Chapitre 36 Lestat

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Le vampire était à l’honneur ce soir-là. Tout le monde n’adoptait pas le cosplay, mais chacun avait au minimum ses faux crocs de vampire… Mis à part nous qui en avions des vrais. Les DJs diffusaient métal, électro, rock et toutes sortes de mélodies issues d’une culture qui jusque là m’était inconnue et je dois dire que j’en découvrais les rythmes entrainants comme un enfant découvrant l’adolescence.

Bien sûr il y avait certaines choses qui me perturbaient. Ce goût prononcé pour le sang notamment, bien que j’allasse bientôt en consommer moi-même régulièrement. Je savais intérieurement que je le ferais par nécessité et non par vénération. Il s’imprégnait partout, sur les murs, le mobilier, les gens. Tout ici, était là pour nous rappeler que les vampires étaient élevés au rang de dieux et nous nous apprêtions à rencontrer l’un de leurs adeptes.

Nous franchissions les cordons de ce qui semblait être un carré VIP réservés aux membres de haut rang de ce temple du vampirisme. Toujours dans la tenue de Sélène, Isabelle s’avança d’un pas sûr et engagé, sous les sifflements et les regards emprunts à la convoitise. Ses yeux brillaient pendant les périodes d’obscurité, lorsque les lumières qui éclairaient la piste de danse passaient au-dessus d’elle, tels des coups de tonnerre dans la nuit.

« C’est vous Lestat ? Demanda-t-elle.

L’homme en question la regarda de la tête aux pieds.

-Oui, pourquoi ? Ça vous étonne ?

-Ce que mon amie essaie de vous dire, reprit Charlotte, c’est que nous sommes envoyés par Mademoiselle Weber et nous avons besoin que vous aidiez quelques temps. Nous vous en serions profondément reconnaissants.

Le dénommé Lestat se mit debout, repoussant les femmes qui lui tenaient compagnie afin de mieux distinguer Charlotte. Il lui tourna autour pendant quelques secondes.

-Mais alors, vous devez être la fameuse Madame Forestier ! Dit-il d’un air pompeux.

-Oui, c’est moi-même.

-Ça alors ! L’employeuse de ma chère Ella ! Que venez-vous donc faire dans le monde souterrain ? Le monde des vampires vous intéresse ?

-C’est un peu difficile à expliquer, mais nous sommes recherchés par les forces de l’ordre. Ella nous a dit que vous pourriez nous cacher.

Il se retourna et prit quelques secondes pour réfléchir, puis il se tourna vers ses acolytes.

-Alors, celle là c’est la meilleure ! Ella Weber qui m’a plaqué pour soi-disant se ranger et intégrer la Police. Cette même Ella qui a coupé tous les ponts avec moi pour jouer les chauffeurs distingués auprès de Madame, a à présent besoin de moi pour échapper à la justice !

Lestat et ses amis se mirent à rire devant nous face à la situation. Charlotte argumenta :

-Écoutez, j’imagine que vous devez m’en vouloir de vous avoir enlevé la femme qui occupait vos pensées et je vous assure que je n’étais pas au courant de cette histoire. Sa famille est au service de la mienne depuis longtemps et ses parents avaient tracé son destin bien avant qu’elle ne vienne au monde.

-Vous croyez au destin Madame ? Demanda-t-il.

-Je crois que nous avons tous un rôle à jouer dans la grande horloge de l’univers.

-Alors, dans ce cas, vous croyez peut-être en l’existence d’un horloger ?

-Dieu ?

-Appelez-le comme vous voulez.

-Je ne sais pas… Peut-être. Je n’ai jamais vraiment reçu de révélation pour en être sûre.

-Moi je crois en l’Homme et au pouvoir de sa volonté. Et bien je vous en prie asseyez-vous.

Nous prîmes, tous les quatre, place face à lui. Je lui dis à mon tour :

-Vous semblez plutôt cultivé pour, enfin pour,…

-Pour un gothique ?

-Enfin, pour quelqu’un qui semble être le prêtre d’une église aussi peu orthodoxe.

-On peut avoir une passion pour le lugubre et une licence de Lettres, Monsieur. Les deux ne sont pas incompatibles, j’ai été au lycée tout comme vous.

-Tout comme on peut être un vampire et aimer les couleurs j’imagine.

-Je vous demande pardon ?

-Non rien.

Lestat me regarda d’un air amusé.

-Les vampires vous font peur Monsieur ? Demanda-t-il.

Après une courte hésitation je lui répondais en toute honnêteté tout en me touchant le cou.

-Je n’en garde pas un très bon souvenir.

-Et vous Mademoiselle ? Demanda-t-il s’adressant à Isabelle.

-Si cela ne tenait qu’à moi, je voudrais les voir tous morts ! Répondit-elle.

Il se mit à rire et nous répondit :

-Nous sommes immortels voyons !

-En êtes-vous bien sûr ? Reprit Isabelle.

-Évidemment ! La littérature nous a rendus éternel, notre âme survivra à travers les siècles ! Nous survivrons à travers l’imaginaire des hommes.

-Est-ce ainsi que vous envisagez l’immortalité, jeune homme ? Demanda Charlotte.

-Bien sûr ! L’immortalité du corps n’est qu’apparence. Je pourrais vivre des siècles tout en restant mort à l’intérieur, si aucune passion ne m’animait. La passion, c’est ce le carburant de mon âme, Madame. Sans elle qu’aurais-je accompli ?

-Vous dites cela comme si la société actuelle vous empêchait de vivre par passion. Répondis-je.

-Essayez donc de porter des crocs de vampire le temps d’une journée, Monsieur ! Lança-t-il à son tour. Nous verrons comment réagira votre société.

-Et si je n’avais simplement pas le choix ?

Lestat me montra alors ses faux crocs de vampire. Ils étaient bien faits, mais après avoir eu plusieurs fois l’occasion d’en observer des vrais, je pouvais facilement faire la différence.

-Cela vous choque ? Demanda-t-il.

-Pour être honnête, oui.

Il se mit à rire.

-C’est normal, c’est l’effet recherché ! Au moins, vous avez le mérite d’être honnête.

Toute l’ironie du monde était là. Nous qui faisions notre possible pour dissimuler notre dentition, quitte à ne jamais sourire, lui faisait son possible pour que la sienne soit remarquée. La différence résidait dans le fait qu’il pouvait ôter ses prothèses à tout moment.

-Est-ce que vous allez nous cacher parmi ces aliénés ? Demanda brutalement Isabelle.

-Ce que mon amie essaye de vous dire…

-Je comprends très bien ce qu’elle veut dire ! Je ne suis pas stupide. Je sais très bien ce que vous pensez de nous. Le monde de la nuit vous repousse, je peux le voir dans vos yeux. Je regrette, mais votre place n’est pas ici. Pour que je vous aide, vous devrez d’abord vous aidez vous-même. Apprenez à devenir comme nous, des créatures de la nuit et alors seulement vous serez digne d’être des nôtres. En attendant, je ne veux pas d’ennuis avec les autorités. À moins que vous n’ayez une bonne raison d’être poursuivis, je vais vous demander de rendre ces costumes et de quitter les lieux.

Constatant la mauvaise tournure que prenaient les négociations, Charlotte se tourna vers moi :

-Nous n’avons plus le choix, il va falloir lui dire qui nous sommes…

-Vous êtes sérieuse ? Et le secret ancestral ? Les autres clans ? Ils vont nous en vouloir.

-Pas si on en fait l’un de nos gardiens, la loi nous y autorise.

-Encore faut-il qu’il accepte…

-Dans le cas contraire, je lui effacerais cette journée.

Voyant que notre survie en dépendait, je donnai mon approbation pour que ce Lestat devienne notre nouveau gardien. Je me levai et m’avançai vers lui afin que le reste de la foule n’entende pas la conversation que nous nous apprêtions à échanger.

-Puisque c’est comme ça, nous allons vous dire la vérité.

-Je vous écoute. Répondit Lestat.

-Nous sommes des vampires ! Lui murmurai-je. »

Il se mit à sourire et parcourut du regard chacun d’entre nous d’un air amusé.

« Ça ne vous étonne pas plus que cela ? Lui fis-je remarquer.

-Nous sommes tous des vampires, mon enfant. Enfin symboliquement.

-Non, non, vous ne m’avez pas compris. Nous sommes réellement des vampires ! Nous buvons du sang !

-Comme tout le monde, ici. Me répondit-il en me tendant son cocktail aux fruits rouges.

Je posai mes doigts sur mes yeux, désespéré que j’étais à ne pas pouvoir lui faire comprendre. Charlotte vint à mon aide :

-Jeune homme, ce que nous essayons de vous dire, c’est que nous avons tous subi à un moment de notre vie, une transformation de notre corps qui nous a rendus dépendant du sang. Ce n’est pas un jeu, nous sommes réellement des vampires.

-Oh, vous savez, vous n’êtes pas les premiers à me dire ces choses-là. Je croise beaucoup de personnes qui vivent leur passion vampirique à fond. J’admire ça, vous savez.

-Bon puisque c’est comme ça !

Charlotte ouvrit la bouche et montra ses crocs au grand jour tout en laissant ses yeux argentés briller dans le noir de la salle. Dans sa longue robe rouge sang, elle était autant impressionnante que terrifiante. Malheureusement ce ne fut toujours pas assez pour convaincre Lestat.

-C’est dingue, je dois admettre que vos crocs sont vraiment très bien faits. On s’y croirait ! Vous n’êtes pas aussi terrifiante que Drusilla, mais vous êtes sur la bonne voie.

Le niveau d’exaspération de Charlotte avait atteint un seuil critique. Nous fûmes témoins de sa colère pendant qu’elle commençait à émettre une forte chaleur autour d’elle.

-Et maintenant ? Demanda-t-elle.

Lestat se gratta la tête.

-Il fait chaud ici ! On doit avoir un problème avec la clim. Je vais devoir vous laisser le temps de régler ça.

Désespérée à son tour, Charlotte se rassit sur le point de craquer. Une voix se porta alors à notre secours.

-Ils disent la vérité Max ! »

Cette voix était celle d’Ella qui était de retour. Elle avait terminé de dissimuler la voiture au nez et à la barbe de la Police.

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