Toute la vérité

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Simon Williams est taquin, provocateur et possède un franc-parler qui peut déranger. En vérité, il a énormément de points communs avec Iban. D'ailleurs, après cette longue discussion à mettre cartes sur table entre nous, la bonne humeur a repris le dessus. Au dîner, nous nous sommes attardés à table avec un bon vin et un bœuf bourguignon, cuisiné par mes soins, après le retour d'Iban, parti travaillé à treize heures. Simon, physiquement présent, s'absente par moments. Cela doit lui faire bizarre d'échanger un repas avec de jeunes adultes alors qu'il aurait pu finir son week-end avec James et Sasha, ses amis d'enfance.

Je n'arrive plus à lui en vouloir. Il a souhaité bien faire et n'a pas pensé qu'on en arriverait là.

Il prend la chambre d'Iban pour la nuit, après lui avoir changé les draps et, mon meilleur ami et moi avons dormi ensemble dans la mienne.

Au petit-déjeuner, Simon nous informe qu'il doit prendre son avion à seize heures avec Sasha. En allumant son portable, celui-ci sonne continuellement jusqu'à ce qu'il écarquille les yeux.

— James arrive, Sasha vient de me l'annoncer par SMS.

Soudain, on entend toquer à la porte. Nous échangeons un regard :

— Ça ne peut pas être lui, il aurait sonné en bas de l'immeuble, certifié-je, inquiète.

Iban se dirige vers le Judas et annonce :

— C'est lui.

Avec précaution, comme si on attendait un tueur à gages, prêt à nous descendre un à un, il ouvre la porte. Je l'aperçois dans sa plus grande vulnérabilité : la main posée contre l'embrasure de la porte, les cheveux défaits et d'énormes cernes sous les yeux. Lui si élégant, est habillé de son long manteau noir par-dessus un jogging. Ses lunettes, toujours présentes, il plonge ses yeux dans les miens, à la recherche d'une réponse à ses insomnies. Et je me tiens devant lui, en pyjama, les membres tremblants. Puis, Simon se positionne à côté de moi et cette entrée fait réagir James, se précipite à l'intérieur de l'appartement, droit vers son ami, mais Iban le retient :

— Ça suffit maintenant, James ! Tu es chez moi, là.

— Je vois qu'on ne perd pas de temps ici, balance-t-il, yeux grand ouverts.

À l'évidence, mon mécène ne sait plus garder son contrôle depuis hier. Sûrement las de tout ce qui se passe autour de lui sans comprendre. Je le couvre d'un regard attendri, il est tellement beau, et ébranlé par ces découvertes, il m'ouvre son cœur sans s'en rendre compte. Après les déclarations de Simon sur lui, je le vois d'un autre œil, comme si je venais de le rencontrer, un homme nouveau. Et c'est pourquoi je serre mes coudes aussi forts, pour empêcher les tremblements. En vain. Car, incontestablement, dans quelques minutes, il saura toute la vérité. Cette dure réalité pour lui, son monde qui se confond au mien. Une simple femme rencontrée à Montmartre, qui dans un premier choc est son élève, et aujourd'hui, n'est autre qu'une étrange apprentie de sa défunte épouse.

Comment va-t-il réagir ? Se mettra-t-il en colère ? Sera-t-il déçu ? Me pardonnera-t-il ? Me fuira-t-il ? Et j'ai peur, peur de ne plus jamais le revoir. Ces dernières semaines ont été trop dures sans lui. Sans son odeur de lavande imprégné dans mes draps, sans ses douces caresses et ses baisers dont je n'ai pas eu le temps de profiter. Je veux être avec lui, du matin au soir. Et en une phrase, je vais à nouveau tout gâcher.

Je lève les yeux vers lui, mes larmes prêtes à s'échapper. Et là, il m'implore :

— Dis-moi ce qui se passe, Charlie, je veux savoir.

C'est un homme au bord du gouffre, dans le noir. Et Simon me chuchote à ma droite :

— Charlie, s'il te plaît.

Pourquoi faut-il qu'on me force la main ? Je ne dois pas lui dire ce matin, je ne suis pas prête.

— Allez, dis-lui !

— Non mais ce n'est pas si important, dis-je d'une voix tremblante.

— Là, je t'assure ma chérie, c'est vraiment le bon moment, ajoute Iban d'une voix douce.

J'ai peur qu'une crise d'angoisse s'immisce dans ma confession, alors j'échange un regard avec mon meilleur ami, l'incitant à ne pas me quitter d'une semelle si je dois fléchir les genoux, puis je prends mon courage à deux mains.

C'est l'heure de vérité, on y est. Deux années à lui raconter : Lorient. La Galerie Templon. Lauren. La symbologie et mes rendez-vous secrets avec sa femme. La soirée à Regent Street avec Simon. Notre rencontre, et enfin la découverte de son identité au soir de la Saint-Valentin. Sauf, sur la mémoire eidétique et Mark Livingston.

À partir de ces aveux, je ne serai plus sa douce déesse qu'il avait l'habitude d'examiner en peinture. Que verra-t-il maintenant ?

Il regarde Simon, celui-ci a le souffle coupé. Il attend mon verdict.

— James... commencé-je d'une voix douce.

Doucement, il croise mon regard, perdu comme le mien.

— James, viens t'asseoir. Ça risque d'être long et assez pénible à entendre.

Je l'entraîne sur le canapé et m'assois sur la table basse, face à lui. Iban prépare du thé et du café, Simon, lui, s'installe derrière le sofa. Je lui jette un dernier coup d'œil et il souffle un bon coup avant de hocher la tête. Enfin, je plonge dans l'océan bleu de mon beau mécène et soupire, en fermant les yeux :

— James, je connaissais bien Lauren.

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