Douce alchimie

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Midi sonne et je demande à Victor s'il aimerait un petit en-cas pour déjeuner. Il me remercie mais il avait déjà prévu son repas. Vêtue encore de ma combinaison, j'abaisse le haut, laissant mon débardeur blanc respirer et attache mes manches à ma taille. Je sors vers la boulangerie.

Lorsque j'entre, trois personnes patientent dans la file d'attente. Un homme et deux femmes devant moi. Autant prendre racine, je me dirige vers la vitrine exposante des pâtisseries, viennoiseries ou autres nourritures froides, pour savoir ce qui allait me donner envie. Pan bagnat, sandwich au thon-mayonnaise, pizza ou quiche ?

La cliente au comptoir donne son compte, laissant place à l'homme qui souhaite dans un fin accent anglais, une baguette. Je souris et jette un œil dans sa direction. Un T-shirt noir, un bermuda en Jeans retroussé aux genoux et de fines baskets noires. Classique. Je me concentre à nouveau sur mon repas du midi et un bruit particulier envahit la rue. Les klaxons retentissent, un embouteillage. Encore des déménageurs en plein milieu de la rue qui bloquent la circulation. Une musique me parvient aux oreilles, un son très oriental. Sensuel et captivant. Je reconnais Sol d'Alef.

Le type remercie à son tour la boulangère et je sens un frôlement sur mon bras. Une décharge. Tous mes sens prennent soudain emprise sur moi. Je n'entends que la musique et la douce fraîcheur de la peau qui effleure ma chair brûlante. Le son de la chanson englobe tout mon corps et l'odeur agréablement herbacée, presque fleurie de cet homme imprègne mes poumons. Je dois le voir, le regarder. La sonnette de la porte d'entrée tinte. La grande vitrine derrière moi me donne à loisir de le contempler. Mon cœur chavire et je ne peux être qu'impressionnée par ce que je viens de vivre. Une simple caresse du bras et mon corps entier a répondu instinctivement. Comme si nos deux âmes se connaissaient, s'étaient reconnues. L'a-t-il ressenti ? Non, sinon il serait comme moi, en train de me fixer à travers ce verre qui nous sépare.

Je rejoins les clients et continue de le dévisager. Je n’avais pas fait attention à sa beauté. Eperdument beau dans son habit des plus sobres. Charismatique, élégant, extraordinaire et il semble ne pas le savoir. Il a des lunettes de vue sur le nez, à grands verres carrés et de monture noire. Ses cheveux un peu négligés sont châtains, légèrement ondulés. Il a essayé de se coiffer. Ses mollets musclés ne sont pas tellement poilus vu de ma position. Ses avant-bras qui symbolisent la protection, semblent avoir beaucoup de force. Quelques veines apparentes et presque sans pilosité, prouvent que la symbologie corporelle est une science exacte. Sa barbe naissante et son long nez, très phallique, représentent parfaitement l'aspect masculin de son visage. Les sculptures et gravures chez les Grecs représentaient ce nez dit « droit » comme la forme parfaite, particulièrement esthétique. Il symbolise un homme doté d'un grand sens pratique. Loyal, brillant, déterminé et un peu timide, les hommes caractérisés par cet aspect nasal ont du mal à exprimer leurs émotions. Dommage que je ne puisse pas lire ses yeux, j'aurais aimé les analyser.

Une dame passe à côté de lui. Elle lui sourit, mais il a l'air de ne pas l'avoir remarquée. Il arrache le bout de sa baguette et ouvre un petit plan, sûrement de Paris. Où allait-il ? Que faisait-il dans la vie ? Qui était-il ? Je cherche son regard mais il ne fait pas attention à ce qui l'entoure.

— Mademoiselle ?

La boulangère me sort de ma contemplation.

— Oui ?

Les deux dames devant moi étaient déjà passées.

— Excusez-moi. Je vais vous prendre une part de pizza, un pan bagnat et une part de flan s'il vous plaît, commandé-je sans reprendre mon souffle, pressée.

Au regret de ne pas l'avoir goûté, le British m'a ouvert l'appétit. Je me presse de payer et me précipite dehors. Plus personne. Enfin si, un tas de parisiens aux visages crispés, mais plus le bel individu qui avait remué ce quelque chose en moi. Sans sa présence, sans qu'il m'aperçoive, je reste immobile dans cette rue déserte d'émotions.

Douce alchimie

Quand la chaleur du Yang

Embrassera la glace du Yin

Rien ne sera plus comme avant.

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