Chapitre 4

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Éric monte quatre à quatre les marches du grand escalier, tellement vite que Manuel a du mal à le suivre.

- Mais attends-moi, qu’est-ce qui te prend tout à coup ? Je ne comprends rien à rien…

- Viens, suis-moi, répond Éric appuyé sur la rambarde du palier, à peine essoufflé.

Il le prend par la main. Manuel, qui depuis ces dernières heures a l’impression d’être le jouet d’événements qui le dépassent, se laisse conduire. Ils traversent un long corridor. Le parquet exhale une odeur de cire et craque sous leurs pieds. L'étage est aussi somptueux que le rez-de-chaussée. Intimidé, Manuel ralentit le pas mais déjà Éric l'entraîne dans la pièce la plus au fond du couloir.

- C’est ma chambre, enfin, c'était, dit Éric une fois la porte refermée derrière eux.

On dirait une salle de musée tant les meubles, les rideaux, les objets semblent figés dans l’époque où ils avaient une utilité, c’est-à-dire presque dix ans plus tôt.

- Oh c’est mignon ! s’extasie Manuel aussitôt attendri par la découverte de cet antre où il imagine son amoureux, enfant puis adolescent.

Mais Éric ne lui laisse pas le temps de s’approcher davantage des jeux et autres livres épars. Il l’empoigne et le plaque d’un seul mouvement contre le mur. Il ne faut pas longtemps à Manuel pour comprendre, à la pression qu’exerce son corps sur le sien, les intentions du garçon.

- Arrête, t’es pas bien, on peut pas faire ça ici, pas maintenant, chuchote Manuel en essayant de refréner la pulsion qu’il sent croître à grande vitesse chez son compagnon.

Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? Depuis le temps qu’ils se contiennent durant cet interminable repas, qu’ils font bonne figure en restant polis malgré l’envie de renverser la table et d’envoyer se faire voir sa chère famille ! Éric sait bien que c’est plus de la rage que du désir qui tend son ventre et son sexe mais, la tension accumulée depuis des heures s’est transformée en lave incandescente lui brûlant tout le corps. Il étreint encore davantage Manuel. Lui prend l’arrière du crâne en soulevant ses cheveux. Mord goulûment son cou. L’odeur de son homme, de sa peau, de sa transpiration décuple son excitation. Un frisson lui parcourt l’échine comme l’éclair de la foudre annonce l’orage.

Il sait qu’il ne devrait pas pourtant. Manuel résiste, il le sent bien. Lui, qui d’habitude s’abandonne, a les muscles tendus et les mains sur ses épaules cherchent à parer l’assaut. Il ne devrait pas, non, c’est son mec, sa tendresse quoi ! Mais Éric ne contrôle plus ni ses gestes ni sa raison. Alors, quand bien même cela revient à utiliser ce corps comme exutoire à sa colère, quand bien même il s’agit de décharger, en même temps que son foutre, sa haine et son dégoût, il va le baiser et s’il le faut, le brutaliser. Tant pis s’il le regrette après, qu’importe l’instant d’après !

Éric s’attaque furieusement au pantalon de Manuel en crochetant ses doigts entre les boutons pour les défaire d’un coup.

- Arrête, s’il te plaît, articule Manuel. Si jamais ils montent, s’ils nous trouvent là, comme ça…

Et bien qu’ils montent donc ! Oh oui, faites qu’ils montent ! Qu’ils voient leur fils en rut, un homme tout entier aimanté à un autre homme ! Qu’ils le voient enfin tel qu’il est, l’homo, le gay, le pédé ! Oui, voilà ce qu’est devenu le petit garçon qui faisait du vélo : un lécheur de cul, un suceur de bite et même bientôt un violeur ! Les boutons cèdent.

A court d’argument, Manuel repousse violemment Éric et le projette contre le rebord du lit à deux mètres de là. Un peu sonné, le garçon reste un moment immobile, la bouche ouverte, les yeux exorbités, estomaqué tel un animal à qui l’on vient de voler sa proie. Puis il s’effondre et n’est plus que sanglots.

- Pardon…, je suis désolé… je ne sais plus ce que je fais…

- C’est une sale journée, dit Manuel en prenant son visage défait entre ses mains, une putain de sale journée !

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