Chapitre 13 : Treizième

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Quand Joshua se réveille, il a le visage chiffonné et la bouche pâteuse. Et il rêve d'un grand verre d'eau fraîche. La sieste lui a fait du bien mais il a du mal à émerger. Tel un chat paresseux, il s'étire et baille à s'en décrocher la mâchoire, usant de tout l'espace que le grand lit lui offre. Le confort de la couette épaisse le fait sourire de satisfaction. Ce n'est pas grand chose, mais la sensation est la bienvenue et le réchauffe. Enfin, il ouvre les yeux.

— Eh bien, on dirait que tu en avais bien besoin, mon coeur !

Joshua sursaute et manque de tomber du lit. Puis il reconnaît Kanmada. La vieille femme est debout devant lui et lui tend un grand verre d'eau fraîche. Il accepte l'offrande avec gratitude et la boit d'un trait.

— J'ai... j'ai dormi longtemps ? demande-t-il en posant le verre sur sa table de nuit.

— Une bonne partie de la journée. Il est bientôt dix huit heures, répond Kan. Elle s'assied sur le lit et passe la main dans les cheveux en bataille du garçon.

— Tu veux venir avec moi au potager ? Il nous faut des légumes pour le repas de ce soir.

Joshua sent que son corps ne veut pas. Il veut rester au chaud. Dans le silence et l'absence de stimuli. Mais le garçon acquiesce et se lève difficilement, la tête dans le brouillard. Kanmada le laisse reprendre vie et descend au premier étage. Quelques minutes plus tard, Joshua a enfilé ses chaussures neuves et la rejoint au rez-de-chaussée, les cheveux en bataille. Udo est debout devant une vieille télévision cathodique et passe d'une chaîne à l'autre. Joshua remarque qu'il ne regarde que des journaux télévisés. En anglais, français, allemand et maintes autres langues que son cerveau traduit automatiquement.

— Je scrute les infos pour voir s'ils parlent des monstres, dit-il à Joshua en s'enfonçant encore un peu plus dans son canapé.

— C'est comme ça que vous décidez où aller pour vos... missions ? demande Joshua.

— Oui, mais nous avons aussi des éclaireurs pour cela. Ils observent les mouvements des alterbiotes et nous renseignent régulièrement.

— Est-ce qu'ils ont parlé de l'hôpital ? demande le garçon en espérant de bonnes nouvelles.

Udo fait non de la tête. Kanmada appelle Joshua et l'invite à sortir de la maison avec elle. Joshua la suit. Ils marchent tranquillement jusqu'au potager en face de chez Tara. Un homme et une petite fille les accueillent en souriant.

— Voici Friedrich et sa fille, Penelope. Ils ont l'un des deux potagers du village, explique Kanmada.

Joshua les salue et Friedrich lui tend un panier en osier. Ensemble, ils font le tour du propriétaire. Séparé en une vingtaine de compartiments carrés, le potager regorge de laitues, carottes, plants de tomates et autres. Une variété impressionnante, mais Joshua remarque qu'il n'y a qu'un seul exemplaire de chaque plante. Un peu juste pour nourrir tout un village. Peut-être le second potager est-il bien plus grand, se dit-il. Il écoute Friedrich parler des terres d'Eigenlicht, rendues très fertiles grâce aux fientes de cocatrice.

— C'est quoi, une cocatrice ? demande Joshua, imaginant une espèce de coq ou dindon.

— C'est ça ! répond Penelope en pointant du doigt un arbre qui surplombe le potager.

Joshua lève les yeux. Il les baisse aussitôt, soudainement pris d'une envie de s'enfuir quand il reconnaît la créature. Calcatrix ichneumon, un mythobiote commun alpha. Inoffensif, mais terrifiant. Joshua se souvient que Lézard avait une petite peluche à l'effigie du monstre. Il avait toujours trouvé qu'avec sa tête de poule, son corps de serpent et ses ailes de chauve-souris, la bête avait l'air risible. Il n'avait jamais manqué de s'en moquer à chaque fois qu'il avait posé l'œil dessus.

Mais là, en présence de l'animal - bien plus gros qu'il ne l'avait imaginé - Joshua fait moins le malin. La créature est enroulée autour des branches de l'arbre qui semble montrer des signes de fatigue. Elle doit mesurer au moins dix mètres, estime Joshua en essayant de ne pas céder à la panique. Comment les habitants de ce village de fous peuvent-ils vivre tranquillement avec toutes ces monstruosités dans les parages ? La vision du corps écailleux, presque aussi épais qu'un crocodile, le fait frissonner.

— C'est le bébé de Lidérc, continue Penelope.

Un bébé ?! Joshua manque de faillir en imaginant la taille de la créature qui a donné naissance à... ça.

Kanmada s'approche de lui et lui explique que la cocatrice est inoffensive. Elle protège même le village d'autres alterbiotes un peu trop curieux. Mais Joshua ne se sent pas du tout rassuré.

— Bon, nous avons besoin d'une cinquantaine de tomates pour ce soir, une bonne dizaine de kilos de carottes, des choux, des céleris et quelques topinambours. Joshua, tu es en charge des tomates, annonce Friedrich en lui montrant du doigt le plant de tomates.

Une cinquantaine de tomates, la mission n'est pas très compliquée. Sauf que Joshua ne voit qu'un seul plant. Il compte les tomates. Il n'y en a que douze. Il les cueille rapidement et cherche dans les autres carrés de culture quelque chose qui ressemble à de la tomate. Mais il ne trouve rien. Il décide de faire demi-tour et de retourner à son plant. Peut-être a-t-il mal regardé et que des coquines se cachent sous ses feuilles. Il y arrive et le voit recouvert de tomates. Comme il y a encore quelques minutes. Il s'approche, étonné, et scrute. Sentant qu'il s'agit encore très certainement d'un truc magique bizarre, il cueille une tomate et attend quelques secondes. Devant ses yeux, le pédoncule allégé de son fruit frétille. Les étamines se rétractent, puis s'ouvrent, et laissent apparaître une petite boule toute verte qui rougit au fur et à mesure qu'elle grossit. Quelques secondes plus tard, une tomate adulte, lourde et ferme, est prête à se faire cueillir.

— Pas mal, hein ? dit Udo à travers le grillage qui le sépare du potager.

Accompagné de Tara-la-guérisseuse, qui porte un gros panier plein de fleurs, il pointe du nez le plant de tomate.

— Ca, c'est une de mes créations, dit-il en faisant un clin d'œil.

— Ça crée des tomates à l'infini ? s'étonne Joshua.

— Tant qu'il a de quoi se nourrir. D'où la nécessité de la cocatrice pour bien fertiliser la terre, lui explique Tara.

— J'espère qu'elle n'a pas besoin de trop de nourriture, sinon ce n'est pas vraiment rentable, remarque le garçon.

— Non, juste un ou deux enfants par mois, répond Udo.

Tara lui tape l'épaule et soupire, exaspérée. Elle sermonne le grand blond et rassure Joshua que la cocatrice ne mange pas d'enfants.

— Et... Vous avez quelque chose contre les tomates normales ? demande Joshua.

Udo le regarde, interrogatif. Joshua continue.

— Vous pourriez avoir de grands champs de vraies tomates, comme partout dans le monde, sans avoir à créer des plantes magiques... Et du coup, vous auriez pas besoin de cette... chose, dit-il en regardant le monstre dans l'arbre.

— Ah... Et toi ? Tu as quelque chose contre mes tomates ? Tu penses qu'elles sont moins importantes que les normales ? demande le grand blond. Il croise les bras. Dans cette position, ses avant-bras semblent si épais que Joshua estime qu'Udo pourrait le soulever et le briser en deux sans faire trop d'efforts.

— Non, non, se défend Joshua, embarrassé d'avoir vexé le grand blond. Je suis sûr qu'elles sont très bien et je... euh, je voulais dire que...

— Toi, tu vas finir changé en pierre par la cocatrice, décide Udo.

— Quoi ?! Elle... elle peut faire ça ?!!

Joshua prend peur mais Udo se met à rire. Tara lui tape de nouveau l'épaule puis s'adresse à Joshua.

— Non, elle ne peut plus changer les gens en pierre en les regardant, je l'ai légèrement modifiée, le rassure-t-elle. Mais pour en revenir à nos tomates : tu sais, nos villages sont cachés des yeux du monde pour... de nombreuses raisons. On ne peut pas vraiment avoir de grands champs, ça attirerait trop l'attention. Du coup, tous ensemble, nous avons développé des moyens de subvenir aux besoins des villages en prenant le moins de place possible. Et en utilisant ce que la nature nous a donné, comme cette fascinante créature. Est-ce que tu savais que ses excréments contiennent une quantité hors du commun de nitrogène, de phosphate et de potassium ? Ce sont des nutriments clés pour la fertilisation des terres !

— Ah... euh non, je savais pas..., répond Joshua. Il a envie de lui dire qu'il existe des fertilisants industriels qui fonctionnent aussi bien, mais il se retient.

— On peut aussi faire de la poudre à canon avec, si un jour tu as besoin d'envahir un pays, ajoute Udo. Tara confirme en hochant la tête.

Un petit bruissement se fait entendre et Udo, soudainement excité, pointe du doigt une plante bien plus grande que les autres.

— Oh, regardez !! Friedrich, Joshua, un agneau va éclore ! dit Udo.

Joshua tourne la tête. Il cherche des yeux quelque chose qui ressemblerait à un agneau mais il ne voit que les plantes bien rangées dans leurs carrés de culture. Penelope pousse un petit cri de joie et lâche son panier. Elle sautille jusqu'à une grande plante au bout du potager. Haute comme un homme, celle-ci se sépare en son sommet en six bourgeons gros comme des ballons. Ils semblent bien lourds et penchent vers le sol. Joshua remarque que l'un d'eux bouge. Imitant Kan et Friedrich, il s'approche mais reste à distance. On ne sait jamais.

Le bourgeon s'ouvre alors. Joshua sursaute et regarde avec horreur une masse lourde s'en extraire et tomber au sol avec un bruit visqueux. Un petit agneau, recouvert de mucus vert, tremble et bêle. Friedrich le prend délicatement dans ses mains. Avec une moue de jeune papa, il le montre à sa fille qui demande à le porter, enchantée. Udo, Tara et Kan sont en pâmoison, Joshua est épouvanté. Le garçon recule sans quitter des yeux l'horreur végétale qui vient de mettre bas d'un agneau.

— J'ai envie de leur demander s'ils veulent le garder, dit Tara. Puis elle s'adresse à Joshua. Les agneaux de Tartarie sont de fascinantes créatures qui font de très bons animaux de compagnie.

— Agneaux de Tartarie ? Pourquoi ça s'appelle comme ça ? Vous... en faites des tartares ? demande Joshua en se souvenant de ce que mangeaient ses parents. Djam avait vu juste avec son alter-charcuterie, la bougre.

— Oui, et ils ont un délicieux goût d'eucalyptus. Comme les koalas ! ajoute Udo en faisant un clin d'œil à Joshua, atterré par l'idée de manger une de ces choses.

— N'importe quoi, dit Tara. Ils s'appellent comme ça car on les trouvait en Tartarie, c'est tout.

— C'est où, ça ? demande Joshua.

— C'est... un peu plus à l'Est, dit Tara avec un petit mouvement de main vague dirigé vers ce que Joshua suppose être l'Est.

La réponse n'est pas aussi précise que ce à quoi l'a habitué Tara en seulement quelques heures. Joshua prend note.

— Et toi, Udo, arrête de raconter n'importe quoi. Joshua, tu vas devoir apprendre à naviguer dans les mensonges de ce grand idiot. Bon courage, beaucoup d'entre nous n'y arrivent toujours pas, dit-elle en reprenant son chemin.

Joshua lui fait un signe de main alors qu'elle s'éloigne. Décidé à ne pas rester dans ce potager infernal plus longtemps, il se dirige vers le plant de tomates pour terminer sa tâche. Il cueille les tomates, attend que de nouvelles se reforment et ce jusqu'à obtenir les cinquante exigées par Friedrich. Sa rigueur ne passe pas inaperçue et la cueillette reprend. L'agneau est laissé aux soins de Penelope.

De longues minutes plus tard, Joshua et Kanmada - chargés comme des mules - se dirigent vers le marché couvert au nord de la place.

— Nous l'appelons la Salle du Serpent, explique Kanmada. Nous y mangeons ensemble tous les soirs. C'est une tradition que nous avons depuis bien longtemps. Hertha - la grande blonde que tu as vue quand on est arrivés au village toute à l'heure - s'occupe du repas mais chacun doit aider à sa façon. Soit en cuisinant avec elle, soit en lui ramenant des ingrédients...

Joshua écoute, faisant le deuil d'un repas tranquille au calme chez Udo. Il commence à entendre la rumeur qui provient de la salle du Serpent.

— Mon cœur, je voulais d'abord te parler de quelque chose, dit Kanmada en ralentissant. J'ai repensé à notre conversation de ce matin, sur le parking de la station essence. Et j'aimerais t'offrir un rêve.

— Un rêve ? C'est-à-dire ?

— Un rêve dans lequel tu pourras revoir ta famille, pour leur dire adieu.

Joshua sent son coeur se serrer et s'arrête.

— Je... Je ne comprends pas...

Kanmada s'arrête à son tour et pose son lourd panier sur le sol pavé. Joshua fait de même.

— Laisse-moi te montrer, dit-elle en lui attrapant les mains délicatement.

Joshua se sent alors tomber. Empli d'une sensation de vertige trop puissante à son goût, il ferme les yeux et endure la chute. Puis tout se fige. Hésitant, il ouvre un œil et regarde autour de lui. Il est dans sa chambre. Sa chambre en Normandie. Avec son lit, son bureau, ses posters. Par réflexe, il regarde ses mains. Elles se déforment lentement, semblant enfler et se rétracter tout en restant immobiles. Il se touche le visage et ses sensations sont timides. Étouffées. Tout lui paraît fragile. Joshua a l'impression que le monde qui l'entoure à ce moment précis pourrait s'effondrer au moindre déséquilibre.

— Ariane ! Jo !

Une voix sourde au rez-de-chaussée. Joshua la reconnaît. C'est celle de son père.

— On passe à table ! ajoute sa mère.

Joshua entend des bruits de pas qui résonnent. Des petits pas précipités. Ce sont ceux d'Ariane. Elle sort de sa chambre. Pour descendre par l'escalier, elle doit passer devant la chambre de Joshua. Il l'entend arriver. Il va la voir. Il va la voir passer...

— Un rêve comme ça, dit Kanmada. La chambre de Normandie a laissé place à la rue et le cœur de Joshua bat la chamade.

— Pour revivre un souvenir. Uniquement une situation que tu as déjà vécue. Quand tu seras prêt.

Joshua, encore étourdi par la proposition, tente de se calmer. Il pourrait revoir sa famille une dernière fois ? Vraiment ? Et Karim ? Djam ? Peut-être même ses camarades de classe et Monsieur Bataille ? Le temps d'un souvenir... Joshua se frotte les yeux. Tout était nébuleux mais en même temps tellement réaliste dans ce qu'il vient de voir. Kanmada lui sourit et ils reprennent leur marche.

— Profites-en avant que je t'immunise, dit-elle alors.

Joshua le regarde, interrogatif. Kanmada explique :

— Tous les autres sont immunisés à ma bia. J'ai rendu leurs esprits insondables. Pour des raisons de confiance. Pour l'Unité. Je veux que personne ne se sente menacé à cause de ce que je peux faire. C'est pour ça qu'hier soir à l'hôpital, seul Eono a pu entrer dans ta chambre. Insensible à mes rêves, il était le seul à voir la porte de ta chambre.

— Et... quand est-ce que tu vas le faire ? demande Joshua, car je t'avoue que l'idée que quelqu'un fouille dans ma tête ne me plaît pas forcément...

Et ossi, tu riske de voar toute lé fote dortograf que jeu fait quant je panse, pense-t-il très fort en espérant que Kan captera le message. Kanmada pouffe de rire et le regarde en souriant.

— Quand tu seras prêt.

— Prêt à quoi ? demande Joshua, peu satisfait de cette réponse.

— Prêt à dire au revoir. Prêt à devenir la personne que tu dois devenir, répond la vieille femme, soudainement cérémonieuse. Tu es un porteur de bia, mon coeur. Tu as désormais une responsabilité envers le monde qui t'entoure. Tu es jeune, il est encore temps de reconstruire les bases de ta sagesse. Tu vas devoir apprendre à n'être qu'un œil. Être témoin sans chercher. Exister sans vouloir. Respirer sans t'opposer. Ce sera la base de ton enseignement lorsque nous serons sur Mésonimbé.

— Je... j'ai rien compris..., dit Joshua.

— Les bias qui sont en toi demandent un contrôle absolu des émotions. Je parle ici de désir éduqué.

— D'accord, d'accord, s'impatiente Joshua. Mais on peut pas commencer plus tôt ? J'ai plein de questions sur les bias, sur les monstres, sur les villages... J'aimerais savoir combien de personnes ont une bia, et pourquoi moi j'en ai une alors que j'ai absolument rien demandé à personne et...

— Je ne vais pas te demander de faire preuve de patience, le coupe Kanmada. Mais plutôt de confiance. Je vais t'apporter les réponses. Certaines viendront bientôt, d'autres plus tard, mais elles viendront toutes. Et à l'aide de chacune de ces réponses, tu construiras Joshua.

Joshua acquiesce silencieusement. Mais il se sent frustré. Il veut les réponses. Maintenant. Ou alors une seule.

— Ils viennent d'où, les monstres ? demande-t-il alors.

— Il me semble avoir déjà répondu à cette question, répond Kanmada.

— Faux.

La vieille femme regarde le garçon. Joshua ne veut plus attendre. Il veut qu'on lui réponde. Sa vie est un chaos depuis l'accident avec l'Undamortis et il a besoin d'un semblant d'explications.

— Ils viennent d'ici. De la Zone.

— C'est pas ce que je voulais dire. Pourquoi la Collision a eu lieu ?! insiste Joshua.

— Tu veux courir avant même d'avoir appris à marcher, mon coeur.

— Non, je veux savoir ! Je veux juste savoir pourquoi le monstre qui m'a enlevé ma famille existait !

Kanmada s'arrête. Joshua fait de même. Il sent son coeur battre fort dans sa poitrine et le regard doux de la vieille femme lui caresser le visage.

— Joshua... La Collision est le résultat d'un conflit.

— Tu veux dire... une guerre ?

— On peut voir ça comme ça. Une guerre entre des forces autrefois sœurs. Une guerre qui a vu la mort et la tristesse. Une guerre qui a brisé l'unité et...

Kanmada ne termine pas sa phrase. Ses yeux s'emplissent de larmes et Joshua s'en veut presque d'avoir été si insistant. Mais il avait besoin de savoir.

— Merci de m'avoir répondu, dit-il doucement.

— Je te promets que tu en sauras bien plus très bientôt, mon coeur. Tu es l'un des nôtres désormais et nos connaissances sont les tiennes.

Kanmada essuie ses larmes puis revêt son sourire doux. Elle tend le bras à Joshua.

— On y va ? Le festin nous attend.

Joshua acquiesce et lui prend le bras. Ils marchent silencieusement. Joshua se sent satisfait d'avoir enfin eu un fragment de réponse. Et triste. Il s'est passé quelque chose de grave qui a beaucoup affecté Kanmada.

Quelques instants plus tard, ils ont fini de traverser la place et arrivent à la salle couverte. Hertha semble ravie de les voir. Elle les débarrasse de leurs paniers et observe d'un œil réjoui les victuailles. Kanmada s'éclipse et libère Joshua, qui décide de visiter les lieux. La salle, ouverte sur la rue, est très grande et délimitée par de grosses poutres de bois qui soutiennent un toit de chaume. Le bâtiment n'a pas l'air d'appartenir à la même époque que les maisons et Joshua trouve dommage qu'il n'ait pas de poutres apparentes, une caractéristique du village qu'il trouve très esthétique. Il se laisse guider par les odeurs et arrive à la cuisine. Il prend soin de ne pas gêner le passage des villageois qui transitent entre les fours et les poêles, revêtus de tabliers et de bonne humeur. Dans la salle du festin, il y a foule. Peut-être une soixantaine de personnes, estime Joshua en laissant ses yeux passer d'un visage à l'autre, toutes affairées autour d'une table des plus étranges. Joshua se met sur la pointe des pieds pour essayer de la voir en entier et il se rend compte qu'elle est en forme de serpent.

— Ah... la salle du serpent... comprend-il alors.

Composé de plusieurs tables plus ou moins courbées, les virages du serpent de bois s'étalent sur toute la surface de la salle. De chaque côté, un ensemble de bancs en bois - courbés eux aussi - s'apprêtent à accueillir de nombreux derrières de tout âge. Joshua, intimidé par la foule, cherche des yeux l'un des trois visages qu'il connaît mais ne les voit pas. Il continue de faire le tour de la salle. Alors que la partie sud donne sur la place centrale, la partie nord donne sur un jardin fermé, partagé avec deux maisons. Une maison sombre sur la droite, et la maison d'Udo sur la gauche. Au fond, les arbres denses de la forêt lui bloquent la vue mais il remarque une colonne de fumée un peu plus loin et en conclut qu'il y a d'autres maisons dans cette direction. Il se demande aussi qui peut bien allumer sa cheminée alors qu'il fait si bon, mais c'est un mystère pour un autre jour.

Il est rejoint par Kanmada qui pointe du doigt Juni, assise entre un jeune homme et une place vide.

— Va t'installer à côté d'elle, dit-elle en le dirigeant vers la jeune femme. Il s'excuse auprès des gens qu'il bouscule et arrive jusqu'à Juni. La jeune femme est perdue dans ses pensées, un pied posé sur le banc et l'autre par terre, et enlace son genou. Elle a l'air exténuée et Joshua se demande si elle a encore été malade durant la journée. Elle le remarque alors qu'il est juste à côté de lui, lui sourit faiblement et s'écarte un peu pour qu'il puisse enjamber le banc et s'asseoir. Juni pose le pied au sol et les mains sur la table. Elle regarde les gens s'installer.

— On est beaucoup. Tout le monde est là ? demande Joshua pour éviter un silence gênant.

— Normalement, tout le village est présent, répond Juni en tendant le cou pour compter les invités. Sauf Siwen. Elle était partie avec son escadron mais ils sont revenus sans elle. Elle fait souvent ça...

— C'est qui, Siwen ?

— C'est l'une des nôtres, notre espionne en chef, à la tête des éclaireurs. Et tu vas voir, c'est une vraie pète-cou..., intervient Udo en s'asseyant en face de sa fille. Il ne termine pas sa phrase, foudroyé du regard par une femme, accompagnée de deux petits enfants, lui faisant face.

Joshua ricane et regarde ce qu'il se passe autour de lui. Les gens qui sourient et parlent fort. Les plats qui commencent à arriver, apportés par une ribambelle de villageois, dont Tara. Les enfants qui ont du mal à garder les fesses sur leur siège. Plus loin, Joshua remarque deux petites filles en train de jouer aux billes. Mais les billes lévitent autour d'une bille plus grosse en ellipses plus ou moins serrées. A l'aide de pichenettes parfois maîtrisées, elles tentent de rapprocher le plus possible leurs billes de celle du centre, sans la toucher. Les sphères en orbite rappellent à Joshua un petit système solaire.

— Stylé, murmure-t-il en se demandant si tous les villageois ont des dons particuliers.

Son regard balaye la foule et il remarque deux hommes se passer des plats en les faisant glisser à distance sur la table. Télékinésie. Là, une femme allume un vieux poêle en plaçant ses mains sur des bûches qui prennent aussitôt feu. Pyrokinésie. Et au fond, une vieille dame soulève un énorme tonneau comme s'il était plus léger qu'une plume. Force surhumaine. Un frisson d'excitation emplit le garçon. Il se sent comme dans un film de super héros. Une délicieuse odeur salée le fait sortir de ses pensées. Sur la table, on vient de poser de nombreux plats. Des délices qui font gargouiller l'estomac du garçon, en manque d'aliments de qualité depuis plusieurs jours.

— Bon appétit tout le monde, dit Hertha en posant des cruches d'eau et de jus entre chaque plat.

Juni se sert un verre de jus et attrape un plat de légumes fumants. Joshua hésite entre un ragoût raffiné à l'odeur enivrante sur sa gauche ou des burgers faits maison sur sa droite. L'hésitation est courte et il prend un hamburger qu'il croque aussitôt. La viande est cuite à la perfection et la sauce est divine. Il laisse échapper un râle de bonheur.

— Excellent choix, Joshua, lui crie Udo. Sa voix est forte mais elle peine à couvrir le bruit ambiant. C'est un steak de Yéti assaisonné au cumin, avec un petit peu de fond de veau pour la saveur.

Joshua arrête de mâcher et regarde, catastrophé, son morceau de viande entamé. Il ne sait pas s'il doit avaler par politesse ou recracher par dégoût.

— Udo... Tu sais, je t'adore car tu es mon grand frère, mais si tu pouvais arrêter de dire des mensonges, je pense que je t'adorerai encore plus ! se plaint Tara, assise un peu plus loin.

— Impossible, tu m'adores déjà au maximum ! rit Udo.

— Vous... Êtes frères et sœurs ? demande Joshua, cherchant une ressemblance entre les deux adultes. Sa bouche contient encore le morceau de viande dont il ne sait pas quoi faire. Il décide de le ranger quelque part entre ses dents et sa joue.

— Pendant très longtemps, nous aimions nous considérer comme frères et sœurs entre porteurs de bia, lui explique Tara.

— Même si Kan a plutôt l'âge d'être notre mère ! plaisante Udo, une chope de bière presque entièrement vidée à la main. Kanmada, sans dire un mot, roule une serviette en boule et la lui lance à la figure. La tablée se noie dans le rire.

— Frères et soeurs... Mais Udo et Lalima ont eu un enfant... souligne Joshua, en espérant que les autres comprennent où il veut en venir.

— Oui, c'est exactement la raison pour laquelle nous avons arrêté de nous appeler ainsi, dit Tara. Mais les habitudes meurent difficilement.

— Et surtout, à la fin je ne savais plus si devais appeler Juni ma fille ou ma soeur ! ajoute Udo.

Sa remarque est de nouveau accueillie par des rires et il croque dans un hamburger. Il regarde Joshua hésiter à continuer de manger.

— Alors, ça te plait, la viande de Yeti ?

Joshua acquiesce poliment mais songe à recracher le morceau qui traîne dans sa bouche depuis plusieurs minutes.

— L'écoute pas, c'est du bœuf. Personne ne mange de Yéti, leur viande n'est pas très bonne, lui précise Juni.

Joshua la regarde, en proie au doute. Juni lui fait un petit signe de tête insistant et il avale sa bouchée.

— Il adore raconter n'importe quoi, lui dit Juni en croquant dans une cuisse de poulet. Ou de petit dragon. A ce stade là, Joshua ne sait plus quoi croire ou penser.

— Ouais, vous dites tous ça parce que vous êtes jaloux de mes excellentes blagues, se pavane Udo. Tiens, d'ailleurs, j'en ai une pour toi, Joshua.

Le garçon se redresse et écoute.

— Ça donne quoi quand on croise un porc et une plante ?

Joshua fronce les sourcils et réfléchit. C'est le genre de truc que dirait Karim. Un porc et une plante...

— Ça donne un cochon-tige ! se met à rire Udo.

Une demi-douzaine de râles d'exaspération se font entendre et Juni cache son visage dans ses mains, morte de honte. La bière et l'hydromel aidant, les rires du grand blond infectent le reste de la tablée et tout le monde finit par rire. Joshua les imite et croque dans son hamburger en prenant soin de ne pas s'étouffer.

— Vous avez vraiment déjà mangé du Yéti ? demande-t-il à Juni entre deux bouchées alors que la blague d'Udo fait le tour de la salle.

— Quand on les chassait, répond la jeune femme en sortant son visage de ses mains. Ils se reproduisent très vite et sont une espèce envahissante qu'il faut réguler. Ils sont voraces et ont tendance à exterminer les espèces animales qui se trouvent sur leur territoire. Et une fois qu'il n'y a plus rien à manger, ils migrent et recommencent. La nature doit suivre son cours, mais parfois il faut malheureusement intervenir pour éviter les catastrophes écologiques.

Joshua est surpris. Il n'avait jamais vu la chasse comme une activité de contrôle auparavant. Il s'était toujours imaginé les chasseurs comme des gens qui avaient simplement envie de manger. Ou de tuer pour le plaisir.

— Ariane aimait bien le Yéti, se rappelle-t-il alors. Elle aurait été catastrophée de savoir qu'il dévorait tous les animaux sur son passage. D'ailleurs, je ne savais même pas qu'il était carnivore...

— Tu pensais qu'il mangeait quoi ? lui demande Juni.

— Je sais pas... De la neige ?

Juni le regarde puis pouffe de rire. Elle se reprend, presque gênée. Joshua est content, sa plaisanterie a fait son effet. Et elle lui a fait du bien. Un soupçon de légèreté dans une réalité trop lourde à porter.

Joshua prend un deuxième hamburger et entend un miaulement timide provenant de sous la table. Il baisse les yeux et croise le regard vert du chat moche de Kan. Debout sur ses pattes arrières, le félin s'appuie au banc et semble quémander.

— Kan... Il y a..., commence Joshua.

Il cherche le nom de la bestiole. Amera ? Hema ? Hemera !

— J'ai Hemera entre les jambes... Je crois qu'elle veut manger quelque chose.

— Hemera ? A cette heure-ci ? S'étonne Kanmada en regardant sous la table. Ah non, c'est Nyx, sa sœur. Tu peux lui donner un morceau de tomate, elle adore ça.

De la tomate ? A un chat ? Joshua se sent fatigué d'être surpris autant de fois par minute. Il devrait sans doute lâcher prise et accepter. Il retire un petit morceau de tomate de son hamburger et le tend à Nyx. Le chat renifle longuement le morceau, le humant ça et là en prenant son temps. Lézard avait l'habitude de faire la même chose et cela avait le don d'agacer Joshua. La plupart du temps, le garçon perdait patience et lui posait le morceau de nourriture sur le front. Ce qui faisait rire ses parents et râler Ariane. Joshua hésite à faire de même avec Nyx, craignant que l'animal soit en réalité un démon qui pourrait le changer en crotte de nez. Il préfère faire preuve de patience et regarde Nyx léchouiller le morceau de tomate. Enfin, l'animal décide que l'offrande est de qualité et l'avale en ronronnant. Joshua la regarde partir et se frotter en faisant la belle à un villageois quelques mètres plus loin. La grande Hertha revient et s'assied à côté de Kanmada.

— Tout va bien par ici ? demande-t-elle en se servant une grosse louche de purée de carottes et une belle portion de ragoût. Elle regarde l'assiette de Joshua, encore propre, et continue : Faut manger, bonhomme, tu vas avoir besoin de force pour aller à Meso !

— Hertha a raison, mon coeur. Le trajet est court mais éprouvant, confirme Kanmada.

Joshua leur montre son deuxième hamburger mais les deux femmes pointent du nez d'autres plats qui se déplacent tout seul le long de la table. Il jette son dévolu sur ce qui ressemble à un gros gratin et se sert une part qu'il sait qu'il n'arrivera pas à finir. Kan et Hertha valident avec une moue satisfaite.

— Vous êtes déjà allée à Meso ? demande Joshua à Hertha.

— Mon petit, je suis allée partout dans le monde. Puis quand j'en ai eu marre, je suis allée me reposer une trentaine d'années à Mesonimbé, répond-elle en engouffrant une grosse cuillerée de purée.

Une trentaine d'années ? Mais c'est l'âge qu'il donnait à cette immense viking affamée. Ça doit être l'alcool. Joshua a entendu de nombreuses fois son père dire que ça conserve.

— Ça m'a fait beaucoup de bien. C'est absolument magnifique. La montagne, l'arbre... Tout. Mais j'en ai encore eu marre. Et j'avais envie de jours qui durent vingt-quatre heures, et non pas un coup six heures, puis quarante heures, puis d'un coup douze heures, et j'en passe...

Joshua tente de comprendre ce qu'elle essaye de dire. Elle parle d'heures de travail ?

— C'est vrai qu'il faut s'habituer, c'est tellement aléatoire, répond Kanmada. Tu étais là quand on a eu la journée la plus longue, non ?

Hertha-la-viking acquiesce vivement.

— Oui ! Trente-six jours sans nuit, s'amuse-t-elle. J'avais mal dormi, mais j'étais tellement bronzé. Je suis quand même contente d'être revenue sur la terre ferme. Hein, Udo, on est pas bien, ici ?

Udo lève sa pinte de bière et elle fait de même. Elle se lève pour rejoindre le grand blond. Si on lui annonçait que ces deux-là étaient frère et soeur, il n'aurait pas le moindre mal à accepter cette information comme véridique. Joshua finit son hamburger et se penche vers Juni.

— C'est quoi l'histoire des jours qui n'ont jamais la même longueur ? demande-t-il la bouche pleine.

— Les jours sur Meso ne durent pas vingt-quatre heures car Meso n'est pas vraiment sur la Terre, commence Juni.

Joshua fronce les sourcils.

— Meso est une... espèce d'île qui se déplace...

Joshua fronce un peu plus les sourcils.

— ... tout autour de la Terre...

Joshua essaye encore de froncer mais il sent qu'il est arrivé au bout.

— ... dans les nuages. En suivant les vents et les tempêtes.

— Quoi ? arrive-t-il juste à articuler alors que ses sourcils font demi-tour et dépassent certainement son front. Les yeux écarquillés, il tente de ne pas s'étouffer, sous le regard amusé de Juni.

A chaque heure, sa révélation. Bientôt, il va apprendre qu'il est en fait un robot et que Juni est une scientifique folle qui l'a inventé. Il a beaucoup de questions mais l'une d'entre elles lui semble importante.

— Mais... une île qui vole dans le ciel, c'est... pas super discret. Les gens doivent la voir passer, non ? Et les satellites !

— Meso se déplace dans les tempêtes. Elle est cachée par les nuages, entre autres.

— Oh...

Joshua se demande si tous les gens qui disaient avoir vu des ovnis n'avaient pas en fait aperçu la cité volante. Il ne sait pas s'il est enthousiasmé par cette théorie, ou déçu. Car il aime à croire que les extraterrestres existent et qu'ils viennent leur faire coucou de temps en temps.

Kanmada se lève à ce moment. Elle tape légèrement sur son verre à l'aide d'une petite cuillère. Le tintement attire l'attention et les villageois se taisent.

— Mes très chers... Ce soir, comme à notre habitude, nous mangeons ensemble. Mais ce soir, nous mangeons aussi en l'honneur d'une toute nouvelle âme qui nous a rejoint ce matin, commence-t-elle.

Elle regarde Joshua et l'invite à se lever. Joshua s'exécute, intimidé par l'idée d'être scruté par tout un village de gens qu'il ne connaît pas. Kanmada le rassure par un petit sourire serein.

— Joshua est le garçon qui a survécu à la terreur que l'on nomme Feliforma undamortis au delà des Villages de Mesonimbé.

Joshua entend quelques oooh timides. Il regarde autour de lui les visages surpris et les bouches en rond.

— Quand l'accident a été rapporté par nos équipes et par les médias européens, nous nous sommes précipités. Avec Udo, Juni et Res. Notre mission était la même : contenir la propagation. Retrouver les créatures et les éloigner. Et s'assurer que les blessés survivent. Mais alors que nous croyions tomber sur un jeune homme brisé, nous avons trouvé bien plus.

Les villageois et Joshua l'écoutent en silence, leur attention capturée par la vieille dame aux allures de conteuse ancestrale.

— Il y a très longtemps, alors que j'explorais timidement les rêves dans mon Australie natale, Ekimwe vint à ma rencontre. Pendant de longues années, il avait été seul. Et à partir de ce jour-là, nous étions deux. Bien des étés plus tard, des déserts du berceau du monde nous vint Zinayi. Nous étions trois. Puis, du pays des neiges arriva Newo. Les montagnes cracheuses de feu virent la naissance de Lalima et les lagons de l'océan Pacifique celle d'Eono.

Kanmada fait une légère pause. Elle reste stoïque mais Joshua détecte une émotion derrière son sourire rassurant. Elle va sûrement leur annoncer qu'il s'est enfui, pense-t-il.

— Nous étions alors six, reprend Kan lentement. Elle laisse courir son regard sur les visages fixés sur elle.

— Plus tard, bien plus tard, de l'ancien monde naquirent Siwen, puis Udo. Et le nouveau monde nous présenta Isqun.

— Tara ! intervient Tara timidement.

— Le nouveau monde nous présenta Tara, corrige Kanmada. Puis vinrent Asarah du pays des rivières, Xi du pays du soleil rouge, et enfin Juni du pays des nuages.

Joshua regarde Juni, qui baisse légèrement la tête et place ses mains sous ses cuisses. Le pays des nuages. Juni serait née sur Mesonimbé ?

— Douze frères et sœurs, dit Kanmada alors qu'Udo étouffe un petit rire. La vieille femme le regarde en souriant et Udo s'excuse en silence.

— Et bien que la mort eût emporté l'une des nôtres, nous restions douze dans nos cœurs. Mais seulement jusqu'à aujourd'hui.

De discrètes expressions de surprise se font entendre autour de Joshua, toujours debout. Il regarde derrière lui et voit des sourcils froncés interrogateurs. Kanmada ouvre les bras vers Joshua. Les villageois écarquillent les yeux. Certains se lèvent, cédant à l'appréhension. Joshua regarde Kanmada fermer les yeux et s'incliner légèrement devant lui.

— Joshua, mon coeur... Avec toi, nous sommes treize.

Les visages se tournent vers Joshua. De timides exclamations se font entendre et l'émotion devient palpable. Puis en silence, les uns après les autres, les villageois se prosternent. La vague de déférence se propage le long du serpent de bois et une onde d'embarras parcourt Joshua. Son regard se pose sur Juni et Udo, le visage penché vers le bas et les yeux fermés, puis sur Kanmada. La vieille femme peine à retenir ses larmes.

— Et nous attendions ta venue avec impatience, conclut-elle en souriant avec tendresse.

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