Chapitre 31 Un agent très spécial

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Ella avait reçu pour consigne de dissimuler la voiture hors de Rambouillet. Nous nous trouvions sur le pas de la porte d’un petit appartement à l’intérieur d’une résidence. Charlotte sonna trois fois puis une quatrième fois, en produisant une longue note.

« Que veulent dire ces quatre sonneries ? Demandai-je.

-Ceci, mon garçon, c’est le V pour Vampire. Cela permet à notre homme de venir nous ouvrir sans avoir à se méfier. C’est un signal que tous les vampires connaissent et utilisent pour se reconnaitre entre eux.

-Le V de Vampire ? Je ne comprends pas. D’où est-ce que ça sort ?

-Ce n’est pas important, retient juste qu’il faut trois notes courtes suivies d’une longue pour signaler aux autres, qui tu es.

-Comme la symphonie de Beethoven ?

-Exactement… Par ailleurs, je voulais te prévenir. L’homme que nous allons voir est un peu, disons, original. Auprès des autres vampires, il passe pour être un illuminé. C’est un solitaire, adepte de sciences et d’Histoire. Attends-toi à être surpris.

-Ne vous inquiétez pas, je commence à m’habituer.

Charlotte passa nerveusement sa main à travers ses longs cheveux noirs.

-Mmh !... Prépare-toi tout de même. »

J’entendis alors l’individu à travers la porte venir jusqu’à nous. Il déverrouilla lentement les cinq serrures qui le protégeaient du monde extérieur puis ouvra doucement la porte. Lorsque mes yeux de loup eurent fini de se dilater afin de s’habituer à l’obscurité de son foyer, j’eus enfin le loisir de contempler le visage du détective tant vanté par les récits de Charlotte.

« Ah quand même ! Chuchotai-je »

Charlotte me mit un coup de coude discret, mais suffisamment douloureux pour que je me corrige.

« Euh pardon ! Je veux dire, ravi de vous rencontrer. Je suis Monsieur Perez et voici…

-Madame Forestier, oui, je sais qui vous êtes, répondit l’individu.

Charlotte m’avait mis en garde et pourtant je ne pouvais m’empêcher de dévisager le détective qui venait de nous inviter à entrer dans sa demeure. Non pas qu’il eusse été moche ou difforme. En vérité, son aspect était le total opposé de l’idée que je m’étais faite d’un vampire solitaire. L’individu était petit, chétif et portait de grosses lunettes carrées à monture noire. Charlotte nous présenta alors, l’un à l’autre.

-Alexandre, je te présente Victor Lahaie, ancien divisionnaire durant l’entre deux guerres et à présent détective. Victor, je te présente Alexandre, le sixième seigneur.

-Alors, c’est donc vous dont tout le monde parle ! Votre majesté, c’est un honneur ! Répondit le détective.

-Je vous présente mes excuses si j’ai pu vous paraitre désobligeant. Attendez… Les vampires parlent de moi ?

-Bien sûr, vous n’avez pas lu la presse ? Un attentat à la BNF, une supposée fuite de gaz dans un hôtel particulier, une course poursuite en voiture et ces rumeurs sur une certaine Dame Blanche qui hanterait le périphérique.

-Holà, tout n’est pas de moi. Répondis-je.

-Oui, j’imagine, mais vous savez comment sont les gens. Les vampires ne sont pas différents, ils aiment bien parler entre eux, se raconter des histoires à faire peur.

Charlotte reprit :

-Victor, comme tu le sais déjà, nous avons besoin de toi pour nous aider à accomplir trois tâches : identifier un copieur, retrouver l’héritage de notre clan et enfin, localiser Isabelle.

-Isabelle, répéta Victor, la « Isabelle » ? La tueuse sanguinaire ?

-Oui, celle là, oui, mais Alexandre est là pour nous y aider.

Il bégaya quelques instants et prit un air de chien battu après avoir entendu ce nom. Charlotte usa alors de son terrible regard dominateur pour l’intimider.

-Ma… Majesté, vous savez surement que je n’oserais jamais vous dire non, mais vous semblez me demander de choisir entre mourir par votre main, sous une salve d’air brulant, comme un rôti ou démembré lentement par des lacérations.

-Allons, s’il te venait l’idée saugrenue de me dire non, je ne te brûlerais pas, voyons, pour qui me prends-tu.

-Ouf ! Alors, c’est non. Dit-il d’un air rassuré.

Mais Charlotte reprit avec un grand sourire, son visage tout près du sien :

-Si tu oses me dire non, je te laisse seul en tête-à-tête avec Ella, jusqu’à ce que tu dises oui.

-D’accord, d’accord, vous avez gagné ! Tout, mais pas ça !

-Voilà, qui est raisonnable. Alexandre, donne donc au monsieur ce que je t’ai demandé.

-Voici ! Répondis-je.

Comme elle me l’avait demandé précédemment, j’avais conservé la photographie sur mon téléphone, faite par Isa lorsqu’elle voulut s’en servir pour aveugler le bibliothécaire. La photo était floue, mais elle restait un indice précieux pour nous éclairer sur son identité. Victor nous invita à nous asseoir non loin de son bureau et nous servit des poches de sang animal pour nous faire patienter. Il chargea dans son ordinateur, tous les éléments que nous avions collectés et se mit aussitôt au travail.

-Bon, nous y voilà, dit-il. Ce logiciel va nous permettre de comparer votre photo avec des milliers d’autres prises partout en France. Cependant, afin de restreindre notre champs d’investigation nous allons nous concentrer sur toutes celles prises par des personnes ayant eu un quelconque rapport avec la BNF. Cela risque d’être assez long. En attendant, nous devrions passer à la deuxième tâche, le cœur de Lorenzo. Attendez quelques secondes, je vais afficher les fichiers dont nous disposons.

Nous vîmes alors apparaitre sur son écran, toutes les pages du livre écrit de la main même du seigneur vénitien. Isa avait fait du bon travail, elles étaient propres, nettes et les couleurs étaient fidèles à celles utilisée au moyen âge.

-Incroyable ! Il écrivait si bien, mon cher et tendre Lorenzo. S’exclama Charlotte.

-Certes, mais tout est codé, qu’est-ce que ça signifie ? Demandai-je.

-Je n’en ai aucune idée, répondit Charlotte. Il n’a jamais voulu partager ce secret avec moi. Je pense qu’il voulait me préserver du monde des hommes. Il avait préparé la clé de décryptage pour moi, pour le jour où j’aurais besoin de vivre parmi les humains.

-Et Isa vous l’a volé.

-Oui, du coup, je n’ai pas pu l’étudier et je n’ai aucune idée de la manière dont on l’utilise.

-Mais elle, si !

-Comment ?

-Elle m’a dit un jour qu’elle avait une idée de son fonctionnement. Le premier indice doit se trouver dans le livre de l’Apocalypse, Ego Alpha et Omega principium et finis. Victor, vous avez un exemplaire du nouveau testament ?

-Oui, oui, je vous trouve ça. Dit-il. »

J’ouvris le livre et je me mis en quête du fameux verset numéroté 1 : 8 :

Je suis l'alpha et l'oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout-Puissant.

J’ouvris alors le coffre contenant la clé et je comparais les deux afin d’y déceler une éventuelle similarité. Mais aucune idée ne me vint à l’esprit.

-Non, ça ne vient pas ! Je n’arrive pas à comprendre comment ça marche. Vous y comprenez quelque chose ?

Charlotte relut le verset et inspecta la boîte à son tour.

-Hélas, non. Je ne vois pas non plus le rapport.

Victor inspecta longuement la clé. Il la manipula dans tous les sens avant de se concentrer.

-L’alpha et l’oméga,… Mmh… L’alpha et l’oméga, le premier et le dernier. Un seigneur vampire, une clé de cryptage,… Les disques pivotent sur eux même, mais ils n’ont pas de fin. Ils pivotent, pivotent et pivotent à l’infini. Comme pour symboliser l’immortalité. Or, chacun des disques ne pivotent que dans un seul sens… Mmh… Chacun des disques comprend très exactement vingt-six caractères latins. Celui qui était, qui est… et qui vient. Trois affirmations,… Pour trois disques superposés. Le disque central est celui qui était, or, il ne bouge que dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, il remonte le temps, en quelques sortes… Le deuxième… Le deuxième disque est celui qui est, car il ne bouge pas, il est aussi fixe que l’instant présent. Le troisième disque avance dans le sens indirect, à l’image du temps qui court, il symbolise le futur, celui qui vient… Mais je ne vois toujours pas ce que cela signifie.

J’observais à mon tour plus attentivement les ensembles de disques. Je remarquai un détail important, le disque du présent affichait huit subdivisions qui se terminaient par des loquets.

-J’ai trouvé ! M’exclamai-je. Vous voyez ces loquets, à coup sûr, se sont des vitesses, comme pour les roues des vélos. Si on les presse, les deux autres roues tournent ensembles dans leur sens respectif à une vitesse différente…

-Associant alors une lettre avec une autre ! Compléta Victor. Bien sûr, sacré Lorenzo, il a inventé l’ancêtre d’ENIGMA. Bravo, Monsieur, vous tenez là une bonne piste ! Maintenant il faut trouver dans quel ordre nous devons activer les loquets. Huit subdivisions, cela peut symboliser plein de choses comme le soleil, une horloge,… Le chiffre huit peut aussi symboliser l’infini.

-L’infini est un huit pivoté d’un quart, il faut peut-être presser un quart du cadran. Supposa Charlotte.

Nous fîmes alors le test, mais la phrase décodée ne voulut rien dire.

-Non, je regrette, ce n’est pas ça. Conclut Victor en se grattant le menton.

-Si nous ne trouvons pas, nous allons avoir besoin d’Isabelle. Conclus-je à mon tour. À moins que…

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