46 - La fille qui a tenu tête à un dieu

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14e jour de la saison de la mort 2448

Les murmures des apprentis dragonniers s'élevaient partout où l'adolescente à la chevelure argentée passait, mais personne n'osait lui adresser directement la parole. Elle était au courant que quelque chose de louche se passait et sa patience avait été mis à rude épreuve ce jour-là. Malgré tout, elle fit de son mieux pour paraître normale afin de ne pas soulever la suspicion sur elle. Elle ne désirait pas d'attention ayant un lien avec sa première mission.

Hier après l'escapade d'Argoshin, elle s'était faufilée jusqu'à sa chambre en espérant ne pas se faire apercevoir, mais Jessa Bane, la petite blonde au visage en forme de cœur originaire de Dètmor, avait signalée son arrivée lorsqu'elle avait mis le pied dans la salle commune des apprentis du deuxième cycle. Honnêtement, l'archère n'avait jamais vraiment eut d'opinion à propos d'elle puisqu'elles n'interagissaient pas ensembles, mais à présent, elle la trouvait impolie et agaçante.

Quelques instants plus tard, la salle commune était bondée d'adolescents curieux qui bombardaient Azéna de questions. C'était Arièlla, Fayne et Teriondil qui vinrent à son secours, l'emportant à son lit pour qu'elle puisse se reposer. Enroulée dans ses couvertures douillettes, elle raconta ses péripéties à ses trois amis en toute discrétion.

- Maître Ruvior n'est pas celui que je croyais, avait-elle avouée. J'ai eu tort de le juger.

La réaction de Fayne fut la plus extravagante, particulièrement face à son bras noircit. L'herboriste avait versée quelques larmes en silence. Azéna savait qu'elle s'était tuée à ne pas l'accuser d'impulsivité et d'idiotie. Elle avait envie de lui confirmer ces pensées, mais elle était trop épuisée pour trouver les bons mots. La communication n'était toujours pas son point fort.

Présentement, elle était en chemin vers le Grand Hall pour le soupé habituel. Elle venait de passer une heure avec Leith à se faire examiner de la tête aux pieds et à se faire chanter la morale.

- Des ailes de poulets piquantes, murmura-t-elle en s'imaginant son délicieux repas. Vous m'avez tellement manquées.

D'un pas entraîné, elle franchit le seuil de l'entrée du hall. Elle repéra aisément Tyrath sur l'un des perchoirs qui taquinait Ella en jouant avec les pendentifs décoratifs qui étaient attachés aux cornes de bois de la dragonne. Cette-dernière lui donna un coup de patte au museau et feula avec agressivité.

- Quel imbécile, rigola l'adolescente.

Sous le drake et sa compagnonne se trouvait la table des apprentis du deuxième cycle. L'archère s'y dirigea en ignorant les regards indiscrets qui la suivaient. D'autres murmures surgirent.

- Ce qu'ils ne sont pas subtils, ronchonna-t-elle pour elle-même.

Elle estima qu'environs la moitié des apprentis, plus particulièrement les plus jeunes, ne cessaient de la fixer. Que se passait-il ?

Un garçon qui semblait être au début de son adolescence s'approcha d'elle à petits pas timides avec un parchemin roulé en mains.

- Et tu es... ? questionna Azéna en levant un sourcil.

Le pauvre apprenti ne répondit qu'en déglutissant ce qui démontrait son embarras.

- Bon..., dit Azéna en acceptant la lettre du garçon.

Sous les yeux admirateurs de son interlocuteur silencieux, elle ouvrit le parchemin et le lut. C'était une lettre d'amour. Pas étonnant qu'il était paralysé par le trac. Par politesse, elle continua sa lecture en sachant que les efforts du garçon étaient en vains.

- Dit oui, Fille qui a tenu tête à un dieu ! s'écria l'un des apprentis à la table des troisièmes années.

Azéna cligna des yeux, confuse par le surnom qu'on venait de lui donner. Les joues du garçon devant elle s'enflammèrent, trahissant son sentiment de gêne.

- Sinon, tu peux toujours me donner une chance ! beugla un autre apprenti dragonnier.

- C'est quoi cette blague !? grogna Azéna, toujours incertaine de ce qui se passait.

La plupart des apprentis se turent et maintenant, certains d'entre eux se levèrent pour mieux observer la scène.

- C'est votre nouveau surnom, expliqua le jeune homme qui lui avait donné une lettre d'amour. Vous avez tenue tête à un dieu et c'est un exploit dont très peu de gens peuvent se vanter. Vous êtes réellement impressionnante, Azéna Kindirah.

À son tour, la fille de la tempête sentit ses joues surchauffées, mais pour une différente cause: elle était en colère. Quelqu'un avait eut la langue assez pendue pour partager ce qu'elle avait eu à subir ces derniers jours. Elle ne cherchait pas l'attention ni la célébrité, pas avec ce genre de brutalité subit. Évidemment, il était trop tard.

- Désolé mec, mais je ne suis pas intéressée.

Elle lui rendit sa lettre et se dirigea d'une cadence énervée vers la table où étaient installés Arièlla, Fayne et Teriondil. Elle frappa le bois du meuble d'un poing solide et siffla entre ses dents.

- Qui est responsable de ça !?

- Du calme, dit Arièlla en déposant sa cuillère dans sa soupe à la courge. Ce n'est pas nous... Enfin, je ne crois pas.

Teriondil et Fayne restèrent muets, semblant être d'accord avec la blonde.

- Assis-toi, continua la dragonnière rouge en démontrant une chaise libre.

Azéna obéit en ronchonnant des injures.

- Calme-toi, proposa Arièlla. Regarde le côté positif de la situation; ce n'est pas si mal. Oui, tu t'es méritée un surnom et de la célébrité. Et alors ? Tu es toujours toi-même et encore plus.

- Je ne veux pas de la partie encore plus, rétorqua la Kindirah en croisant les bras. Tu ne comprends pas Arièlla... Je n'ai rien accomplis là-bas... rien de spectaculaire de toute façon. J'avais peur alors, j'ai vomi toute sorte de conneries de ma grande gueule comme à mon habitude. Si ça que qui vous impressionnent, alors vous êtes naïfs.

- Tu te rends comptes que PERSONNE ne tient tête à une divinité ? Cette action en soit est exceptionnel.

Azéna agrippa une fourchette et la planta dans une aile de poulet solitaire afin d'éviter les yeux de son interlocutrice. Elle ne savait pas comment d'exprimer; ils ne comprenaient tout simplement pas les horreurs qu'elle avait dut confronter en si peu de temps. C'était ardue sur son esprit.

- Hé regarde-moi ! s'exclama la blonde avec autorité.

Azéna grinça les dents, ne désirant que de s'enfuir pour ne plus avoir à écouter les autres. À contre-cœur, elle détourna le visage vers celui de la blonde.

- Nous sommes de ton côté. Nous ne sommes pas responsables. Je te le promets.

L'archère relâcha un long soupire et avec peine et misère, elle acquiesça.

- Bon ! Mange maintenant ! ordonna Arièlla. Tu as encore perdu du poids. Fait attention, tu vas perdre le peu de masse musculaire que tu as accumulée durant ton entraînement.

- C'est ce que je vais faire, répondit la fille de la tempête qui croirait entendre sa mère.

À peine qu'elle eut droit à sa première bouchée qu'elle fut distraite par deux apprenties qui s'approchaient d'elle. La première était la rousse Renora qui ne cessait de grandir et de prendre du muscle. Cette-dernière s'arrêta, offrit un regard méfiant à Azéna et enfin, elle laissa sa compagnonne prendre de l'avance sur elle. Naëshirie n'avait pas changée malgré l'avancement de son âge au travers de la mi-adolescence. Azéna se surprit à trouver son physique délicat terriblement mignon et attirant. À chaque fois qu'elle voyait l'elfe hybride, elle se rappelait à quel point ses yeux vert céladon étaient uniques et éblouissants. C'était vraiment une teinte unique à elle; la dragonnière grise n'en avait jamais croiser d'autres. C'était sûrement dut aux croisements de ses gênes d'elfe des bois et d'elfe lunaire.

- Errmm, murmura-t-elle en tentant de refouler ses émotions. Bonsoir à vous deux.

Naëshirie rougit, clairement embarrassée par l'attention qu'Azéna lui portait. Était-elle tombée sous le charme de son nouveau titre comme tous les autres ? À cette possibilité, l'archère avait une sale envie de rouler ses yeux, mais elle ne fit que sourire jaune, inconfortable avec les deux nouvelles venues.

- Allez Naësh, insista Renora en posant ses mains sur ses hanches comme un parent qui discipline son enfant.

L'elfe hybride dégagea une mèche blanche de son visage aux traits doux et sortit un parchemin de sa poche d'uniforme pour enfin l'offrir à Azéna. Sur le coup, cette-dernière prévu recevoir une autre lettre d'amour et sentit une vague d'impatience lui travers le corps entier. Puis, elle se calma, réalisant qu'elle était peut-être de la part de Naëshirie. Cette possibilité la fit rougir.

La petite elfe la salua d'un petit mouvement de la main puis, elle continua son chemin vers un autre apprenti : Vorshiènn. Elle lui remit un message sur papier à lui aussi.

- Ne te choque pas, lui ordonna Renora avec un mélange d'amertume et de sévérité.

Mais le jeune homme qui était normalement si confiant fondit en larmes alors qu'il lisait le parchemin. Il se mit à hoqueter à plusieurs reprises et perdu le souffle momentanément jusqu'à ce que la rousse l'enlace fortement dans ses bras.

- Ça va aller Vorshiènn, susurra-t-elle doucement comme s'il n'était qu'un enfant fragile.

Maintenant Azéna était inquiète ; surtout que Naëshirie lui avait offert un regard de sympathie.

- Ce n'est pas une lettre d'amour du tout, réalisa-t-elle tout haut.

- Quoi ? questionna Fayne avec confusion. Qu'est-ce que racontes ?

- Rien, rien. Retourne à ton repas.

Elle se dépêcha de dérouler le parchemin et faillit le déchirer la partie du bas dans son manque de prudence.

Chère Azéna, sœur d'Argent de la maison Kindirah et apprentie dragonnière à l'Académie d'Archlan,

Ce message vous est parvenu par le bien de nos plus prompts messagers ; nous sommes extrêmement désolés que vous n'avez pas reçu de nouvelles plus tôt. Votre sœur aînée, la promise du prince Kiojar, est rentrée saine et sauve à la capitale de Rikarn après de nombreux jours suite à sa disparition. Un groupe connu sous le nom de Sang du Dragon l'avait kidnappé et d'après elle, le chef de guerre étant un chaman elfique du nom d'Erurawin. Je vous pris de vous méfier de cet individu; il est puissant et dangereux.

Soyez sans crainte que Dame Argent est sous notre protection et qu'elle reçoit de tout ce dont elle a besoin.

Bien à vous,

La famille royale Lènmar d'Elthen

Encore une fois, Azéna fut victime de sa rage; elle crispa ses mains et frappa la table à laquelle elle était assise.

- Cet enfoiré ! beugla-t-elle.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Fayne. Quel enfoiré ?

- Erurawin ! C'était lui que la vision de Tish faisait référence. Il s'en est prit à ma soeur juste avant de s'attaquer à moi et à mon escouade !

- Argent ? Elle va bien ? s'inquiéta l'herboriste.

L'archère acquiesça, réalisant ce qui aurait pu aisément arrivé. Au moins, elle n'avait plus besoin de 's'inquiéter à propos d'elle, seulement des membres de son escouade qui n'allaient probablement pas arrivés avant quelques jours.

- Tu as eu de la chance, fit remarquer Arièlla, la mine sombre. Vorshiènn ne semble pas avoir reçu des bonnes nouvelles. Qu'importe ce qui est arrivé là-bas, ce n'était pas positif.

- Je sais, grogna Azéna. Les deux lettres sont probablement issues du même messager... Putain de chaman noir... J'ai vais offrir sa carcasse à Tyrath pour dîner. D'ailleurs, comment pensez-vous que le fait que je me suis prise de tête avec Noktow est devenu une connaissance publique ?

Personne ne prononça un mot pendant un long moment. Alors qu'Azéna était sur le point de se résigner, Teriondil prit la parole :

- C'est possible que ce soit ma sœur... Ce matin, elle a interrompu une conversation privée entre moi et Fayne...

Le teint de la brunette s'assombrit et elle dévia les yeux vers le sol. Arièlla grimaça à cette information. L'elfe sylvain lui, paraissait désolé, mais calme.

- Ça ne lui a pas pris longtemps à divulguer tout ça au travers de l'académie, rouspéta l'archère avec rogne. Moins d'une journée... Quelles sont les chances ? Elle ne vient jamais te parler Teri.

Elle prit une bouchée de son aile de poulet épicé qui était maintenant froide et désagréable à manger, mais elle ignora ses détails. Ce n'était pas important à cet instant.

Le silence régna jusqu'à ce que Teriondil brisa la glace :

- Fayne... L'anniversaire de seize ans d'Azéna approche...

- Et ? répliqua l'herboriste en piquant sa fourchette dans une feuille de salade.

- Qu'est-ce que je devrais lui offrit comme cadeau ? demanda-t-il à haute voix.

Le groupe d'amis fixèrent l'elfe avec stupéfaction. C'était bien son style ce genre de nonchalance dans une situation gênante.

- Comme je te l'ais déjà expliquée, la personne qui reçoit le cadeau ne doit pas savoir ce que c'est, souligna Fayne.

- Oh... Mais j'aimerai savoir, murmura le jeune homme.

- Arf... On en discutera plus tard, d'accord ?

Alors que l'innocence de Teriondil continua de prévaloir, Arièlla tenta de distraire la demie-elfe en passant son bras autour d'elle.

- Allons prendre une petite marche, suggéra-t-elle.

- D'accord évernante, grogna l'archère qui obéit.

De toute façon, son esprit était ailleurs. Elle songeait à tout ce qui s'était passé durant les derniers jours. Elle était passée du statut de maladroite dont les autres s'en foutait à une célébrité en cause d'une tragédie qu'elle aurait bien voulut évitée. C'était comme si l'académie entière s'était éveillée à sa présence. Elle qui avait tant souhaitée obtenir un peu de reconnaissance. Maintenant qu'elle l'avait obtenue, elle n'en était pas très ravie.

Elle et Arièlla marchaient lentement entre la table des apprentis du deuxième cycle et celle de ceux du troisième. La blonde n'avait toujours pas retiré son bras.

- Alors... Tu as bientôt seize ans... Il n'y a pas un de tes admirateurs qui t'intéresse ?

La dragonnière grise y songea et remarqua assez rapidement que ces soi-disant admirateurs étaient tous des garçons et qu'elle n'y voyait pas l'intérêt.

- Pas vraiment, mentit-t-elle, sachant que Naëshirie éveillait sa curiosité à chaque fois qu'elle l'apercevait. De toute façon, nous n'avons pas le droit de... de...

- Forniquer, termina Arièlla pour elle. Bien sûr...

- Mais on s'en fout, continua la demie-elfe avec un sourire coquin. Nous sommes victimes de nos actions malgré nos serments.

- Techniquement parlant, rétorqua la blonde avec une sècheresse qui n'échappa pas à son amie

- Et toi, ne viens pas me raconter que tu n'as aucun sentiment pour personne. Même Fayne qui est prude est victime d'une attirance malsaine pour les elfes des bois.

Arièlla pouffa de rire.

- Ça m'étonne de la part de Fayne.

Soudainement, son expression s'assombrit et ses traits de creusèrent comme si quelque chose venait de la persécuter droit au cœur.

- As-tu aperçu Serfantor quelque part ? demanda-t-elle avec des petits yeux brillants qui trahissait de la vulnérabilité.

Il était rare de voir Arièlla dans un état pareil; elle qui se protégeait des autres si aisément. Azéna resta bouche-bée pend un moment et réalisa que en effet, elle n'avait pas eut le moindre de signe de vie de la part de son capitaine depuis son arrivée. Sur le coup, elle compris que son amie avait des sentiments pour l'elfe gris.

- A-Ahh... ermm...

L'archère se maudit pour ne pas pouvoir trouver les bonnes paroles pour consoler son amie.

- Non, mais tu sais bien qu'il est très réservé donc... il va sûrement sortir de son trou pour la pratique de skotar de demain, pas vrai ? Il n'a pas le choix.

- Tu as sûrement raison..., répliqua la blonde.

Azéna leva les yeux et aperçut l'horloge qui affichait presque six heures du soir. Elle se souvint qu'elle devait rencontrer Argoshin bientôt et elle se sentit mal de devoir abandonner Arièlla à son sort.

- Hé Ari, je suis vraiment sincèrement désolée, mais c'est l'heure pour moi d'aller voir un certain quelqu'un si tu vois où j'essaie d'en venir.

- Oh bien sûr. Ne t'en fais pas pour moi, approuva la dragonnière rouge. Allez, file !

Elles échangèrent un sourire et se séparèrent, Arièlla retournant à la table tandis qu'Azéna s'élança vers l'entrée principale en poussant un sifflement. Cette-dernière jeta un coup d'oeuil en direction de Tyrath pour s'assurer que le drake avait reçu son signal. Il était bel et bien entrain de prendre son essor.

À l'extérieur, il rejoint sa cavalière qui grimpa sur son dos avec aise en évitant soigneusement les piquants acérés. Le duo se dirigea vers la petite colline où ils aimaient bien observer les étoiles de temps en temps, particulièrement pour avoir un peu de privé. C'était assez loin d'Atgoren pour éviter les regards fouineurs.

Comme prévu, Argoshin les attendait là, perché sur l'unique arbre à proximité. Il était accroupi et gardait son équilibre grâce à ses griffes qui étaient fichées dans une branche tel un serpent. Il n'avait guère besoin de cacher ses apparences ici ; ils étaient seuls.

- Ahh vous voilà, siffla-t-il entre ses crocs.

Il ouvrit ses ailes et se laissa planer doucement jusqu'au sol.

- Je commençais à douter votre engagement, avoua-t-il sur son ton si étrangement caverneux. Nous avons beaucoup à discuter et si peu de temps.

- Pardon Maître, s'excusa Azéna. Nous tâcherons d'être plus hâtifs à la prochaine session.

Le demi-dragon posa son attention sur Tyrath et se figea jusqu'à ce qu'enfin, le drake réagit :

- Je ferais pareil... M-maître, hésita-t-il.

- La fille qui a tenu tête à un dieu, n'est-ce pas ? mentionna l'hybride à sa nouvelle élève.

La réaction d'Azéna fut instinctivement: elle donna un coup de poing à l'arbre. Sous le regard peu impressionné de professeur, elle retira sa main et remarqua que ses jointures étaient tâchées d'un peu de sang. Mais où avait-il entendu ça ?

- Un problème ? questionna Argoshin avec sévérité.

- Non, ronchonna l'adolescente en se secouant la main dans une tentative de soulager la douleur.

L'hybride l'examina pendant un long moment comme s'il testait sa patience ou bien qu'il attendait qu'elle se calme. Durant cette torture silencieuse, Azéna avait une envie de le cogner, mais elle concentra son énergie sur sa méditation intérieure qui avait plus ou moins fonctionnée. Enfin, il parla, sa voix traînante dans les brises de vents frisquettes :

- Débutons alors. Il n'y aura pas vraiment d'exercice aujourd'hui ; juste une simple discussion. Je vais premièrement vous expliquer comment on maîtrise l'élément de la vie, étape par étape.

- Et moi, maître ? demanda Tyrath.

- Jeune dragon, tu es ici pour apprendre aux côtés de ta dragonnière comment fonctionne l'élément de la vie.

- Sans vouloir vous offenser, mais en quoi est-ce nécessaire ?

- Vous êtes liés à un niveau plus profond que n'importe quelle alliance, amitié ou romance ; vous avez besoin de vous comprendre l'un l'autre, particulièrement avec la guerre qui menace ces landes, expliqua le demi-dragon en détachant sa chevelure ébène coiffée en queue de rat, puis en l'attachant à nouveau.

Les quelques écailles violettes sur ses mains luisaient sous la lueur du deuxième soleil qui se couchait lentement.

- Donc vous confirmer cette guerre ? questionna Azéna.

- Absolument ! s'exclama Argoshin avec froideur. Elle a débuté il y a environs quatre saisons, mais de façon subtile... Cela ne restera pas ainsi éternellement. Le temps est crucial ; vous devez être prêts pour elle.

Il soupira et se gratta le menton imberbe. D'ailleurs, aucune pilosité n'était présente au visage de l'hybride ce qui était étrange pour un adulte. Il s'installa au sol et fit signe à ses élèves d'en faire autant.

- Je dois vous avouer que vous avez bien appris en tant que dragon et dragonnière, mais que vos maîtres ne savent pas quoi que ce soit à propos de la maîtrise spirituelle.

- Maîtrise spirituelle... ? questionna Azéna. Je ne suis pas familière avec ce terme, Maître.

- Cela ne m'étonne pas. Toi et moi, nous sommes des animanciens, maîtres des esprits, maître du vhrenghar. La traduction n'est pas exacte dans la langue commune et aisément tordue.

- Q-quoi ? bafouilla l'archère. Mais même Turion l'appelle élément de la vie et il est un wyrm violet quand-même.

- Tu me doutes, c'est bien. Fait toujours tes recherches toi-même. C'est ce que j'ai fait, désirant trouver une explication pour ma présence dans ce monde. Comme vous devez vous en douter, je suis une entité assez... exceptionnelle. J'ai longtemps cherché à savoir qui j'étais, d'où je venais, quel était ce pouvoir étrange que je maniais. Enfin bref, il y a très longtemps, de l'information à propos des éléments a été traduit du langage ancien au commun et le nom original de l'élément s'est perdu.

- Vous pouvez lire l'ancienne langue maître ? s'étonna Tyrath. Seuls quelques rares individus en sont capables.

- Cela n'a pas été facile, surtout avec le manque évident de support dans cet apprentissage, mais avec de la patience et de la détermination, on peut accomplir des exploits.

- Mais pourquoi spirituel, maître ? demanda Azéna avec confusion. Je ne vois pas le lien.

- Ce qui rend chaque être vivant ou mort possède un esprit. Véritablement, quelqu'un de décédé a tout simplement perdu son vaisseau physique.

- Donc... C'est une simple manipulation de l'âme, réalisa l'adolescente choquée.

- Entre autres oui.

Azéna remémora les quelques instances où elle avait eu un peu de succès avec cet élément énigmatique. L'échange d'énergie était effectivement cela, mais cela ferait du sens qu'elle était en train d'aspirer une petite partie de l'esprit de la victime.

- Ça explique pourquoi une surcharge de cette énergie me guérissait.

- Une âme ou un esprit, dépendant de la culture, est la source même d'une ligne de vie alors, c'est encore plus efficace que n'importe quelle magie ou technique de guérison. Par contre, ne prend pas ce don à la légère. Si tu l'abuses, les conséquences peuvent être catastrophiques, surtout considérant le potentiel qui résides en toi.

La dragonnière savait déjà à quoi son maître faisait référence : l'un des plus révérés wyrm de l'histoire. Gênée, elle sentit ses émotions prendre le dessus de sa raison, rougissant de plus belle.

- J'en suis consciente maître.

- Et toi, jeune dragon, continua l'hybride en s'adressant à Tyrath, supporte-la du mieux que tu le peux. Elle n'aura jamais une existence aisée dans sa situation et il vous faudra parfois faire des choix déchirants.

- Bien devancé sur vous maître, répliqua le drake argenté humblement. C'est tout simplement naturel pour moi de vouloir protéger Azéna. Elle fait partie de moi, de mon être.

Les minces lèvres de l'archère s'étirent en un sourire chaleureux. Elle adorait ce gros navet. Aucun doute ne résidait en elle en ce qui concernait ses paroles.

- Je ne m'attends à rien de moins, affirma Argoshin.

Impatiente d'en savoir plus à propos de Turion, du vol draconique violet et de ses pouvoirs, Azéna s'étira les bras derrière le dos et se mit à sonder ses environs dans une tentative de prendre son mal en patience. Elle ne désirait pas offusquer le demi-dragon, mais bordel qu'elle avait une sale envie de lui dire de passé à la prochaine étape de son apprentissage. Le deuxième soleil était en train de se coucher et elle devait bientôt retourner à sa chambre.

- Le couvre-feu est pour bientôt, mentionna-t-elle en s'efforçant de paraître nonchalante.

Une brise persistante lui mordit le visage et elle frissonna en serrant le collet de son manteau d'automne contre elle.

- Patience, dit Argoshin avec douceur.

L'adolescente entendait ce mot si souvent que sa simple mention rongea sa bonne humeur. Malgré tout, elle garda son calme et attendit comme son maître le désirait. Une seconde, une minute, un quart d'heure...

Enfin, l'hybride inspira profondément

- Je vais te partager ce que je sais en temps et lieux. Je sais... Ce n'est pas ce que tu désires entendre, mais il faut prendre soin de ne pas marcher sur la mauvaise voie. Il est impératif que tu ne révèles rien à qui que soit, toi y compris jeune Tyrath.

Il avait entièrement raison. L'adolescente avait tentée de comprendre cet élément pendant trop longtemps déjà et elle était à court de patience. Elle grimaça, légèrement irritable.

- Je suppose que tu n'as qu'une maîtrise très limitée sur l'élément spirituelle, devina Argoshin.

- C-c'est exact, confirma l'aéromancienne malgré son embarras.

Elle se sentait comme si elle était une incapable, une ratée, complètement inutile en la matière.

- Pourtant, je n'ai aucun problème avec la maîtrise du vent, ajouta-t-elle. C'est si frustrant...

- Je vois, dit l'hybride. Réalise bien que maîtriser un esprit est l'équivalant de contrôler et manier la vie et la mort. Ces actions font paraître les plus grands chamans comme des enfants. Pourquoi crois-tu qu'on cherche tant à contrôler tes pouvoirs ?

Cet homme étrange avait provoqué un sentiment d'ahurissement en son élève qui le fixa avec la bouche entrouverte, ne sachant que dire. Il avait raison sur toute la ligne.

- Le vol draconique violet forme la base pour soutenir les autres car sans la vie et la mort, rien n'est possible, continua le maître avec nostalgie. Leur absence forme un grand vide e-et...

Il hésita comme s'il désirait ajouter quelque chose. On pouvait percevoir une lueur de déception derrière ses yeux aux traits autant humain et reptilien.

- Ça va maître ? questionna Tyrath avec une mine inquiète.

Argoshin acquiesça doucement. Après une brève pause, il continua:

- Bref, les dragons violets sont chargés d'assurer l'équilibre de la vie de la mort ce qui est plus important que n'importe quel autre élément. Étant partiellement l'un d'entre eux, je fais partie de leur réseau, quoique faiblement. Je ressens leur présence, leurs peines, leurs joies qui se font de plus en plus rarissimes.

- Ils sont là !?! s'exclama Azéna et Tyrath en chœur, incapables de se retenir.

- La réponse à cette question est compliquée... Je dois vous avouer que je n'ai aucune idée d'où ils sont, mais au fond de moi, je sens leur présence constamment. Un à un, ils se détachés... Leur esprit disparut de cette dimension. Je crois que c'est du suicide. Ils ont le cœur brisé et je ne peux pas les trouver ni leur parler. J'ai cherché si longtemps... C'est comme se sentir proche de quelqu'un, mais...

- Mais que tu ne sais pas qui est cette personne ni où elle réside, termina Azéna en posant son attention sur Tyrath. C'est ainsi que je me suis sentie toute ma vie. On se sent si libre et complet lorsqu'on trouve enfin cette âme spéciale.

Comme un enfant, le drake ouvrit et referma la gueule à plusieurs reprises sans dire un mot, ses yeux exorbitants et larmoyants. C'était bien rare qu'il soit atteint d'une telle émotion. Il lâcha un gémissement plaintif et enfin, son état se propagea à sa dragonnière qui se mit à pleurer en silence.

Même Argoshin était sous le charme de cette scène touchante. Il ne pleurait pas, mais une lueur de fierté et de contentement rendait son étrangement ravissant visage encore plus attachant.

- U-un jour, vous... trouverez aussi maître, dit Azéna d'une voix brisée.

L'hybride s'inclina légèrement comme pour remercier son élève.

- Vous avez découvert l'un de vos âme sœurs. Il en existe plusieurs types ; c'est difficile de tous les cernés, voire impossible.

- Mais je croyais qu'une âme sœur était... enfin... romantique ? répliqua la dragonnière qui se remettait enfin de ses émotions.

- Pas tous, pas tous. Il suffit d'éprouver un sentiment sincère et assez profond vis-à-vis de quelqu'un pour ressentir non une envie, mais une nécessité pour sa présence dans notre vie, que ce soit en bien ou en mal.

À cet instant, l'archère posa son attention sur son interlocuteur aux yeux dorés et elle sentit une bouffée de chaleur agréable lui dominé le corps entier. Elle se sentait non pas attirée vers lui, mais en parfaite confiance et comme si une connexion profonde venait de voir le jour entre eux. Elle réalisa que cette créature, née d'une improbabilité incroyable - probablement un miracle - possédait un cœur en or et sûrement, elle le devinait, un passé des plus ardues et une longue vie dans le froid vide de la solitude. Elle désirait apprendre de lui et grandir avec lui comme s'il aurait été son propre sang. Peut-être avait-elle été trop têtue pour voir ce qui était droit sous son nez.

- Aidez-nous à devenir forts.

- Vous l'êtes déjà, répliqua l'hybride avec un sourire, révélant ses crocs qui à cet instant ne lui donnait en rien une allure de prédateur.

✦×✦

Azéna avait encore dépassée le couvre-feu. Rendar était de l'autre côté de l'académie; c'était maintenant ou jamais. Tyrath s'élança à une allure folle, fendant le ciel comme un météorite jusqu'à la Tour de la Connaissance. Azéna lui souhaita bonne nuit en silence puis, elle se faufila dans sa chambre par la fenêtre.

À l'intérieur, elle tomba face à face avec Fayne qui l'attendait clairement. La brunette faisait les cents pas dans la petite chambre en jouant avec une mèche de sa chevelure onduleuse comme elle le faisait lorsqu'elle était anxieuse. Quelque chose n'allait pas.

- Fayne...? appela Azéna, incertaine de comment l'approcher.

- Serfantor s'est fait condamné à mort, lança l'herboriste sur un ton monotone.

Malgré la froideur de son ton, son physique racontait une toute autre histoire. Elle était au bord de la panique, sa peau était parsemée de gouttes de sueur, ses membres tremblaient légèrement et ses yeux étaient écarquillés.

- Attends... quoi ? répliqua Azéna qui n'avait pas encore absorbée la nouvelle.

- Tu m'as entendu ! explosa Fayne d'une voix autant colérique qu'attristée. Il s'est enfuit... et maintenant... I-il est dans la nature seul... Il veut que tu ailles le voir, immédiatement.

- M-moi ? Mais... pourquoi moi ?

Les mêmes signes d'angoisses qui dominaient son amie commençaient à apparaitre sur elle aussi.

- J'en sais rien, avoua Fayne. Il s'est faufilé dans l'académie et il m'a adressé la parole. Je ne me doutais de rien jusqu'à ce qu'il m'explique... Il avait une blessure au b-bras. Je l'ais guéris du mieux que j'ai pu ! D-de toute façon, il m'a fait promettre de ne pas en parler sauf à toi. Tu étais partie p-pendant si longtemps ! J'ai failli p-perdre la tête !

Dans un moment de clarté, Azéna s'approcha de son amie, bien déterminée à la soutenir dans sa crise, et l'enlaça fortement. L'effet fut immédiat : la dragonnière bleue éclata en sanglots, le visage enfouit dans le cou de l'archère. Les deux se laissèrent tomber à genoux sans jamais se lâcher.

- Ne t'en préoccupe plus, murmura Azéna. Je vais aller le voir et tout s'arrangera.

Pendant un long moment, elle caressa la chevelure de Fayne jusqu'à ce qu'enfin, les secousses se calmèrent.

- Va ! ordonna l'herboriste, le souffle encore difficile. Il t'attend et il t'as plus besoin que moi.

- Où est-il ? demanda l'archère.

- Derrière la forge de la cité.

- Merci, susurra la dragonnière grise.

Elle libéra son amie de son emprise puis, elle lui sourit en posant ses mains sur chaque côté de son visage. Doucement, elle caresse sa peau douce en se questionnant sur si elle était aussi une de ses âme sœurs. Après tout, elle ne pouvait pas supporter la pensée d'avoir une vie sans elle, en tant qu'amie, en que famille, en tant que sœur.

- Tu es géniale.

Et comme un coup de vent, sans la laisser réagir, elle sortit de leur chambre et détala hors de la tour, en direction de la forge d'Atgoren. Dans une poussée d'adrénaline, elle ignora la fraîcheur qui lui mordait la peau si fragile, elle s'en moquait des règlements : elle devait rejoindre Serfantor.

Elle n'avait pas remarqué qu'on la suivait, impulsivité ancrée dans l'âme.

Enfin, elle trouva l'elfe gris, enroulé dans un manteau à capuchon, recroquevillé dans un coin sombre entre deux tonneaux. Il caressait le dos d'une petite chatte calicot qui s'enfuit à la vue de la nouvelle venue.

- Toujours aussi désespérante, blagua-t-il avec un sourire faible. Regarde-toi un peu, ton uniforme tout sali.

Azéna ne savait honnêtement pas quoi répondre. Il était de bonne humeur considérant sa situation périlleuse. Il avait une lueur au visage, un espoir, mais son corps était en piteux état. Il avait des cernes sous les yeux, ses traits faciaux étaient creusés et ses jointures étaient sanglantes comme s'il s'était battu à coup de poings. Pourtant, il était calme.

- Que s'est-il passé ? demanda Azéna avec une furie qui faisait bouillir son sang.

- Ce n'est pas important, rétorqua l'elfe avec une neutralité. Plus maintenant... Ce qui importe c'est que tu prennes soin d'Arièlla.

- Q-quoi ? C'est pour ça que tu m'as fait venir ici ?

L'archère était peu impressionnée. Elle avait en tête une explication et un plan d'action, pas une requête pathétique de la sorte. D'après elle, il aurait dû parler à la blonde lui-même. Elle qui était clairement si dédiée à lui. Elle qui était si endurcie et disciplinée en temps normal; elle perdait presque sa fierté chaque fois qu'elle le mentionnait, morte d'inquiétude.

Azéna serra les poings et les dents. Son cœur se mit à battre assez fortement pour qu'elle sente son rythme frénétique dans la veine de son cou. Une envie de frapper s'emparait d'elle encore une fois.

Le silence fut pendant un très long moment. Pendant ce temps, l'archère utilisa toutes les méthodes de méditation qu'elle connaissait pour ne pas perdre son sang-froid.

Enfin, Serfantor fut le premier à parler :

- J'ai besoin que tu...

- ELLE T'AIMES ! beugla l'archère qui ne pouvait plus se retenir. Quel idiot tu es !

Dans un instant de folie, elle leva le bras pour cogner sur un baril à sa droite, mais on l'arrêta. Serfantor avait agrippé son membre alors qu'il était sur le point d'atteindre sa cible.

- Tu vas nous faire découvrir, dit-il sèchement.

- Lâche ! grogna Azéna entre ses dents. Et dire que je t'admirais et que je voulais devenir capitaine de skotar moi aussi ! Sort de mon champ de vision !

Elle le repoussa en espérant le faire tomber au sol, mais celui-ci ne fit que tituber, laissant des traces de bottes dans la boue dans son sillage. Sous un angle différent, elle aperçut brièvement la blessure dont Fayne parlait: une longue coupure qui correspondait bien à une lame. Elle remarqua aussi en plissant les yeux qu'il y avait des brûlures sur certains endroits de sa peau grise.

- Promets-moi, supplia l'elfe, cette-fois avec une amertume qui faillit briser son interlocutrice.

- Je... Argh... Je...

Elle le pointa d'un doigt accusateur alors qu'elle hésita sur ses mots.

- D'accord, mais je vais tout lui dire. Alors, raconte-moi ce qui s'est passé. Je sais que tu as été condamné à mort par les Gardiens d'Aerinda, mais pas plus. Et c'est quoi ces bless...

Un cri étouffé par les émotions la distrait et elle perdue le fils de ses pensées. Elle tourna la tête et aperçut une fille à la chevelure blond foncé qui s'élançait dans les bras de l'elfe gris.

- Ari ? lâcha Serfantor avec autant de surprise qu'expérimentait la demi-elfe qui témoignait le tout.

Cette-dernière remarqua immédiatement l'emploi du surnom d'Arièlla; c'était la première fois qu'il l'utilisait devant elle. Elle figea bêtement le couple qui s'enlaçait longuement puis, qui se lancèrent des regards autant épanouis que triste. Un peu mal à l'aise, elle fit quelques pas vers l'arrière pour leur laisser de l'espace. C'était étrange de voir ce genre d'affection entre deux apprentis, encore plus quand c'était entre ses deux bons amis.

Arièlla pleurait dans une réticence tandis que Serfantor lui expliquait vaguement ce qu'il avait dit à l'archère et l'herboriste. C'était du répétitif, mais Azéna comprenait pourquoi c'était nécessaire. La blonde avait besoin de l'entendre de la bouche de Serfantor qui s'adressait directement à elle.

Pendant ce temps, l'archère observait les environs en tentant de se distraire. Pour une raison quelconque, elle se sentait embarrassée. Elle n'avait jamais vraiment éprouvé de désir romantique pour quiconque et c'était un territoire inexploré pour elle. Ainsi, elle ne savait pas quoi en faire. De plus, voir Arièlla si vulnérable la dérangeait. C'était comme si elle n'était pas supposée être présente à ce moment si précieux et délicat.

Une fois que la tension se brisa, Serfantor s'adressa aux deux filles :

- J'ai une nouvelle destinée à suivre. Je ne sais pas encore exactement quoi, mais maintenant, je suis libre. De plus, je ne peux pas rester près des Gardiens...

- Ils veulent ta peau. Pas besoin de nous le répéter, vomit Azéna avec une franchise presque désarmante.

- C'est bien toi ça, répliqua le prince en affichant un petit sourire béat.

Il semblait réellement heureux et ce malgré sa situation qui était plus que fâcheuse. Son attitude, quoique lâche, étonnait l'archère.

- Ouaip, c'est moi..., murmura-t-elle, son malaise persistant.

Elle dériva les yeux vers le ciel, évitant les mains entrecroisées du couple. Mais pourquoi est-ce qu'elle se sentait comme une gamine qui trouvait la romance dégoutante ? Après tout, elle avait dépassé cette phase et en plus, elle était en train de travailler à assumer sa sexualité qui divaguait de la norme.

- Bon, je désirais vous partager un avertissement aussi, continua l'elfe, cette-fois sur un ton beaucoup plus sombre.

À cette tonalité, Azéna oublia tous ses sentiments précédents et fixa directement son ami. Quoi qu'il allait dire, ça ne devait pas être prit à la légère.

- C'était la deuxième raison pourquoi je voulais te rencontrer Azéna, avoua le dragonnier noir. Ma mère... Elle prépare quelque chose... Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit. Elle fait bien attention que moi et Katanor nous ne sommes pas là lorsqu'elle en discute, mais j'ai entendu quelques paroles ici et là. Elle parle d'armes, de tueries, d'alliances et de guerre avec ses conseillers. Elle désirait m'utiliser moi et Shalith comme arme suprême... C'est pourquoi moi et Katanor nous sommes ici. Mais Katanor n'est qu'un gamin en dedans ; il ne comprend pas ce qui se passe.

Azéna et Arièlla hochèrent de la tête, comprenant où il désirait en venir.

- Ne le dénoncez pas, termina l'archère pour lui.

- Il serait dans la même situation que moi, confirma le prince. De toute façon... Soyez prêtes. Je vais me préparer aussi. Cette guerre va submerger Aerinda. Tôt ou tard, je n'en sais rien, mais un plan est en action. Elle est déjà en train de pénétrer subtilement les défenses des Gardiens. Divisés, nous ne sommes que idiots qui tournent en rond. Ensembles, nous sommes forts. Je vous en prie, ne croyez pas ce que le Haut Conseil pense de moi. Ma mère a tout arrangée ; elle était en colère car j'ai été faible... Je ne voulais pas faire partie de son plan... Alors, elle a essayé de me faire tuer par ceux qui comptent vraiment pour moi. C'est la cruauté typique de mon peuple.

- Ce n'est plus ton peuple à présent, lui rappela Azéna. Tu es libre. Pars, trouve-toi une nouvelle vie. On gardera contact avec toi via nos dragons; ils peuvent voyager sur de longues distances rapidement.

L'elfe se tourna vers son amoureuse et posa son front sur le sien.

- Je t'attendrais, susurra-t-il avec tendresse. C'est promis. On se reverra bientôt.

Azéna roula les yeux et détourna le regard.

- Soit prudent, lui dit la blonde.

Serfantor s'avança vers la dragonnière grise et lui offrit une expression espiègle ce qui était rare de sa part.

- Je sais que tu es en colère, mais aussi que tu m'apprécies.

- Q-quoi ? grogna l'archère en fronçant les sourcils, légèrement irritée.

- Une réaction de haine est synonyme d'amour, continua l'elfe. Sinon, tu serais indifférente.

- M-mais ! Mais ! s'exclama Azéna qui rougissais à mesure qu'elle cherchait pour une réplique mordante sans succès. Bah, va-t'en.

Elle abandonna la chasse et se croisa les bras, boudant dans son coin.

Serfantor poussa un petit rire, ébouriffa la chevelure argentée de son amie puis, il se tourna vers Arièlla.

- Je t'aime, lui dit-il avec tendresse.

- Je t'aime aussi, répondit la blonde, presqu'en ronronnement.

Il prit le visage de son amoureuse entre ses mains et d'un mouvement aussi attendri que celui d'un pirate avec son trésor, il s'approcha pour enfin poser ses lèvres sur les siennes. Ils s'embrassèrent chaleureusement pendant un long moment. Enfin, il se détacha d'elle, détala sans dire un mot puis, il fondit dans l'obscurité comme le maître de l'ombre qu'il était devenu.

Une larme rebelle coula le long de la joue rosée d'Arièlla qui était toujours sous les émotions de ce moment de passion.

- Allez on rentre, lui dit Azéna.

À son tour, comme la blonde avait fait ce matin-là pour elle, elle passa son bras autour des épaules de son amie et l'entraîna doucement vers l'académie.

- Je suis heureuse d'avoir fait ta rencontre, lui avoua Arièlla. Tu es une bonne personne.

Azéna sentit son sang surchauffé son visage. Elle opta pour l'abstinence des mots et lui offrit un sourire en coin prétentieux. Cette réaction fit rigoler la blonde ce qui était son intention.

- D'ailleurs, je te défends de m'espionner à nouveau, ajouta l'archère en donnant un petit coup amical à l'épaule de son interlocutrice.

- Pfff rêve toujours, grogna Arièlla qui répondit en la poussant. Je fais ce que je veux ! De plus, tu étais en paniques. Il fallait bien que je te surveille pour ne pas que tu te mettes les pieds où il ne faut pas comme tu as la mauvaise habitude de faire.

- Ça ne risque pas de changer !

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