, pendant que Charlotte la regardait, un sourire vengeur aux lèvres.

« Je ne vais quand même pas porter cela ! S’offusqua-t-elle.

-Pourtant tu étais d’accord : quoi que ces gens décident pour nous nous devrons accepter leurs coutumes pour nous fondre dans la masse. Répliqua Charlotte.

-Où est le problème ? Demandai-je.

-Il se trouve que Madame refuse de porter du cuir sous prétexte que c’est indécent et inconfortable. Moi je ne me plains pas, cette robe me rappelle ce que je portais autrefois. Je ne vois pas en quoi elle fait vampire.

Isabelle était effectivement tombée sur un ensemble en cuir moulant plutôt subjectif. Charlotte avait eu plus de chance, son costume était élégant. Il s’agissait d’une longue robe du dix-huitième siècle. Je me souvins que c’était celle du vampire Drusilla, mais je préférais ne pas lui dire.

-Victor, toi qui es le grand spécialiste. Ça sort d’où ce costume ?

Il baissa les yeux, n’osant pas admirer les formes d’Isabelle, comme si sa vie en dépendait.

-Et bien… Je crois que c’est celui de Sélène. Nous allons bien ensemble vu que j’ai celui de Viktor, enfin celui d’Underworld.

Isabelle lança un regard noir en direction de Victor, qui se cacha derrière moi.

-C’est tout à fait ça, ne lâche rien, tu tiens bien le personnage ! Mis à part les cheveux, tout y est. Dis-je en me retenant de rire.

Elle s’approcha de moi, dans son ensemble en cuir, adoptant une démarche maladroite.

-Ose seulement esquisser un sourire, un rictus même et je te défonce !

Une voix vint interrompre notre échange. Un membre du personnel avait été prévenu de notre arrivée par Ella et était venu nous chercher afin de nous conduire auprès de ce fameux Lestat. Notre droit d’asile allait dépendre de ce mystérieux personnage.

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