Chapitre 23 La voie du gardien

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Le lendemain matin, je fus réveillé par des bruits étranges en dessous de mes quartiers. Je me levais péniblement et décidais de partir à la recherche de leur provenance. Longeant prudemment la longue rampe d’escalier, j’entendais le tumulte de plus en plus distinctement. Cela ressemblait à des bruits de coups. Je marchais doucement, car il faut dire que même pendant la journée, la maison de Charlotte restait plongée dans l’obscurité. La lumière commençait à me manquer. Sans elle il est difficile de rester éveillé. J’ouvris une grande porte du rez-de-chaussée et fus immédiatement aveuglé par la lumière du jour. Il était très tôt, ce matin-là, mais pour les vampires, cela ne comptait pas.

Je fus alors rassuré de voir que l’origine des coups n’avaient rien d’inquiétants. J’étais arrivé dans une petite salle qui servait de dojo. Ella s’était levée très tôt afin de s’entraîner. Je me doutais qu’elle était forte, mais je ne pensais pas qu’elle puisse se battre aussi bien. Je l’admirais pour la dévotion avec laquelle elle s’appliquait à servir sa maitresse.

Cette fois-ci, je pus confirmer ma première impression au sujet de sa force, car elle avait quitté son complet noir pour des vêtements de sport, dévoilant sa musculature. Elle remarqua ma présence et s’arrêta avant de se réhydrater.

« Les gardiens de votre niveau doivent-ils tous savoir se battre comme vous ? Demandai-je.

Elle reprit son souffle.

-Non. Répondit-elle. Tout ce qu’on demande à un gardien, c’est d’être fiable et discret. J’ai appris à me battre parce que cela devenait essentiel pour sortir la nuit.

-Madame Forestier n’attend pas de vous que vous la protégiez ?

-Non. »

Alors qu’elle se rattachait les cheveux, je vis deux petites cicatrices sur son cou. Elle reprit :

« Vous savez, Madame Charlotte est une reine très puissante. Les autres vampires en ont très peur. Son pouvoir est l’un des plus destructeurs qui soit. Si elle venait à se faire attaquer par l’un des siens, elle n’aurait pas besoin de moi pour s’en débarrasser.

-Pourtant, elle semble se méfier d’Isabelle.

-Oui, j’ai remarqué aussi. Lorsque nous avons reçu votre appel, j’ai senti qu’elle s’inquiétait de devoir l’accueillir ici. Elle s’est nourrie de moi avec plus d’empressement que d’habitude.

-Vous saviez qu’elle était à Paris ?

-Oui… Nous savons également que vous recherchez l’héritage de notre clan. Le reportage qui parle de vos exploits à la BNF tourne en boucle. D’ailleurs, je souhaiterais m’excuser pour ce que je vous ai dit hier, c’était particulièrement déplacé.

-Il n’y a pas de mal, vous aviez raison de toute façon. Je ne suis devenu un gardien que depuis seulement trois jours et nous nous sommes déjà confrontés à un vampire trop fort pour nous.

-Ne soyez pas trop dur avec vous-même, les vampires sont des forces de la nature. Moi-même je n’aurais pas pu faire grand-chose dans cette situation. Enfin presque pas.

-Que voulez-vous dire ?

-Et bien, de vous à moi, à force de vivre parmi eux, j’ai peut-être appris quelques petits trucs qui ne sont pas dans les livres.

-Vraiment ? Comme quoi ?

Elle se pencha vers moi, afin d’échanger ses secrets en toute intimité.

-Ils font très attention à leurs dents ! Dit-elle en chuchotant.

-Non ! C’est vrai ?

-Bien sûr… Si vous menacez de frapper un vampire au niveau des dents, il aura immédiatement le réflexe de vouloir protéger ses précieuses petites canines.

-Ça alors ! Comme quand on menace de frapper un homme entre les…

-Oui voilà, exactement !

-Autre chose ?

-Mmh quand ils utilisent leur pouvoir, ils sont moins attentifs à ce qui pourrait venir derrière eux. Je suppose que cela doit leur demander beaucoup de concentration. Ah et ils peuvent parfois tomber malade, bien que cela soit extrêmement rare.

Malgré les apparences, Ella était finalement sympathique à sa manière. Son attitude autoritaire n’était peut-être au fond, qu’une déformation professionnelle héritée du temps où elle était dans la Police.

-Comment en êtes-vous arrivée à servir les vampires ? Demandai-je.

-La famille Weber sert le clan Bertolucci depuis le dix-huitième siècle. Cela remonte à une époque où l’un de mes ancêtres fut sauvé par Madame Charlotte. Ma maitresse avait quitté Venise et s’était déjà installée en France depuis longtemps mais n’avait toujours pas de serviteurs humains. Elle a croisé un jeune soldat mourant et l’a soigné en échange d’un peu de son sang. Depuis les descendants de ce soldat perpétuent la tradition.

-Vous n’avez jamais regretté ?

-Non. Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas, mais en cela, ils ne sont pas si différents de nous. Officiellement, je suis chauffeur privé, mais en vérité, je suis aussi une conseillère ainsi qu’une confidente. Ils ont aussi parfois besoin de nous pour les soutenir moralement, quand l’immortalité devient un poids trop lourd à porter. Gardez à l’esprit que la reine que vous avez choisie de servir n’est pas tout à fait comme les autres. Elle est l’une des plus jeunes et encore un peu immature aux yeux des vampires. Mais si vous parvenez à garder une influence positive sur elle, alors le plus gros de votre travail sera accompli. Vous êtes en bonne voie, d’après ce que j’ai vu.

-Et bien, je fais au mieux.

-Ne soyez pas modeste, Mademoiselle Garnier ne jure que par vous. Elle est à présent une reine amoureuse, ce n’est un secret pour personne.

-Comment… Comment l’avez-vous su ?

-Allons, ne prenez pas cet air gêné. Une femme sait décoder une autre femme. Je l’ai vu tout de suite à la manière dont elle vous regarde. Que ce sentiment soit réciproque ou non, arrangez-vous comme vous voulez pour qu’il ne perturbe pas le processus de nidification.

-Qu’est-ce que ça veut dire.

-Ça veut dire qu’un jour ou l’autre, Mademoiselle Garnier devra fonder son propre clan, avec votre aide, bien entendu. »

Cette idée m’était complètement sortie de la tête. Isa, pour survivre, allait devoir créer d’autres vampires à ses ordres. Et moi, je m’étais engagé à lui servir de fortifiant. Quel couple étrange nous allions former.

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