Arthur

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La semaine qui passe après ce fameux soir est éprouvante. Mon père m’a frappé à plusieurs reprises pour des raisons diverses et variées. Ces dernières ne valaient pas les coups brutaux qui s’en sont suivis, rien ne mérite de frapper son enfant évidemment, mais là c’était vraiment démesuré. Je pense qu’il avait surtout besoin de se défouler, et pour ça il n’a que moi, je suis son punching-ball. Il ne peut pas atteindre Louise, et encore moins Elias son fils chéri.

Tous les matins, avant d’aller à l’école, j’ai demandé à Louise de me maquiller pour que l’on ne voit pas les coups sur mon visage. Heureusement pour moi, personne n’a rien vu à l’école, ou peut-être que si, mais personne n’a rien dit.

(dessin tubes, pinceaux, etc. maquillage)

Je me suis pas mal renfermé sur moi-même avec tout ça. Déjà que je parlais peu à mes camarades de classe, mais cette semaine ça a été encore pire. Je n’ai pas participé en classe, je n’ai pas répondu quand des camarades essayaient de ma parler, etc. Ils doivent sûrement penser que je suis très malpoli, c’est le cadet de mes soucis en ce moment.

Je n’ai pas parlé non plus sur le groupe Discord aux amis que je m’étais faits. Quand ils ont vu que je ne répondais pas ils ont envoyé des messages comme quoi ils étaient inquiets, puis des messages de soutien pour me dire qu’ils étaient là si j’en avais besoin. Je leur suis reconnaissant de ne pas avoir continuer à me harceler après ça, ça n’aurait fait qu’empirer les choses.

Les seules personnes à qui j’ai continué de parler sont Louise et Damien. La première car elle est la seule à comprendre ce que je vis en ce moment, et ça fait du bien de ne pas se sentir seul dans sa propre maison. Et Damien car cela me permet de m’évader de la maison, de l’école, il est mon échappatoire.

Hier ont officiellement recommencé les temps famille, pour notre plus grand bonheur à tous. Je ne comprends pas pourquoi mon père y tient tant. Ce ne sont pas particulièrement des moments joyeux, nous avons tous des rancunes les uns envers les autres. L’ambiance n’est jamais vraiment à la fête ces dernières années.

(dessin émojis fête barrés)

Alors que quand nous étions enfants c’était le cas. Peut-être plus parce que nous jouions ensemble sans nous rendre compte des différences que nos parents faisaient entre nous. Cette histoire de temps famille est sûrement encore une histoire de contrôle, mon père sent que nous lui échappons, nous sommes presque tous majeurs, nous dépendons de moins en moins de lui, il sent que c’est bientôt la fin de tout ça.

Perdu dans mes pensées je ne vois pas le temps qui passe. La porte de ma chambre s’ouvre, mon père prend mon téléphone, la porte se referme. Pas un mot ou un regard échangé.

J’attends qu’il se soit éloigné et que je ne l’entende plus pour sortir mon autre téléphone de sa cachette. Un message de Damien m’attend déjà :

(dimanche 8 mars, 22h16)(dessin message Damien : Bonjour Angel. Écoute, je m’inquiète vraiment pour toi. Tu parais plus distant, moins expressif, en ce moment. Tu es sûr que ça va ?)

Il ne me connaît que trop bien. Je savais que l’excuse de la fatigue ne pourrait pas tenir bien longtemps. Je lui dois la vérité. Mais comment m’y prendre ? Je ne veux pas l’inquiéter outre mesure, et surtout, je ne veux pas que d’autres personnes soient au courant. J’ai peur qu’il me force à en parler aux autorités, ce qui me mettrait encore plus dans la panade avec mon père.

Je le connais moi aussi, il ne va pas faire ça, il ne me forcera jamais à faire quelque chose que je ne veux pas faire. Après encore quelques minutes de réflexion, et de préparation par rapport à sa réaction, je me lance.

(22h36)(dessin message Angel : Salut Dam. Tu as raison, ça ne va pas fort en ce moment. Je dois t’avouer quelque chose et ça ne va pas être facile. En rentrant samedi, après notre première rencontre, mon père m’a frappé. Pour tout te dire, ce n’était pas la première fois. (Je vais t’expliquer ça en plusieurs messages, ne m’interromps pas s’il te plaît).

Les messages qui suivent ne sont pas faciles à écrire. Je lui dis tout, absolument tout. Je ne veux plus rien lui cacher. Il est une des personnes qui comptent le plus pour moi en ce moment.

Il ne répond pas. Pourquoi il ne répond pas ? La panique s’empare de moi, la peur l’accompagne. Et s’il ne voulait plus me parler ? Mon corps entier se met à trembler, j’ai envie de hurler, de pleurer. Et si ces messages avaient tout ruiner ?

(22h51)(dessin message Damien : Je n’en reviens pas que tu ne m’en parles que maintenant…

Tu ne peux pas espérer me dire ça et que je ne fasse rien ensuite. Tu ne peux pas rester comme ça, ça va continuer, et ça… Ça ce n’est pas possible)

Je fonds en larmes et tremble de plus belle. Il m’en veut… Je vais le perdre…

Ma porte de chambre s’ouvre, je sursaute. Ce n’est que ma sœur qui a dû être alertée par mes pleurs. En voyant mes larmes elle se précipite vers moi et me demande d’un geste si elle peut me prendre dans ses bras et je hoche la tête.

J’apprécie qu’elle ne dise rien, qu’elle attende que je parle. Je desserre notre étreinte et répond à Damien avant qu’il ne soit l’heure que je rende mon téléphone.

(22h55)(dessin message Angel : Désolé…

Je sais que ce n’est pas bon pour moi de rester dans cet environnement. Mais je ne peux pas partir, je ne peux pas le dénoncer, ce serait encore pire pour moi après.)

J’ai déjà pensé à le dénoncer. Mais et si, faute de preuves, on me renvoie chez lui et qu’il s’en prend encore plus à moi ? Non, ce n’est pas envisageable. La seule chose à faire c’est d’attendre mes 18 ans en essayant de faire le moins de vagues possible.

Il ne répond pas. Il s’est déconnecté.

Je n’aurais jamais pensé que lui avouer cela aurait fini comme ça. Sa réaction est à l’opposé de ce que j’imaginais. Il m’en veut, il est en colère.

C’est peut-être la fin de notre amitié.

En silence, des larmes roulent sur les joues. Louise essaye de m’aider du mieux qu’elle peut, mais elle doit retourner dans sa chambre, il ne faut pas que mon père la trouve avec moi.

Ce soir-là, je m’endors difficilement. J’ai l’impression d’avoir brisé quelques choses avec ces quelques paroles.

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