L’appréhension a envahi tout mon corps, mes mains sont moites, j’ai n’ai de cesse de les essuyer sur mon pantalon mais cela ne change rien. La chaise sur laquelle je suis assis grince à chaque mouvement que je fais, je dois me forcer pour ne pas bouger dans tous les sens.

Pile à l’heure ma psychologue, Mme Salazar, passe la tête par la porte et m’appelle. Cela faisait dix minutes que j’attendais car je suis arrivé en avance, pensant que cela me permettrait de me préparer psychologiquement au rendez-vous, mais je pense que cela n’a fait qu’augmenter mon stress. Je ne sais pas pourquoi il est aussi haut, je suis déjà venu ici à de nombreuses reprises, je connais les lieux, comment se déroule la séance, etc.

– Entre et assieds-toi je t’en prie, me dit-elle quand nous entrons dans son bureau.

Je m’assois donc sur le canapé gris pendant qu’elle s’assoit sur le fauteuil vert en face. La discussion commence doucement, elle me demande ce qu’il s’est passé depuis la dernière fois qu’on s’est vus, je lui parle du lycée, du bénévolat, du groupe sur Discord, etc.

– Ok, maintenant qu’on a fait le point, qu’est-ce qui t’a amené à prendre rendez-vous aujourd’hui ?

Là je lui parle de tout ce qui ne va pas en ce moment, entre le sommeil, les pensées incessantes, etc. Elle m’écoute attentivement comme elle le fait toujours et me donne des conseils pour éviter de me surmener, car c’est ce qui me guette.

Je passe la porte de la clinique et me retrouve dans la rue, je me sens déjà mieux, plus léger, j’ai l’esprit un peu plus tranquille sachant que quelqu’un va m’aider. Il est prévu que nous ayons rendez-vous tous les lundis jusqu’au moment où j’estimerais que je n’en ai plus besoin.

A peine ai-je passé la porte de chez moi que je mets en application un des conseils qu’elle m’a donné. Ce dernier étant de prendre une heure, ou plus si j’en ressens le besoin, pour moi par jour. Heure pendant laquelle je ne dois pas faire mes devoirs ni m’occuper de ce qu’il se passe sur le groupe, et c’est encore mieux si je ne suis devant aucun écran.

(dessin heure tranquille)

Les possibilités sont infinis, je pourrais jouer à des jeux de société avec ma mère, faire n’importe quelle activité manuelle ou créative, sortir avec mon chien.

Mais aujourd’hui, je décide de lire. Cela fait vraiment trop longtemps que je n’ai pas pris de temps pour me plonger dans un bon bouquin et en ressortir la tête envahie d’images qui font rêver. Tori profite du fait que je me pose pour s’étaler sur moi et ne plus bouger pendant une heure.

Durant le dîner je parle à ma mère de comment s’est passé le rendez-vous avec ma psychologue et du fait que je vais continuer à y aller tous les lundis jusqu’à ce que je sente que je n’en ai plus besoin. Quelque chose me tracasse un peu mais j’hésite à lui demander.

– Maman, tu es sûre qu’au niveau de l’argent tu auras ce qu’il faut pour payer les consultations ? je me lance enfin. Sinon on peut trouver une solution, je pourrais y aller moins souvent ou…

– Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça mon ange, me coupe-t-elle. Ce qui compte c’est que tu ailles bien, ne pense pas à l’argent, d’accord ?

J’insiste quelques minutes car je sais que quand on a des problèmes d’argent elle ne m’en parle pas pour ne pas m’inquiéter. Elle continue de me rassurer et de me dire de ne pas m’inquiéter, je sens que je n’aurais pas plus d’informations alors j’arrête.

Les épisodes de notre série regardés nous nous dirigeons chacun dans notre chambre. Je reprends mon téléphone que j’avais délaissé quelques heures et je remarque qu’ un message d’Angel est arrivé.

(lundi 27 janvier, 22h31)(dessin message Angel : Salut ! J’ai été faire le dépistage avec ma sœur aujourd’hui et tout s’est passé comme tu me l’avais décrit, encore merci !!

Et les résultats sont négatifs, je n’ai rien ^^)

Je suis vraiment soulagé qu’il n’ait rien, et je lui dis.

(22h35)(dessin message Angel : Quand on est arrivé j’étais très stressée mais la personne qui s’est occupée de moi a été très compréhensive et rassurante donc ça a été ^^ C’est au moment d’attendre les résultats que ça a été le plus stressant >< mais heureusement j’avais ma sœur avec moi :3)

C’est impressionnant le nombre de smileys qu’il arrive à mettre dans un seul message. Ses messages transpirent les émotions qu’il a eues en les écrivant. Heureusement qu’ils sont faits à partir de signes de ponctuation sinon je crois que cela m’aurait vraiment rebuté pour parler avec lui.

(dessin nuage smileys)

Un second message de sa part apparaît, il me demande comment s’est passée ma journée. Je ne m’attendais pas à ce que l’on parle de moi mais je lui réponds quand même et lui retourne la question.

(22h38)(dessin message Angel : Aujourd’hui a été une banale journée de cours, tous aussi ennuyeux les uns que les autres ><)

(22h39)(dessin message Damien : Oh, alors comme ça tu n’aimes pas les cours ?)

(22h41)(dessin message Angel : Disons plutôt que la façon dont on nous enseigne ne me plaît pas particulièrement ^^’’)

(22h42)(dessin message Damien : Je vois, je comprends ton point de vue. Qu’est-ce qui te semblerait plus adéquat ?)

Ce soir-là, la discussion s’enchaîne naturellement, comme tous les soirs suivant. Nous parlons principalement de nos journées, de nos goûts, etc. Nous restons plutôt sur des sujets classiques. Mais ce n’est pas pour autant que ces conversations ne sont pas plaisantes.

J’ai l’impression qu’inconsciemment nous évitions les sujets plus « tendus » disons. Nous ne connaissons de l’autre que des petites choses, nous ne parlons pas de nos familles ou de nos amis par exemple. Par contre je sais que sa couleur préférée est le vert. Pour l’instant ce n’est pas dérangeant, que nous n’en parlions pas, c’est même très agréable, mais plus tard ce sera un frein si l’on veut vraiment être amis.

Les rendez-vous avec ma psychologues continuent eux aussi. Nous nous voyons tous les lundis comme il y a quelques mois. Je continue d’appliquer ces conseils, et j’espère bientôt ne plus avoir à y retourner. Non pas que je ne l’aime pas ou que je n’aime pas nos séances, j’ai juste hâte de me sentir assez serein pour pouvoir m’en passer. Ce serait un grand pas en avant.

A côté de cela, le bénévolat, autant au centre que sur le groupe, continue. J’aime vraiment ce que j’arrive à faire pour aider les autres. Je commence à me dire que, peut-être, plus tard j’aimerais faire un métier avec la même objectif : aider les autres. Reste à savoir quoi car c’est plutôt vague pour l’instant, mais j’ai encore tout le temps d’y réfléchir.

Cette routine, qui, je dois bien l’avouer, me plaît bien, dure quelques semaines. J’ai l’impression que tout est à sa place. Certes rien n’est parfait, car cela est impossible, mais je fais tout pour cela se passe le mieux possible. Et surtout, je ne suis pas seul, je suis bien entouré, et cela jour beaucoup sur cette impression de bonheur, si je puis me permettre de dire cela.