La rencontre [2/2]

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Une chanson plus mélodieuse et sensuelle remplace la précédente. Mes amis sont repartis s’hydrater tandis que James et moi restons sur la piste, toujours pousser par notre envie de se connaître. D’une approche qui se veut, je l’espère, charnelle, je chante doucement les paroles de la musique tout en le fixant du regard et garder un espace entre nos deux corps afin de sentir la chaleur s’échanger.

L’alliance de James, déjà vue, depuis le début de notre rencontre une heure auparavant, est un frein à notre probable continuité de la nuit. Il n’y a pas quinze mille options et en lui posant la question, je saurai s’il ment ou non. Le pouvoir de ses yeux en dit long sur ses mensonges ou ses vérités, c’est une des raisons pour lesquelles je suis si proche de lui à cet instant. Un regard s’allume ou s’éteint en fonction des pensées qui traversent l’esprit. Il est impossible de mentir avec des yeux brillants de franchise. Le mensonge est un acte logique, calculé, délibéré, rationnel. Il dépend du cerveau cognitif, c’est la raison pour laquelle le regard ne participe jamais à l’expression du mensonge.

— J'ai vu votre alliance. Je suppose, à première hypothèse, que vous êtes marié, mais comme vous m'avez l'air d'être bien trop poli, je suggère une deuxième probabilité : vous avez dû perdre votre femme, ou troisième suggestion, vous avez du mal à vous remettre de votre divorce.

Il passe sa langue sur ses lèvres et plonge son regard dans le mien, soudain triste.

— Optez pour la seconde.

— Depuis combien de temps ?

— Ça fait un an.

Pauvre homme ! À en lire sur son visage, il a l’air profondément marqué par cette perte.

— Je suis désolée de l'apprendre, dis-je en continuant de danser plus lentement. Vous êtes seul depuis tout ce temps ?

— Oui.

Mon cœur bat plus lentement.

— Pas de petite amoureuse ou d'amie occasionnelle ?

— Non, pas à ma connaissance, me répond-il fermement.

— Alors, vous êtes célibataire ?

— Dis comme ça, oui.

Je soutiens son regard pénétrant et avide d’entendre ce que je pourrais répondre à cette annonce.

— Vous n'avez personne avec qui coucher et vous ne fréquentez personne, vous êtes donc libre. Même si c'est dur de l'accepter.

Je vais loin, très loin et je ne pourrais plus faire marche arrière. C’est maintenant que je le comprends.

— Vous aimez faire l'ingénieuse parce que vous pensez me cerner avec des suggestions faciles, comme un accent à peine perceptible ou une alliance ? Mais, sachez que vous ne déstabilisez personne, me balance-t-il, les yeux rieurs.

— Vous avez l'air si confiant et, je sais, que vous étiez impatient de faire votre rapport caractéristique.

— Je n'ai rien interprété, encore.

— Je vous écoute, alors.

Je le fixe attentivement. Il a envie de décortiquer chaque détail qu’il a pu observer tout au long de la soirée. J’ai assez appris sur la synergologie pour comprendre que c’est son domaine, l’analyse. Mais il n’ose pas, de peur que je me frustre. Pour moi, je saurai si oui ou non, il est si intéressant que ce que je pressentais.

— Je n'ai rien à vous prouver et en aucun cas, je ne me permettrais de révéler la singularité de votre personne sans vous connaître plus.

— Oh ne soyez pas si modeste, j'ai hâte de l'entendre, le poussé-je à continuer.

— Très bien. Votre combinaison... commence-t-il à me dire en me prenant les deux mains et m’écartant de lui pour me regarder.

Je lève les yeux au ciel.

— Trop flagrante ? Cela fait de moi une aguicheuse, l’interromps-je en minaudant.

— Non, le gris représente l'anonymat. Vous avez sûrement des choses à cacher, avec l'éclairage rouge, qui signifie l'interdit, ça vous rend secrète et attirante. Cependant, la mélancolie qui en ressort avec votre façon de danser montre à quel point la tristesse fait partie de votre vie. Populaire, beaucoup d'hommes vous ont accostée sans que vous ne fassiez attention à eux, ou feint de répondre à leurs avances. Cela montre bien ce que j'ai pressenti la première fois que je vous ai vue. Séductrice et intouchable. À moins que vous ne l'ayez décidé, et à votre répartie, on voit à quel point, vous aimez avoir le contrôle de la situation.

Je le dévisage, tout en dansant, sans laisser paraître de son analyse parfaite. Et il est là, sans extravagance, sans arrogance.

Il m’a eu, englouti par tout ce qui le représente. Ses yeux, miroir de ses pensées, ses avant-bras qui pourrait entourer ma taille et me soulever, ses répliques précises et réfléchies. Grâce à sa voix douce, calme et reposante. Son accent qui accroche quelques intonations en y attrapant ma carapace inabordable. Ça ne m’était plus arrivé depuis Bastien, et en si peu de temps. Un coup de foudre ? Je l’ignore mais j’ai envie de lui, d’entrer dans sa tête et ne plus y sortir et qu'il soit en moi et que nous nous fassions jouir. Je n’ai pas peur et je pense qu’avec lui, je n’aurais aucun regret. Une magnifique aventure d’un soir !

— Bravo pour ce portrait-robot, lancé-je en applaudissant, déstabilisée sans le montrer. Et vous croyez à ces interprétations ?

— C'est une science, exacte ou pas, elle délivre quelques informations nécessaires pour savoir qui on a en face de soi.

— C'est pour ça que vous n'aimez pas parler. Vous avez peur qu'on découvre votre don ? lui murmuré-je assez proche de lui pour qu’il m'entende.

— Donc, vous approuvez ce que je viens de dire, insiste-t-il pour que j’avoue.

— Il y a une part de vérité. Vous me trouvez attirante apparemment et je ne peux qu'approuver ça.

Il sourit.

— Vous pouvez me tutoyer, vous savez.

— Mais, je dois respecter mes aînés, j'ai été bien élevée. Vous avez quel âge ?

— Puis-je vous demander le vôtre avant ? demande-t-il.

— J'ai vingt et un ans.

Il soupire avant de gratter sa barbe naissante, il est gêné. Son regard plongé dans le mien, il me répond :

— J'ai trente-huit ans, aujourd'hui.

Je le trouve encore plus beau.

— Je vais devoir continuer à vous vouvoyer, alors, ris-je.

Il rit à son tour. Nous sommes tous les deux conquis et nous embarquons pour un aller simple vers une nuit prometteuse, cajoleuse et fiévreuse. Une nuit alcoolisée et sans limites qui se poursuivra jusqu’à chez lui, près du Sacré-Cœur. Une chaleur brûlante de désir entre mes jambes, qui palpite dans mes veines, dans mon cœur battant d’envie pour lui.

Jamais un homme ne m'avait fait autant d'effets, capable de m'attirer chez lui de ma volonté propre. Je reconnais là des mécanismes de défense, d'inversion, de déni et de recherche inconsciente du risque, rien que pour me prouver que je suis bien au-dessus de tout ce que j'avais vécu auparavant. Car, à genoux devant lui, ma main sur son sexe dressé fièrement à mon intention, c'est moi qui décide. Lorsque je le prends en bouche, le plaisir de l'entendre prendre son pied se répercute jusqu'entre mes cuisses. Réduire cet homme à mon seul pouvoir de le rendre soumis, faible en une boule d'impuissance charnelle, m'excite. Je veux qu'il perde la notion de la bienséance et qu'il me baise avec force et domination. Son plaisir quadruple le mien. Provocatrice, je profite pour sucer un de ses doigts et lancer le signal. Sans amour ni délicatesse.

Embrasser ? Non plus, embrasser c’est s’attacher, embrasser, c’est l’amour sincère et véritable, pas une envie de sexe. Vivre le fantasme de l’inconnu un soir, une unique nuit. Ne ressentir qu'une boule d'extases, de sueurs et d'orgasmes.

La force décelée dans ses avant-bras porte ses fruits lorsqu'il m'agrippe par les hanches et s'enfonce d'un coup de rein violent. La première vague de fièvre afflue entièrement mon corps.

Dans ce moment le plus érotique, il me fait l'amour sans tendresse. Un moment bestial, dominé par mes fantasmes. James ne fait pas dans la dentelle et m'emporte avec lui dans les méandres du sexe sauvage, puissant et sans tabou. Son pénis gonflé en moi est l'instrument de mon désir, percutant, infatigable et prêt à me donner toutes les jouissances possibles. Ses mains qui me tirent, m'attrapent, me bloquent, m'interdisant de protester, accentuent mes envies salaces.

Je ne me reconnais plus et pourtant, je suis au bord de l'implosion. Je crie son nom, le supplie de ne pas s’arrêter, lui ordonne ce qu’il doit me faire. Je ne sais même pas si je suis bien comprise mais il m’offre l’orgasme le plus puissant jamais connu. Au point de me demander si j’avais déjà connu cela auparavant.

Un second orgasme pouvait venir mais James a joui à son tour. Alors, je m’empresse d’attraper sa main. Il comprend. Son doigt titille mon clitoris, vibrant et mouillé, prêt à m’envahir d’une nouvelle vague de plaisir tandis qu’il glisse de mon clitoris à mon vagin, satisfait de s’ouvrir encore à son toucher. Ses lèvres embrassent mon cou, s’attardent sur mes seins en sentant son souffle chaud sur ma peau. Et enfin, j’ouvre les yeux et prends conscience que mon bel inconnu me désire et que cette longue attente de coucher avec lui s’est produit. À cette image, un long plaisir coule en moi, si puissant que je n’ai pu retenir le cri qui s’échappe de mes lèvres et du rire qui s’ensuit, heureuse et satisfaite.

Cette nuit-là reste la plus passionnée et la plus mémorable de ma courte expérience sexuelle.

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