45 - Héritage Kindirah

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43e jour de la saison de la faux 2448

- Pardon ?

Argent n'avait pas entendu le nom de son grand-oncle sortir de la bouche de quelqu'un depuis si longtemps qu'elle avait du mal à croire que ses oreilles ne la trompaient pas.

- Cohennar Kindirah, confirma la dame à la longue chevelure tressée et grisonnante.

Elle s'approcha de la jeune brunette, son regard pétillant d'intérêt. L'un de ses vils sbires du Sang du Dragon se jeta sur elle. Grognant tel un rapace, il la plaqua au sol et se mit à la fouiller. La chanteuse leva le regard vers Argent, la suppliant de lui venir en aide.

- Mais lâche-là ! beugle-t-elle.

Argent s'élança vers le barbare, elle fit un saut et le frappa au derrière de sa tête. Lorsqu'il se tourna vers son assaillante, il reçu un autre coup au visage. Étourdit, il rampa maladroite pour éviter sa colère. Heureusement pour lui, la brunette était trop préoccupée à aider la chanteuse à se lever.

- Vous allez bien ? questionna Argent.

- Aucune blessure, ma petite, répliqua la dame plus âgée. Il m'a juste apeurée.

Un craquement d'os et un hurlement retentit alors. Là, à proximité, Bautog tenait l'un des bras du sbire et tirait vers le haut.

- B-bautog ! s'exclama Argent, incertaine de si elle devrait l'arrêté.

Un deuxième bruit d'os brisé envoya un frisson à son épine et enfin, le colosse relâcha sa victime. Le bras meurtris tomba au sol et le barbare s'enfuit en pleurnichant comme un enfant.

- Pas touche à Argent et amis ! rugit le guerrier. Pas touche !

Il bomba le torse et se mit à hurler et grogner, un peu comme les autres barbares faisaient lorsqu'ils tentaient d'intimider leurs ennemis. Les quelques sbires restants prirent la fuite, mais le plus costaud d'entre eux défia Bautog. On aurait dit deux lions qui se préparaient à un duel pour un morceau de viande. Ils se contournèrent pendant un moment, laissant le temps à Zril de se remettre de son dernier combat. Le jeune assukar siphonna l'énergie du sbire, un peu comme il l'avait fait jadis. Cette-fois, Argent eut la chance de l'observer avec plus d'attention. Ce n'était certainement pas une maîtrise élémentaire alors était-ce de la magie ? Tout ce que la future reine savait, c'est que les assukars avaient des pouvoirs mystérieux. Se pourrait-il qu'ils feraient parti du peuple de ces infâmes Mangeuses d'Âmes ?

- Frère, non ! beugla Shinko qui paraissait outré par le comportement de son aîné. Non...

- Ne t'en fais pas Shinko, répliqua Zril avec nonchalance. C'était pour le bien de cette ville de toute façon, pas vrai ?

- Tu nous as découvert, espèce d'idiot !

- Oh là... Oh là.... Du calme, voyons.

Les citoyens paraissaient aussi choqués que Shinko. Certains d'entre eux avaient empoignés des armes et les pointaient vers les deux assukars. Ils étaient clairement terrifiés ce qui était tout-à-fait naturel.

- Ce sont des amis ! annonça Argent de sa voix puissante et autoritaire. Vous n'avez rien à craindre !

Elle se mit entre les frères et les roturiers craintifs.

- Je vous en prie, ils se sont battus pour vous, pour nous.

- Dame Argent..., murmura tendrement Shinko. Merci beaucoup.

Malgré leur peur, les citoyens semblaient se calmer petit à petit, baissant leurs armes un à un. Une petite fille à la chevelure sable baissa gracieusement la tête en direction de Shinko et de Zril, leur offrant son respect.

Shinko eut un petit sourire en coin, toujours inconfortable à l'idée que son identité avait été dévoilé. Son frère était bien plus à l'aise, au point qu'il libéra sa longue queue mince de ses pantalons.

La foule poussa un soupir d'exclamation.

- Nous sommes des assukars, expliqua Zril à haute-voix, un peuple d'humanoïde comme vous qui est originaire des landes grises.

Des murmures confus se propagèrent.

- Apparemment, vous ne savez pas de quoi je parle, en conclut-il. Bon, mon frère et moi, nous allons vous éclairer un peu la vision. Qui possède une carte d'Aerinda ? Les landes grises sont là-haut au nord, bien plus loin que vous ne le croirez !

Shinko avait tout pleins de tics nerveux qui passaient de jouer avec mâchouiller sa lèvre inférieure à jouer avec un pan de ses vêtements. Ses yeux étaient écarquillés et il suait légèrement au front. Il était clairement sur le bord d'une crise de panique.

- Allez viens, appela Zril alors que celui-ci accepta la carte de la même fillette.

Argent encouragea Shinko d'un signe de tête. Ce dernier baissa les bras et s'approcha timidement. Même Bautog s'installa auprès d'eux pour écouter le récit de Zril.

- Bah dis donc, il est doué avec les gens, mentionna la chanteuse. Normalement, nous ne sommes méfiants des étrangers, encore moins si ceux-ci ne sont pas humains. Voyez-vous, ma Dame, ils sont habitués à leur petite routine. Les visiteurs, mis à part des marchands, se font rarissime. D'ailleurs... dernièrement, c'est moins le cas... Quelque chose ne tourne pas rond... Ça les rend encore plus nerveux, ces rumeurs d'une grande guerre, de dragons et de sorcellerie.

- Je comprends parfaitement, dit Argent qui souriait, épanouie par l'interaction positive entre ses compagnons et les citoyens.

- C'est bien beau tout ça, continua la dame, mais ce qui m'intéresse, c'est vous ma chère.

Elle glissa sa main qui commençait à être rongée par le temps jusqu'à celle de son interlocutrice et observa l'anneau qu'elle portait. Le bijou en métal violacé était monté d'une aspérule en or blanc.

- L'emblème de la famille Kindirah, confirma la chanteuse. Je le savais bien... Vous ressemblez beaucoup à votre grand-oncle, mais mon instinct affiné a aidé aussi. Vous êtes sans doute digne du Prince Kiojar.

Elle recula d'un pas, laissant de l'espace à la future reine. Argent était bouche-bée; elle ne savait pas comment réagir. Ses lèvres tremblèrent, mais les mots n'en sortirent pas.

- Il portait le même anneau, continua-t-elle avec une pointe de tristesse. Oh ! Mais où sont mes manières ? Je me présente : Myliannah de la maison Flynnk. Je sais, c'est un nom de famille étrange, mais je l'aime bien. Présentement, je ne suis qu'une simple amuseuse. Mon boulot est de garder le sourire chez les clients de Wynne. Je ne sais que chanter alors, c'est parfait pour moi.

- Enchantée Myliannah. Pardonnez ma curiosité, mais serait-il possible que vous me racontiez qui était mon grand-oncle ? J'étais si petite, je ne comprenais pas vraiment.

- Laissons vos amis charmer cette foule et allons à la taverne pour une bonne chope de bière, ça vous dit ?

Les deux femmes aidèrent Wynne et sa fille à dégager l'entrée de la taverne puis, elles prirent place à une petite table dans un coin de l'établissement. C'était étrange de voir cette salle si inanimée; elle qui normalement était constamment en mode fête durant la nuit et en mode confort durant le jour. Le foyer était aussi mort que le reste. Heureusement, presque tout était intact.

- Raahh saleté de chiens, ronchonna Wynne qui examinait la fenêtre brisée, les bras croisés et la mine sombre. Je n'ai pas les moyens pour réparer ça.

- On y arrivera papa, rassura Aphrya en lui donnant une tape amicale au dos. Nous sommes débrouillards.

- Les affaires sont lentes dernièrement en cause que ces sales rumeurs. C'est difficile à dire... Mais bon, je crois que la plupart de nos clients ne seront pas dérangés par ce détail.

Argent tourna le regard vers le tavernier et sa fille puis, elle afficha un sourire radieux pour leur démontrer sa bonne volonté.

- Ne vous en faites pas. Je vais vous envoyer des fonds lorsque je serai à la capitale.

- Ma Dame, vous n'êtes pas obligée ! s'exclama Wynne.

Malgré les paroles de l'homme, il était évident dans son expression qu'il était ravis du cadeau.

- Ce n'est pas discutable, répondit Argent avec douceur.

- M-mais mais, balbutie le tavernier.

- Tais-toi et accepte ce qu'on t'offre, rouspéta Aphrya. Tu es trop fier ! On ne peut pas toujours tout faire seul, tu le sais bien !

- Aussi dure que ta mère toi hein ?

- C'est parfois nécessaire, rigola l'adolescente à la chevelure sable.

- Je suppose...

Père et fille se dirigèrent vers la cuisine et disparurent derrière une grande porte métallique.

Argent jeta un coup d'œil à l'extérieur afin de s'assurer que ses compagnons de route étaient toujours en sécurité puis, enfin, elle fixa son attention sur l'intrigante Myliannah Flynnk qui sirotait patiemment sa chope de bière en observant la scène.

- Prête à recevoir la vérité sur vos origines, ma Dame ? questionna-t-elle sur un ton espiègle.

- Je le suis, confirma la future reine.

- Premièrement... J'imagine que vous êtes au courant de la signification derrière l'Aspérule Blanche ? La paix et la prospérité, n'est-ce pas ?

- C'est exact.

- Cela n'est que la surface de l'histoire de ton peuple, ma chère.

La chanteuse fit une pause comme si elle attendait la permission de continuer son récit ou peut-être laissait-elle une chance à Argent de se préparer au pire.

- Poursuivez, dit la future reine avec légère anxiété.

- Ma belle, en vous coule l'essence des chasseurs de monstres qu'étaient originalement les Kindirah. La prouesse au combat que toi et ton grand-oncle démontrent a été passé de générations en générations, jusqu'à ce que ton grand-père décide de briser cette tradition.

Immédiatement, Argent sentit de l'inconfort naître en elle. Et si Zril et Shinko faisaient partis de cette définition de monstres ? Peut-être que son grand-oncle les chassait.

- Chasseurs de monstres ? Quels genres de monstres exactement ?

- Oh des créatures qui sont rarement vues par les gens, pauvres comme riches. Il y a des trolls des montagnes, des élémentaires, des griffons et même des dragons. D'ailleurs, ils étaient reconnus pour leur capacité à tuer des dragons. Aucun autre humain ne pouvait en dire autant. Ils échangeaient des parties de ces monstres contre de l'or ou encore, ils vendaient leurs services à ceux qui dans le besoin. C'était principalement des aventuriers. Certains étaient aussi des nomades comme Cohennar.

À la mention de dragons, Argent imagina son grand-oncle en train de lutter contre Tyrath dans un duel à la mort. Cette révélation était choquante, surtout qu'il y avait une dragonnière dans la famille à présent. Par contre, Azéna était adoptée. C'était seulement naturel qu'elle n'avait pas les mêmes affinités que les Kindirah. D'ailleurs, elle était si nul en maniement d'épée ce qui fit sourire la brunette. Elle n'était pas bâtie pour être dans la mêlée, mais avec un entraînement intensif, n'importe qui pouvait s'améliorer.

Une nouvelle pensée vint hanter Argent: était-ce que son grand-oncle tuait des humains pour de l'or ?

- Étaient-ils des mercenaires ou des assassins ?

- Absolument pas, répliqua la chanteuse. Ils ne tuaient que des monstres. Ils étaient différents, mais ils possédaient un grand sens de l'honneur. Enfin, c'est ce que Cohennar me racontait ! Cet homme jacassait beaucoup, particulièrement après une séance sous la couette.

- Sous la couette... ? questionna Argent en penchant la tête sur le côté pour démontrer sa confusion.

Un instant passa et elle comprit le sens de l'expression. Instantanément, elle désirait changer de sujet, incapable d'imaginer son grand-oncle en train de faire l'amour à une femme.

- Ah ! Je... Je... Enfin... C'est mon idole. Il était un guerrier grandiose !

- Bien sûr, convenu Myliannah. Il avait perdu la confiance de son frère en cause de son choix de carrière. D'ailleurs, son surnom était CK dans le temps... C'était un peu comme son nom de code. J'étais l'une des seules qui connaissait son véritable nom.

- D'après ma mère, mon grand-père et mon grand-oncle ne s'accordaient jamais. Ils étaient constamment en train de se quereller et le jour où grand-père Hurath le menaça de l'exilé. Personne ne réussissait à m'expliquer la raison derrière une telle rage.

- C'est parce que Hurath a brisé le cœur de Cohennar en l'empêchant de poursuivre la tradition ancienne des Kindirah. Il désirait qu'on oublie cette partie de leur historique pour le bien de sa famille.

- En gros, pour la stabilité et la prospérité, devina Argent avec amertume.

Cette situation lui rappelait un peu trop de la sienne. Décidément, Hurath était bel et bien le père de son père.

- Partiellement, dit Myliannah après avoir bu une gorgée de sa bière. Hurath avait une crainte... Plutôt, une peur, un effroi que ses enfants décideraient de suivre la voie de Cohennar.

- Ça explique bien des choses.

- En effet. Mais je dois t'avouer qu'il était un dieu au lit !

À cette révélation, Argent écarquilla les yeux, légèrement traumatisée.

- Oh par Elysia, pardonne-moi, chère Argent, continua la chanteuse. J'étais son amante pendant un certain temps.

- Un instant... Quel âge avez-vous ? Vous paraissez jeune comparé à mon grand-oncle.

- C'était il y a bien longtemps voyez-vous... J'avais quinze ans dans le temps et aujourd'hui, j'en ais cinquante-trois.

La jeune guerrière fit un calcul rapide et se rendit compte que si son grand-oncle aurait été vivant aujourd'hui, il aurait eu environs quatre-vingt ans. C'était une approximation de vingt-cinq ans de différence.

- Il avait quarante ans, annonça la fille de Daigorn sur un ton plat, ses émotions complètement neutralisées par le choque.

- Oh, il était coquin.

- Mais vous étiez plus jeune que je le suis ! Vous aviez l'âge de ma petite sœur !

L'image d'Azéna qui se faufilait avec un sourire espiègle sous des couvertures avec un homme d'une quarantaine d'années la fit grimacer de dégoût.

- Je vois que vous avez été protégé du monde extérieur, ma chère, ricana Myliannah de bon cœur. Ne vous en faites pas, c'est un phénomène assez commun. C'est malheureux car la plupart du temps, ce n'est pas mutuel. Par contre, moi et votre grand-oncle, ce l'était. C'était tout une histoire de passion ! Et vous, ma future Reine, vous n'aviez pas d'attirances à cet âge ?

Argent se sentit ses joues chauffées alors que le souvenir qui paraissait maintenant lointain d'elle et Demien au centre-ville refit surface dans son esprit. Le jeune soldat possédait un bon cœur et il avait toujours sut amuser la Dame. Elle qui était souvent lassée de sa grande vie plongée dans les devoirs que lui demandait la noblesse. Elle devait admettre qu'elle s'ennuyait de lui, mais elle était toujours attristée par son choix ; par sa trahison. Cela ne faisait pas de lui une mauvaise personne, mais tout simplement qu'il avait choisi une voie alternative. Il pouvait parfois être si naïf, un vrai chiot.

- P-pas du tout...

Elle hésita longuement alors que son interlocutrice la zieutait suspicieusement.

- Enfin si... Un soldat avec lequel j'ai grandis...

- Ahhh l'amour interdit est souvent la plus féroce de toutes, rumina la plus vieille dame.

- Pouvez-vous m'en raconter plus sur mon grand-oncle ? requête Argent. J'étais si jeune lorsqu'il venait me visiter... Je ne comprenais pas vraiment mis à part qu'il défendait Aerinda contre des horribles créatures et ça me remplissait de fierté à son égard.

- C'était son boulot en gros, mais il le faisait seulement à son gré. Il était ce qu'on peut décrire comme un esprit libre, un était bon certes, mais si la situation ne lui convenait pas, il ne s'en mêlait pas. Il était tellement dégagé et nonchalant ; c'était son attitude vis-à-vis de la vie en général qui m'attirée par lui. La plupart vont te dire de te marier, de te bâtir une maison sécuritaire, de contribuer à l'économie, de continuer ta génération en enfantant et ect... Pas lui ! Lui, il avait la tête dans les nuages, rêvant d'un monde meilleur. Tout ce qui importait pour lui était le simple plaisir du présent. Ça m'a ébloui, étant une jeune adolescente candide. J'ai voyagé avec lui pendant quelques années. Il voulait tout simplement vivre heureux et surtout, à sa façon. Il détestait les coutumes et la loi. Personne ne pouvait lui dire quoi faire. Ça c'était un jeu auquel les gens ont appris à ne pas jouer.

- Bah ça alors, on entendrait ma petite sœur Azéna. Si elle n'avait pas été adoptée, j'aurais jurée qu'elle aurait héritée de son esprit.

- Oh ! Mais vous avez héritée de sa prouesse en combat ma chère et aussi de son élégance. Soyez en fière !

Argent détestait s'immiscer dans la vie personnelle d'autrui, mais il y avait une question qui brûlait au fond de son ventre. Elle ne put s'en empêcher, elle se lança :

- Parlait-il de moi ?

- Il était extrêmement renfermé sur lui-même concernant sa famille. Tout ce que je savais c'était qu'il avait une petite nièce qu'il adorait et qu'il aurait voulu l'emporter avec lui sur de grandes aventures pour lui faire découvrir notre magnifique monde et ses différents secrets. J'imagine que cette fillette était toi. Il en parlait environs douze ans plus tôt, juste avant sa disparition...

Ces mots remplirent Argent d'un mélange étrange de joie et d'amertume au point qu'une larme vint s'échapper de son œil. Elle renifla et essuya la larme rebelle.

- Comment est-il mort ? Personne ne sait... Il a tout simplement... disparu comme vous l'avez dit.

- Il ronchonnait qu'il en avait marre des gens et il menaçait qu'il allait se terrer dans les landes grises un de ces jours. Peut-être que c'est ce qu'il a fait. Les landes grises sont sauvages, dangereuses et mystérieuses. Parfait pour un homme comme lui, moins pour moi et c'est probablement pour cela qu'il m'a laissé derrière.

Elle prit les mains d'Argent dans les siennes et parut heureuse malgré les larmes qui contredisait son sourire.

- Il vous adorait si c'est vraiment de vous dont il parlait. Il n'a jamais voulu me partager les détails tels que les prénoms, mais je le vois en vous. Vous me paraissez bien. Vous ferrez une excellente reine. Ça me chagrine qu'il m'est abandonner, mais il n'était pas le genre à se fonder un foyer. J'imagine qu'il a perdu la vie durant l'un de ses multiples chasses aux monstres. Son plus grand accomplissement était sa victoire contre un dragon adulte rouge. Il avait bu son sang pour obtenir de la force surhumaine. Personne ne le croyait jusqu'à ce qu'il fasse une démonstration puisqu'il n'était pas du genre à garder des trophées. Il n'était pas matérialiste.

- Mais son sang était incarnadin.

- Pardon ? Incarnadin ?

Argent sonda la salle à la recherche d'un objet qui porterait cette couleur, mais rien n'attira son œil.

- Un espèce de rose pâle, un peu comme la couleur saumon, voyez-vous. Ce fait était tabou dans ma famille, mais il me l'a montré. J'ai vu son sang de mes propres yeux. Ce n'était pas un mensonge comme mon père me disait.

- Je vois... Après avoir bu le sang de ce dragon rouge, son sang était d'un rouge anormalement vif. Peut-être a-t-il vaincu un dragon blanc entretemps ! On dit que ton sang change de teinte d'après la couleur du vol du sang draconique qu'un individu ingère.

- Est-ce que le sang draconique attribue véritablement des pouvoirs ? Je ne le croyais pas, mais... depuis que j'ai fait la rencontre d'un drake argenté, tout me parait possible. Les elfes, les créatures de légendes, la magie...

- Si, si... Mais il est si difficile d'en obtenir puisque peu de gens connaît ce secret. Les dragons sont puissants, connectés aux éléments qui dominent notre monde... Ils sont presque surnaturels. Je ne serai même pas étonné qu'eux-mêmes ne sont pas au courant de l'étendue de leur propre potentiel.

- Bien sûr que grand-oncle Cohennar connaîtrait ce secret. Ce n'est pas étonnant.

- Vous êtes en effet sa petite-nièce.

Enfin, Myliannah lâcha prise des mains de l'adolescente et termina sa bière.

- Il me manque, avoua la brunette dans une voix presque brisée.

- À moi aussi très chère, répondit la chanteuse, à moi aussi... C'était une âme unique dont ce monde manque cruellement. Vous, ma jolie, êtes une de ces âmes.

Argent réalisa alors qu'elle ne possédait peut-être pas de pouvoirs spéciaux ni de liens avec un dragon, mais elle avait la chance d'être une descendante de Cohennar et qu'elle allait accomplir de grands exploits. Elle n'étais pas certaine desquels. Ils n'allaient pas être similaires à ceux de son grand-oncle, mais ils allaient avoir leur propre originalité.

✦×✦

Plus tard en soirée, le groupe de compagnons avaient pris avantage de la fraicheur et étaient parti en direction de Rikarn, la capitale dorée d'Elthen. Ils s'étaient arrêtés au milieu de nulle part entouré de quelques cactus et de sable. Fooros était allongé et il était assez large pour que le groupe entier sauf Bautog le cajole pour se garder au chaud. Les brises étaient anormalement glaciales pour un tel environnement. C'était un phénomène assez rare en effet. Le colosse était encore debout, sondant les environs pour un signe de danger. Comment était-il confortable dans cette température avec son armure légère en cuir et en fourrure, Argent ne le comprenait pas.

La lune se faisait brun foncé, annonçant le début de la saison de la mort ainsi qu'une nuit sombre.

- Alors, qu'est-ce que cette vieille chipie t'a mis dans la tête pendant que j'amadouais ton peuple ? questionna Zril en fixant l'humaine.

- Zril ! s'offusqua le frère cadet. Un peu de respect ! Tu es disgracieux !

- Pas dispute, grogna Bautog qui avait prévu un désagrément entre les deux assukars à l'avance.

- Bah, il commence à nous connaître, rigola Zril. C'est bien, vous ne trouvez-pas ?

Il se mit à ricaner de bon cœur alors que Bautog, gêné comme toujours, était devenu rouge et se cachait le visage dans ses mains. Shinko tentait de venir en aide à son ami en demandant à son frère de ne pas le taquiner.

Pendant ce temps, Argent ruminait sur ce qu'elle avait apprise avec l'aide de Myliannah. C'était étrange, mais malgré qu'elles venaient tout juste de se rencontrer, la guerrière se sentait comme si elle venait se retrouver une partie perdue de sa famille et qu'elle avait dû l'abandonner aussitôt. Elle plongea son regard dans les étoiles à peine visibles et se dit qu'elle pourrait toujours visiter la chanteuse. Cela lui apporta un peu de confort. Mais le pire dans cette histoire, c'était le fait que son père lui avait caché toute cette information. C'était une partie d'elle qui avait naturellement essayer de grandir, mais il avait toujours inhibé cette croissance en la distrayant avec des leçons banales de noblesse ou en ne la prenant pas au sérieux.

- J'ai besoin d'un moment seul, avoua-t-elle aux autres.

Elle se sentait comme si elle devait réévaluer tout ce qu'elle connaissait à ce sujet ce qui risquerait d'altérer sa personne. Légèrement anxieuse, elle se déplaça vers un petit arbre mort à quelques lieues de là.

- Ce n'est pas étonnant qu'il était si opposé à ce que je m'entraîne à l'épée, murmura-t-elle alors qu'elle s'installa dos contre le tronc fragile du végétal.

Elle enfonça ses mains dans le sable qui était à présent presque froid et se mit à jouer tranquillement avec pendant un instant. Lorsqu'elle en eut marre, elle retourna à ses songeries.

- Ça ne change rien, se dit-elle avec acceptance.

Ce qu'elle devait accomplir était plus grand qu'elle et puis, Kiojar lui avait promise de la laisser devenir une chevalière malgré son titre de reine. Elle serait sûrement limitée sur les missions dans lesquels elle pourrait participer, mais c'était un bien pour un mal. Elle pouvait mélanger ses deux destinées ; elle n'avait pas à en choisir une.

- Ne te torture pas trop avec ce que t'as partagé Myliannah, conseilla une voix familière qui provenait de derrière.

Elle se tourna et aperçut une silhouette svelte qu'elle reconnut immédiatement comme étant Shinko. Elle appréciait son inquiétude, mais elle désirait rigoler un peu avant de se lancer dans un sujet plus sérieux avec lui.

- Tu as laissé ce pauvre homme avec ton frère, dit-elle avec un petit sourire.

- Bautog est un grand garçon, répliqua l'assukar. Zril est peut-être difficile à saisir, mais il -

- Il possède bon cœur, termina la brunette pour lui. Je suis au courant. Il a bien amadoué la foule ce matin. J'étais impressionner. Je ne pensais pas qu'il était capable d'une telle chose.

- Pareil pour moi.

Il s'installa à côté d'elle, utilisant lui-aussi l'arbre comme support pour son dos.

- Pas très douillet ce pauvre sac d'écorces déshydraté.

- Si je pouvais, je l'abreuverais, avoua la fille de la tempête. Il est très fort de survivre dans cet environnement. Ces frères et sœurs n'ont même pas su germer.

En effet, à perte de vue, il n'y avait aucun autre arbre, que des cactus et du sable.

- C'est ce qui le rend robuste ! s'exclama Shinko. Il faut lui donner un peu de crédit, tu as raison.

D'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait, il y avait une autre affaire qui tracassait Argent: le fait que Zril pouvait siphonner l'énergie des gens et s'en nourrir exactement comme l'histoire à propos des Mangeuses d'Âmes le suggérait. Était-ce que Shinko en était capable aussi ? Était-ce ainsi qu'ils se nourrissaient ? D'une façon ou d'une autre, ils semblaient être en contrôle de cette faim ce qui contredisait l'histoire.

- Je veux savoir... toi et Zril...

- Cet idiot, murmura Shinko avec douceur.

Il se tourna vers son interlocutrice et la fixa droit dans les yeux. Son regard était empli de dévotion et d'affection.

- Tu mérites toute la vérité... J'avoue que j'ai hésité car je ne voulais pas t'effrayer... Bautog aussi. Vous êtes devenus très chers pour moi et Zril - même s'il ne l'avouerai pas.

Le cœur de la brunette se serra soudainement, non par crainte, mais par gratitude car où son père avait échoué, ce gentil assukar allait réussir et la franchise était importante dans une relation pour elle.

Shinko hésitait. Son attention alternait entre la guerrière et n'importe où d'autre. Une petite goute de sueur qui perlait à la racine de sa chevelure sombre était une autre indication de son stresse.

- Je te fais confiance Shinko, dit Argent en lui serrant une main dans la sienne.

Cette démonstration d'affection eut l'effet désiré: les muscles de l'assukar se détendirent et ses joues s'assombrirent.

- Moi aussi, susurra-t-il en fermant momentanément les yeux comme s'il savourait cet instant.

Il sourit, restant muet pendant qu'il réfléchissant à ses mots. Puis enfin, il s'exprima:

- Les assukars ont une diète assez particulière, vois-tu ?

- Je m'en doutais, mais je ne parvenais pas à cerner la vérité, avoua la brunette.

Il retira sa main de celle d'Argent, grimaça, clairement inconfortable et anotta le reste de son explication :

- On nous donnent des surnoms terrifiants... Enfin, ceux qui ont eut affaire avec des assukars qui n'avaient pas de contrôlent sur leur faim... Ils sont rares, et causent beaucoup de soucis. Normalement, on les enferme pour leur bien jusqu'à qu'ils apprennent... Mais bon, certains sont têtus et refusent le traitement. Ils s'enfuissent et sèment la panique chez d'autres races. J'imagine qu'un petit nombre s'est rendu jusqu'à ton royaume...

Il déglutit avec misère et une deuxième perle de sueur apparut sur son visage.

- Tu peux me dire, rassura Argent. Je sais que toi et Zril n'êtes pas un danger. Vous avez fait vos preuves.

- C'est que... C'est... Humph... Vois-tu... Par où commencer ?

Voyant qu'il avait une grande difficulté à s'exprimer, la guerrière lui offrit un sourire sincère et hocha de la tête.

- Continue. Je comprendrai.

- Bon..., dit Shinko avec un peu plus de stabilité. Les assukars ne nourrissent d'émotions et d'eau, mais ils apprécient énormément l'effet de la boisson alcoolisée. Les émotions fortes, négatives comme positives, nous attirent.

- Donc être mêlé dans les situations intenses qui promouvaient la panique, la peur, l'amour, le bonheur...

- La passion, termina Shinko avec honte. C'est ce que Zril préfère...

Au début, Argent ne compris pas la signification derrière ce sous-entendu puis, elle se retrouva aussi gênée que son ami.

- J-je vois...

- De toute façon... L'attaque du Sang du Dragon... Pardonne Zril, Argent. Il est un peu plus impulsif que moi, mais il ne désire pas faire du mal.

Honnêtement, la brunette ne savait pas quoi répondre alors, elle laissa tout simplement Shinko continuer son explication:

- Le folklore humain raconte que nous dévorons les âmes ce qui est complètement faux. Vois-tu, si nous dépassons les limites, la victime tombera dans un bref coma et se réveillera avec du dommage mental, mais ce n'est jamais fatale. Puisque les combats et le relations intimes sont les situations dans lesquelles les émotions sont les plus intenses, nous sommes attirés par ces situations. Nous ne pouvons pas nous nourrir de d'autres assukars. Dans mon cas, j'essaie d'achever ma soif sur des animaux, mais les humanoïdes ont beaucoup d'émotions et sont beaucoup plus satisfaisants. Zril déteste se nourrir sur les animaux.

- Bah ça explique pourquoi il adore les maisons de prostitutions, ricana la future reine en se concentrant sur le positif.

- Le vilain... Nous avons de très différentes méthodes pour faire face à notre faim. La mienne n'est pas aussi amusante, mais elle est plus décente.

- Vous avez des différentes priorités en effet, mais cela ne fait pas de vous de personnes avec des mauvaises intentions.

- Merci de ta compréhension, Dame Argent. Très peu d'humains nous donneraient cette chance. Mais cessons de parler de moi. Qu'est-ce qui te tracasse ? Je suis au courant pour ta discussion avec Myliannah, mais que vaguement.

Avec une petite touche de tristesse, elle lui raconta en détails tout ce que s'était passé avec la chanteuse.

- Mon grand-oncle était le dernier de notre famille à pratiquer cette profession. On ne parle pas de lui depuis sa disparition. Il est parti comme d'habitude sur une grande aventure, mais cette-fois, il n'est jamais revenu.

- Je me questionne sur ces cibles, avoua Shinko. Crois-tu qu'il chassait les assukars ?

- Je l'ignore, mais c'est possible. C'est de lui que j'ai apprise toutes les histoires que j'ai raconté à mes petites sœurs, mais je ne leur ait jamais avouée ce détail. Elles croient que je les ai inventé ou encore que je les ai lu quelque part. Grand-oncle Cohennar me disait aussi que Daigorn est si paisible en cause des efforts de notre famille à chasser les créatures dangereuses de nos territoires. Bien sûr, la lignée royale - oui, durant cette époque, notre souverain était un roi - n'y participait pas car c'était bien trop dangereux. C'était uniquement les autres branches de la famille qui s'occupaient de ça. Par exemple, j'aurai pu devenir une chasseuse de monstres car je ne suis pas destinée pour devenir la prochaine souveraine de Daigorn. Par contre, je suis une femme alors, je ne crois pas que cela aurait été permit.

- Quel gâchis, soupira l'assukar. Tu aurais été une chasseuse de monstres exemplaire. De plus, avec ton sens de moralité, tu n'aurais probablement pas touché aux dragons ni à moi et Zril.

- C'est certain !

- Je dois t'avouer que voyager avec toi et Bautog m'a ouvert les yeux...

- Que veux-tu dire ?

- Je désire m'installer à Rikarn si c'est possible..., dit-il tout bas. J'aimerai avoir un endroit à appeler mon chez-moi et me faire respecter de ton futur peuple. Tu sais... contribuer à l'économie. J'espère que ce sera possible un jour.

Il entrecroisa ses doigts et se réajusta contre l'arbre. Sûrement un tic nerveux.

- C'est un noble but, répondit la guerrière. Je vais t'arranger cela. Ne te fais aucun souci à ce propos.

Un sourire s'étira sur les lèvres frémissantes de l'assukar. Les yeux de ce dernier perdirent leur focus et errèrent d'un endroit à l'autre comme s'il luttait contre quelque chose.

- Argent... Tu possèdes une âme magnifique, encore plus radieuse que n'importe quelle de ces étoiles, avoua-t-il, ses joues rosies lui accordant une allure juvénile et innocente.

À cet instant, sous la lueur brune de la lune, il paraissait plus charmant que d'habitude, lui qui était habituellement si tendu et sérieux. La guerrière retint un petit rire, ne désirant pas offusquer son cher ami.

- Je te remercie pour ton compliment Shinko. Tu parais béat; c'est une vue magnifique et assez rare. Cela me remplit de joie de te voir ainsi.

- Je me sens rapproché de toi depuis nos confessions, admit-il.

- Moi de même, confirma la future reine. Tu es un ami précieux.

Elle était sincère: elle avait forgé un lien solide avec ses compagnons de routes en si peu de temps. Elle se sentait comme s'ils étaient sa nouvelle famille et elle ne désirait pas se séparer d'eux.

Comme si Argent venait de lui donner le signe qu'il attendait, il se pencha vers son interlocutrice et ferma les yeux.

Immédiatement, l'adolescente compris son intention. Certes, il aurait été un prétendant potentiel, mais elle en avait déjà un.

- Je suis désolée Shinko...

Elle arrêta l'assukar en posant doucement sa main sur son épaule.

- Je suis promise au prince d'Elthen, tu t'en souviens ? continua-t-elle en souriant jaune.

- Bien sûr, murmura Shinko, son visage encore plus rouge qu'avant. Pardonne-moi... Le moment... l'ambiance et... et toi...

Il déglutit avec misère puis, il continua.

- Je sais que c'est ton devoir et que tu fais ce qu'il y a de mieux pour ton royaume.

- Vrai, confirma la brunette avec un petit rire. Ceci doit rester un secret entre nous deux, mais je le fais aussi principalement pour ma folle de petite sœur. Vois-tu, elle s'est embarquée dans une grande aventure de prouesse avec son drake et si je peux aider à terminer cette guerre avant qu'elle ne l'atteigne, c'est ce que je vais accomplir.

Shinko relâcha un long soupire comme s'il libérait des émotions qui étaient coincées au fond de lui depuis longtemps. Il semblait soulagé, en paix et ce, malgré le rejet qu'il venait de ressentir.

- C'est si beau ce que tu fais pour ceux que tu aimes.

- Il faut bien faire des sacrifices parfois.

- Plus important encore, es-tu heureuse avec ce choix ?

Alors qu'il posa cette question, il sonda minutieusement la guerrière pour le moindre signe d'hésitation.

- Si, je le suis, répliqua-t-elle avec assurance.

- Alors, je te suivrais en tant que ton fidèle ami, promit-il avec une lueur de dévotion qui illuminait son regard déterminé.

- Je n'en doute aucunement.

✦×✦

Après une bonne nuit de repos sous la vigilante lune, le groupe d'amis furent rudement éveillés par les deux soleils qui éclairaient le désert d'Elthen de leurs puissants rayons.

Argent fut la première à ouvrir les yeux et malgré l'aveuglement causé par la lumière intense, elle ignora ce souci pour ruminer sur le fait qu'elle venait de passer sa dernière nuit dans la nature en compagnie de Bautog, Fooros, Shinko et Zril. Après sa discussion avec l'assukar cadet, les deux amis avaient rejoint les autres et ils avaient passés un bon moment à jacasser en buvant du vin que Wynne leur avait offert pour la route.

Zril et Bautog étaient complètement ivres vers la fin de la soirée et aussi les premiers à tomber endormis. Fooros n'avait pas aimer le goût de la boisson que Zril lui avait donné malgré l'aversion à l'idée de Shinko. Ils étaient bien fous ces quatre-là, mais Argent les aimaient et elle comptait les aider une fois à Rikarn. Elle devait avouer que malgré ses intentions pures, elle désirait les garder près d'elle. Elle se sentait comme si elle avait tout sacrifié, et qu'elle méritait un peu de bien-être mental. C'était égoïste, mais elle ne voulait pas devoir se séparer de ceux qu'elle appréciait en cause de son ascension au trône aux côtés de Kiojar. Pas une deuxième fois. De plus, elle était presque assurée qu'ils allaient appréciés ce qu'elle avait en tête pour eux.

✦×✦

Une demi-journée de marche plus tard, ils arrivèrent enfin aux portes de la citée dorée Rikarn. Argent s'émerveilla devant la splendeur de cette merveille bâtit par des hommes. Elle était impressionnée par Nothar, mais ce n'était rien à côté de cette forteresse gigantesque dont chaque bâtiment réfléchissait les rayons des soleils jumeaux, créant une lueur d'une beauté saisissante.

- On dirait une mine de gemmes précieuses, souffla Shinko, les yeux écarquillés.

- Je pourrais m'y habituer, rigola Zril en souriant, une canine dépassant de sa bouche.

Bautog avait été mis au test la soirée d'avant. En cause de sa taille impressionnante, le colosse avait été ciblé pour des défis de boire. Il avait été grandiose et en était ressorti vainqueur incontesté. Par contre, aujourd'hui, il était en piteux état. Arrêté derrière ses compagnons, ils étaient penchés sur sa hache géante qu'il avait prise à l'un des barbares du Sang du Dragon. Il était blême et son regard était distant, sûrement au bord du vomissement, particulièrement sous cette chaleur torride. Mais le grand gaillard était robuste ; il ne s'était pas laissé s'affaisser.

- Halte ! ordonna l'un des multiples gardes stationnés aux portes.

C'était enfin au tour d'Argent et de ses compagnons d'être examinés. Trois gardes armés s'exécutèrent sans demander la permission.

- Vos noms complets et votre raison de venir à Rikarn, continua le garde qui s'adressait à Shinko.

- Vous devriez discuter avec elle, dit-il en pointant la brunette du doigt. C'est elle la meneuse de notre groupe.

Le garde leva un sourcil, clairement suspicieux. Il tenait entre ses doigts un parchemin et une plume. Il griffonna quelques notes et fixa son attention vers la guerrière.

- Est-que ce qu'il réclame est vrai ?

Si Azéna aurait été à la place d'Argent, celle-ci aurait perdu son sang-froid immédiatement, mais la future reine connaissait la culture humaine et était armée d'une patience solide.

- Je suis Dame Argent de la maison Kindirah du royaume de Daigorn et voici mes compagnons Bautog, Shinko et Zril.

Le garde entrouvrit la bouche, choqué par cette révélation. Il semblait sur le point de dire quelque chose, mais Argent le coupa:

- Leur identité n'a aucune importance mis à part qu'ils sont dignes de confiance et qu'ils sont avec moi, continua-t-elle sur un ton autoritaire.

- B-bon, bégaya le soldat qui semblait avoir perdu toute trace de dignité. Comme Ma Dame le désire Bienvenu à Rikarn. D-devrais-je aviser Sa Majesté de votre arrivée ?

- C'est votre devoir non ?

- Heu... M-mais bien sûr !

Il envoya un messager à cheval jusqu'au château royal pour avertir le roi et sa famille de la présence d'Argent dans la cité.

Entretemps, le groupe d'amis attendirent à proximité de l'entrée où ils trouvèrent des bancs en pierre. Bautog, toujours au bord du vomissement, fut particulièrement content de pouvoir se reposer.

- Ça va aller mon grand, lui dit Zril avec une touche d'espièglerie. C'est de ma faute.

Le colosse répliqua dans un faible grognement et continua de fixer le sol sablonneux.

Après un certain temps, Argent distingua le son constant de sabots de chevaux frappant contre de la pierre. Il y en avait environs une dizaine et ils se rapprochaient à une allure modérée. Enfin, elle reconnue la voix grave du Roi Lôre qui résonnaient entre les structures de Rikarn. Le souverain semblait réellement joyeux ; il ricanait et pouffait de rire si fortement qu'on ne pouvait même pas entendre la parole de ses interlocuteurs.

- La future Reine Brune est de retour ! beugla-t-il alors que son étalon blanc vira un coin.

Il était enfin dans la ligne de mire d'Argent. Les deux individus croisèrent leur regard. Lôre réagit immédiatement ; il mit les pieds à terre, ouvrit ses bras costauds et s'élança vers la brunette. Argent sentit ses os craquer sous la pression de l'étreinte de l'homme.

- Nous t'avons cherché pendant si longtemps ! pleurnicha-t-il.

Honnêtement, Lôre était si grand qu'il arriverait sûrement à donner Bautog de la compétition. Il portait toujours ses cheveux et sa barbe en espèce de crinière à la teinte sable. C'était bien le Lion de la Coupe Dorée.

- Sir, pas si vite ! supplia un soldat à bout de souffle qui faisait de son mieux pour suivre son supérieur. Ce n'est pas prudent !

Zril se mit à rire comme un dément, insouciant de son entourage. Affolé, Shinko posa une main sur sa bouche pour le calmer.

Derrière toute cette scène folle, le Prince Kiojar fit son entré, lui aussi à dos d'un fier cheval qu'Argent ne reconnut pas. Il cligna des yeux, légèrement embarrassé par son père.

- Père, ne l'as tue pas, soupira-t-il avec désespoir. Vraiment, quand vas-tu te comporter avec dignité en public ?

Il avait toujours un accent exotique qui accompagnait sa voix séduisante exactement comme dans les souvenirs d'Argent.

- Oh ! Oh, désolé ma belle, s'excusa le roi en la relâchant. Je suis si heureux de te voir en une pièce et ici de surcroît !

- Je suis ravie de vous revoir aussi Lôre, répondit la brunette avec un sourire chaleureux.

Il lui rendit son sourire et s'écarta pour faire place à son fils. Sous le regard curieux des autres, Kiojar démonta son étalon et s'avança vers sa promise et l'accueillit dans ses bras avec un câlin emplie de tendresse. Argent se sentit immédiatement en sécurité lorsque la chaleur corporel du prince se transmit à sa peau. Elle avait oublié comment il était agréable malgré son absence de sentiments romantiques pour lui. Elle espérait toujours que ceux-ci se développe au fils du temps. Au moins, elle était à l'aise avec lui.

- Toujours aussi angélique, fille de la tempête, complimenta-t-il en effleurant une mèche de sa longue chevelure ondulante.

Mais romantique n'était pas égale au désir sexuel. La guerrière avait presque oubliée combien son future époux était attirant physiquement. Pas trop musclé, pas trop maigrichon, penchant plus vers le côté svelte. Sa peau cuivrée brillait sous les rayons vivifiants des soleils et sa longue chevelure sable attachée en queue-de-cheval lui donnait fière allure. Mais le plus attrayant était ses magnifiques yeux en amandes qui rappelait presque ceux d'une femme hormis le maquillage et les longs cils.

- Toujours aussi ravissent, fils du Lion Doré, répliqua Argent avec un sourire enjoué.

À la mention de ce titre, Lôre bomba le torse comme à son habitude. Confus, Kiojar cligna à quelques reprises puis, enfin, il comprit.

- Bien sûr, dit-il en pouffant de rire. Aaah, c'est si bon de te revoir.

En ce jour, il ne portait pas son habituel armure qui se composait de ses deux spallières en tête de léopard, mais une simple tunique aux motifs complexes et une pair de pantalons pâle. Cette tenue semblait très décontractée comme s'il n'était pas préparé à cet évènement, mais cela ne dérangeait nullement la future reine car, elle préférait les choses simples et naturels.

Une chose importante n'échappa pas à la brunette.

- Jre'gan, soupira-t-elle en devinant que le noble cheval elfique avait périt.

- En effet, répliqua Kiojar dont les traits s'étaient soudainement assombris.

- Quelle tragédie.

- Mon cœur est lourd depuis cette infâme journée, mais le plus important, c'est que tu t'en ais sortie, dit-il en plaçant ses mains autour de son visage affectueusement.

L'adolescente avait oubliée à quel point la peau de ce jeune homme était incroyablement doux. C'était agréable.

Zril se racla la gorge, sûrement pour signaler à son amie que le roi les fixait avec incrédulité depuis un moment.

- Oh ! Pardonnez-moi ! s'exclama la brunette en reculant d'un pas.

Elle présenta son groupe au roi et au prince en s'assurant de bien détailler leurs mésaventures et combien ils lui avaient venus en aide à multiples reprises.

- Pour terminer mon récit, je me dois de vous demander quelques faveurs, Roi Lôre.

- Vas-y ma chère, demande ! répliqua sèchement le grand homme qui était encore sous l'emprise de sa colère face au Sang du Dragon.

- Shinko ici présent m'a fait part de son désir pour s'installer à Rikarn, d'aider notre économie et se vouer à notre cause. Pourriez-vous leur accorder une citoyenneté ?

L'assukar cadet ouvrit grand les yeux et remercia son amie silencieusement.

- Fait ! décida le roi sans même y songer.

- Bautog possède une extérieure robuste et un passé sinistre, mais il à un bon coeur. J'aimerai qu'il soit pardonné. Il n'a personne sauf nous à présent. Et -

- Accepté !

Le colosse eut un petit sourire faible, mais il n'avait pas la force pour rien d'autre. Ce geste en était bien assez pour qu'Argent se sente appréciée.

- Mais Votre Majesté, commença l'un des soldats. Ce sont des étrangers... C'est un peu impulsif -

- Silence Nucvûl ! rugit le roi. Ces individus ont prouvé qu'ils sont dignes de ma faveur.

Il se tourna vers le petit dernier : Zril.

- Et toi, que désires-tu ?

- Je suis un esprit libre, mais sans ma famille et mes amis, je ne suis pas grand-chose..., avoua l'assukar aîné. Donc, je désire rester aussi. Je vais ouvrir une petite compagnie, question de me faire une peu d'argent et de me bâtir une indépendance.

Au début, Argent avait eu peur que Zril n'allait pas suivre son frère et Bautog. Il était chaotique, imprévisible et n'appréciait pas l'autorité. Il allait sûrement se trouver une solution de contournement à sa nouvelle vie de citoyen.

- Ça me parait bien, conclut le roi. Nous avons toujours besoin de soutien dans notre économie.

- Je ferais de mon mieux, dit Zril sur un ton légèrement espiègle.

Ce diablotin avait une idée derrière la tête ce qui rendit Argent suspicieuse. Parlant d'assukar, elle se dit qu'il allait bien falloir qu'elle explique leurs origines à Lôre et Kiojar un de ces jours, mais avant tout, elle allait attendre d'avoir la permission des deux concernés.

- J'ai une autre petite faveur à vous demander, dit-elle en s'adressant à Lôre.

- Tömak... Le soldat qui a voulu me venir en aide durant l'attaque du Sang du Dragon... Sa famille et son fils qui est dragonnier doivent être mit au courant de la bravoure dont il a fait preuve durant sa défaite.

- Certainement ma chère. Nous allons aussi envoyer un message à ta famille.

- À ma petite sœur aussi, à l'Académie d'Archlan, rétorqua Argent avec une légère impatience. Ne l'oubliez pas.

- Ce n'était pas mon intention. Aucune offense n'a été voulue. Allez, venez avec moi. Vous m'avez l'air épuisés et affamés. Je vous invite donc tous à me joindre pour souper. Nous allons célébrer vos citoyennetés aux quatre.

Lôre offrit des chevaux aux nouveaux venus, prit la tête de la marche, suivit de quelques soldats, du prince et d'Argent, des invités suivi d'encore plus de gardes.

- Alors, Reine de l'Épée eh ? mentionna Kiojar en observant sa promise avec une lueur d'admiration dans le regard.

Prise au dépourvue, la brunette ne réagit pas immédiatement. Elle se questionna sur la source de cette information, mais elle réalisa rapidement qu'elle s'adressait au prince d'Elthen. Il aurait été informé promptement de tous les détails de l'attaque. Incertaine de son choix de mots, elle choisit de dévier le sujet:

- Cela me rappelle que je voulais demander à ton père d'envoyer des fonds à Wynne, le tavernier qui m'a beaucoup aidé. Son établissement a été endommagé durant le combat. Il m'a été très bon, lui et sa fille.

- J'ai bien choisis, répondit-il tout simplement, l'expression rêveuse.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Kiojar ne réagit pas, semblant ignorer la question.

- Allons ! insista Argent.

Mais le prince garda le silence, un grand sourire aux lèvres.

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