Chapitre 24 Le combat de Charlotte

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Ella m’invita à rejoindre Isa dans les jardins de la propriété pendant qu’elle se préparait à reprendre son travail de chauffeur. Je passais alors par une petite serre où la lumière était savamment filtrée par un amas de plantes tropicales. Isa et Charlotte étaient à l’entrée, côté jardin, où elles échangeaient des paroles plutôt amères.

« Monsieur Perez, bien le bonjour ! Avez-vous bien dormi ? Demanda Charlotte.

-Fort bien Madame, je vous remercie encore pour votre hospitalité. Répondis-je.

-Ne la remercie pas trop vite ! Répliqua Isa, il y a souvent un prix à payer avec madame la directrice.

-Il faut toujours que tu vois le mal partout ! Sans mon intervention, je te rappelle que tu serais en ce moment même dans une prison de haute sécurité. Crois-tu vraiment que j’ignore ce que tu cherchais à la BNF ?

-Et bien oui, je cherche ce qui t’appartient ! Il est temps que les vampires vivent au grand jour non ?

-Le cœur de Lorenzo a été dissimulé ici pour une bonne raison. Les vampires sont prêts à tout pour l’obtenir.

-Pourquoi à Paris ? Demandai-je.

-Parce qu’au seizième siècle, c’était une ville dont on savait qu’elle durerait dans le temps, alors que Venise, en revanche était menacée par Gênes.

-Exact, confirma Charlotte. Au moins je t’aurais appris ça.

Isa prit une profonde respiration.

-Charlotte, quelqu’un est après moi. Si tu ne m’aides pas, nous serons deux à pouvoir te tuer.

-Un copieur est en ville ? Demanda Charlotte. C’est étrange, je ne l’ai pas sentie.

-C’est quoi un copieur ? Demandai-je à mon tour.

-C’est une catégorie de vampire dont la spécialité est d’imiter le pouvoir des autres en consommant leur sang.

-Alors, dans ce cas, cela veut dire qu’il possède le mien ! M’écriai-je.

-Ne vous inquiétez pas, tant qu’il n’obtient pas celui d’Isabelle, je pourrais vous en débarrasser sans trop de problèmes. Tout ce que vous avez à faire est de rester ici. Abandonnez cette quête irraisonnée et restez avec nous. Je me chargerai de calmer la faim d’Isabelle.

-C’est très gentil, mais je n’y tiens pas, répondit Isa. Je connais bien tes méthodes.

Charlotte fut alors rejointe par un petit groupe de vampires qui nous entourèrent.

-Il ne s’agissait pas d’une question, dit-elle. »

Je me plaçai dans le dos d’Isa pour la défendre du mieux que je pourrais comme l’aurait fait Ella, prêt à viser les dents quand une voix retentissante survint de dehors :

« Non Majesté, je regrette, mais je ne vous laisserai pas m’enlever celle qui accomplira ma justice. »

Je vis alors les portes de la serre s’ouvrir toutes seules afin de laisser le champ libre au vampire qui m’avait agressé la veille, à la BNF. En le voyant, je ne pus retenir le réflexe de passer ma main sur mon cou. Le bibliothécaire se trouvait nez-à-nez avec Charlotte et tout indiquait qu’il était prêt à en découdre.

« Vous devez être la reine Charlotte, je suppose, ou dois-je vous appeler Constantia ?

-Qui êtes-vous ? Demanda Charlotte.

-Mon nom ne vous dirait rien, vous ne me connaissez pas. Je viens juste chercher Mademoiselle Garnier et je vous laisse tranquille. Aucun mort, aucun blessé, vous avez ma parole.

-Qui que vous soyez, moi je vous propose de repartir tout de suite, car croyez-le ou non, vous ne prendrez personne avec vous. Isa restera ici, j’en ai donné l’ordre !

-Sauf votre respect, je me permets d’insister, reprit le bibliothécaire. Votre approbation n’est pas ma priorité, j’en suis désolé. La reine Isabelle vient avec moi de son plein gré autrement je viendrai la chercher moi-même.

-J’aimerais bien voir cela ! Répliqua Charlotte. On peut savoir comment vous comptez vous y prendre face à tout notre clan ?

-À vrai dire, je comptais faire simple, je suis assez pressé, voyez vous. Je pensais d’abord me débarrasser de la clique qui vous sert de garde prétorienne. Ensuite il ne me resterait plus qu’à vous faire suffisamment mal pour que Mademoiselle Garnier se donne à moi pour vous sauver.

-Et vous comptez faire ça tout seul ? Permettez-moi je vous dire que vous vous surestimez. Je suis la reine Charlotte, la plus ancienne reine de France, à côté de moi, petit vampire copieur, vous n’êtes qu’une larve.

-Je connais votre pouvoir Majesté et vous ne me faites pas peur. Je pense toujours avoir toutes mes chances.

-Vous devez donc savoir que je suis une incandescente. Répondit Charlotte. »

Charlotte et le bibliothécaire firent briller leurs yeux et sortirent leurs crocs afin de se préparer au combat. Les autres vampires, inquiets de la tournure des évènements se reculèrent et nous laissèrent tranquille. Charlotte s’apprêtait à nous dévoiler son pouvoir et c’était probablement ce qui poussait les vampires de son clan à se mettre à l’abri au plus vite. Je me rappelais alors les paroles d’Ella. Charlotte devait normalement être tout à fait en mesure de se défendre seule. J’étais cependant inquiet, car le bibliothécaire semblait connaitre à l’avance les capacités de son adversaire.

Charlotte tendit ses deux bras sur les côtés et redressa la tête, pendant que le bibliothécaire restait de marbre, attendant le bon moment pour contrer son attaque. Je vis alors d’étranges ondulations de l’atmosphère entourer Charlotte, comme si un brasier se tenait sur sa position. Il commença à faire très chaud à côté d’elle, cependant, il n’y avait aucune flamme, aucun feu. L’air ambiant devenait atrocement sec et nous dûmes reculer afin de rechercher un peu de fraîcheur.

Je me tournais alors vers Isa afin de lui demander ce qu’était « une incandescente »

« Charlotte a la capacité de réchauffer l’air qui l’entoure et de le projeter sur ses ennemis. Le résultat est dévastateur. Ce vampire sera bientôt incinéré vivant, mais c’est lui qui l’aura voulu ! Répondit Isa.

-C’est terrible !

-Ne vous inquiétez pas mes enfants, dit Charlotte. Je n’aurai aucun mal à me débarrasser de cet avorton qui ose se prendre pour un originel. Il va bientôt savoir ce qu’il en coûte de défier un vampire de mon rang. Assurez-vous de vous mettre à l’abri le temps du combat, j’aimerais éviter de vous bruler sans le vouloir. »

Isa me tira derrière un muret de la maison et m’enveloppa en utilisant son corps pour me protéger de la chaleur. Cependant, je pouvais toujours voir du coin de l’œil, se dérouler le combat, derrière son épaule.

D’un seul coup, Charlotte déclencha son attaque. Elle tendit ses deux mains en direction de son adversaire et un souffle brulant sembla en sortir. Bien sûr, je m’attendais à ce que le bibliothécaire soit carbonisé comme à l’intérieur d’un four. Mais contrairement à mes attentes, ses chairs ne se mirent pas à noircir, ni à se décoller ou à craqueler. Même ses vêtements restaient intacts, ce qui sembla déconcerter Charlotte. Autour d’eux, les plantes contenues dans la serre se mirent à faner instantanément. Les feuilles desséchées nous tombèrent dessus, emportés par des tourbillons d’air chaud, toujours produits par Charlotte.

Les vitres de la serre éclatèrent toutes en même temps, déstabilisant quelque peu la puissante reine vampire. Son pouvoir cessa de se manifester et la fournaise qu’elle venait d’engendrer s’atténua doucement. L’effet avait bien été dévastateur pour tout ce qui l’entourait. Lorsque je pus enfin relever la tête, je constatais que la petite serre où nous nous trouvions était devenue un champ de bataille apocalyptique. Vitres explosées, chaises fondues, plantes asséchées et même bassins évaporés, Moi-même, j’avais beaucoup transpiré. Rien n’avait été épargné par la colère de Charlotte… Rien, sauf le vampire bibliothécaire, qui n’avait pas bougé d’un cil.

Nous étions tous trois stupéfait en constatant sa survie. Il s’avança vers elle, sûr de lui et la frappa violemment au visage à plusieurs reprises.

« Charlotte ! S’écria Isa.

-Non attend ! Dis-je en la retenant de toutes mes forces.

-Elle a besoin d’aide, lâche-moi !

-Si tu y vas, il te prendra ton pouvoir, tu n’as pas eu de sang humain aujourd’hui, tu n’es pas de taille. »

Même pour une reine du niveau de Charlotte, un vampire gavé de sang frais avait une force phénoménale. Elle se protégea du mieux qu’elle put à l’aide de ses bras, encaissant chaque coup, luttant pour rester consciente.

Malheureusement Isa m’échappa et se jeta sur le Bibliothécaire. Bien entendu, il n’eut aucun mal à la maîtriser.

« Reine Isabelle, enfin vous vous donnez à moi. Dit-il.

-Idiote ! Tu viens de te condamner toute seule, lança Charlotte avant de s’évanouir. »

Il dénuda la nuque d’Isa et s’apprêtait à l’entailler lorsque je me jetai sur lui à mon tour. J’avais bien retenu la leçon et j’amorçais un grand geste afin de lui fracasser les crocs avec une brique encore brulante que j’avais ramassée au milieu des débris. Comme prévu, il eut immédiatement un réflexe de recul et esquiva le coup porté. Mais aussitôt après, il me propulsa violemment en arrière à l’aide du pouvoir qu’il m’avait dérobé. Je retombais lourdement sur le dos, incapable de bouger.

Je vis alors Isa se faire mordre, sous mes yeux. Son dernier regard fut pour moi. Elle ferma les yeux, alors que je fermais les miens.

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