Froide ambiance [2/2]

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Réveillée tard dans la nuit par une bouche desséchée, je secoue Camille pour qu'elle puisse me donner de l'eau.

— Va dans la cuisine, il y a une bouteille d'eau dans le frigo. Ramène-la steup'.

Un œil à demi ouvert, cherchant à tâtons la sortie, j'ai l'impression de jouer la somnambule. Passée la porte de la chambre avec mon pyjama léger, je grelotte. Et ça ne s'arrange pas lorsque je descends d'un étage par les grands escaliers de marbre qui me gèlent les pieds. Mes tétons pointent dessous mon t-shirt à manches longues, libéré du soutien-gorge de la journée. Je me frotte tellement fort les bras que j'espère créer un feu.

La maison est plongée dans le noir. Il y règne une atmosphère froide et lugubre. La torche de mon portable en main, je distingue le réfrigérateur.

Comme si quelqu'un me suivait, je parcours la distance qui me sépare du frigo d'un pas accéléré et j'ouvre. Apportant un halo de lumière dans l'ensemble des pièces de l'appartement, je trouve la bouteille d'eau et laisse ouvert le frigidaire afin de chercher un verre en jurant. J'éteins la lumière de mon cellulaire et c'est à ce moment-là, dissimulé dans le noir, que M. Durand s'adresse à moi :

— Vous cherchez quelque chose ?

Je sursaute. Pascal Durand est assis sur un fauteuil. Il est déjà rentré celui-là ?

— Excusez-moi, vous m'avez fait peur.

Mes yeux tentent de s'habituer à l'obscurité, comme je connais mal le lieu, je ne définis pas très bien sa silhouette dans la pièce. Peut-être le salon ?

— Oui, je cherche un verre.

Il se lève, impeccable dans son costume de la veille. Il est assez imposant, non pas qu'il soit grand, mais il a une physionomie inquiétante, farouche. Une tête qui exprime la nervosité, les sourcils froncés. Chacun de ses pas dans ma direction consolide l'idée dans mon esprit de le voir sortir un couteau de cuisine de son dos pour me le planter en plein milieu du thorax.

Je recule à tâtons, car il s'avance droit sur moi. Je suis pétrifiée, incapable de bouger. Pourtant, sa démarche s'apaise lentement, discrète et calculée. Il n'est pas net, lui.

Contre la paroi du meuble de cuisine, nos corps sont quasiment collés l'un à l'autre, il tend son bras afin d'ouvrir le meuble du dessus et m'en sort un verre. Ma joue caresse son torse et il abaisse son regard. La lumière du frigo trahit toujours cette même lueur qu'il a dans les yeux.

— Ceci ?

— Oui, merci...

J'ai bafouillé. Il va croire qu'il m'intimide parce qu'il me plait. Mes mains se positionnent sur mes cuisses. Sans dire un mot, il me sert le verre d'eau et m'invite à le boire. Je le remercie.

Face à face, j'attends qu'il se casse, or il ne bouge pas d'un orteil.

Confuse, je bois. Son attention ne se porte que sur moi, il couvre de son regard une convoitise au point de détailler ma glotte jusqu'à ma gorge, de mon cou à mes seins qui se dressent encore sous l'air glacial de la maison.

Maladroite, de l'eau coule sur mon menton, il s'avance vers moi avec une serviette.

— Non, ça ira merci.

J'essuie d'un coup de main et je pose mon récipient.

— Je vais aller me coucher, merci pour le verre d'eau, M. Durand.

— Maître Durand, n'oubliez pas, ajoute-t-il d'un fin sourire. Si vous avez rendez-vous, vaut mieux. Bonne nuit à vous, Charlène.

— À vous aussi... Maître Durand.

J'aurais dit « fouette-moi » l'effet aurait été le même. Lui, au contraire, gonfle le torse sans me quitter des yeux, laissant s'étirer un silence de plomb entre nous. Je tente un joli sourire d'une constipée de vingt jours sans un regard en sa direction.

Tandis que je le contourne pour rejoindre les escaliers, il ferme le frigo. Plongée dans l'obscurité, j'entends sa respiration saccadée et bruyante. Ce mec est complètement fou ! Je précipite ma foulée jusque dans la chambre de Camille. Lorsque je suis sous les draps, je me rapproche de mon amie, instinctivement, avant de me souvenir que j'ai laissé la bouteille d'eau sur le plan de travail de la cuisine. Tant pis ! Il est hors de question de redescendre et affronter à nouveau le commissaire-priseur.

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