La compagnie vengeresse du vœu exaucé : III

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Lathelennil m’aida à récupérer l’Elbereth dans la Trame. Son cair à lui étant en réparations à Minas Athar, il proposa d’utiliser le portail de Dorśa pour se rendre dans la Trame. Ce portail se trouvait à l’intérieur du parc du palais, immergé dans l’espèce d’étrange rivière – si on peut appeler cela une rivière – qui ceinturait le castel, suivant sa forme d’étoile aux multiples branches. Plutôt qu’une fosse remplie d’eau, il s’agissait d’un brasier de flammes violettes. Lathelennil m’assura que, si j’avais au fond du cœur une demande suffisamment claire, je pourrais y entrer sans peine.

— Ne cesse pas un instant de penser à l’Elbereth, me dit-il. Pas un instant. Si tu penses à autre chose, ne serait-ce qu’une demi-seconde… Tu risques de te retrouver flottant dans l’Autremer, errant pour l’éternité.

Cette menace me rappela celle du portail dimensionnel sur Mars, quand le SVGARD m’avait capturée. Des gens étaient en train de traverser au moment où ils changèrent brutalement les coordonnées d’arrivée du portail dans le seul but de m’arrêter. Ce qu’il advint de ces malheureux, je me l’étais toujours demandée… Et je posais la question à Lathelennil. Après tout, les ældiens étaient des experts en portails dimensionnels.

— Ils sont perdus dans l’Autremer, me répondit-il, toujours rassurant. Certains ont dû être capturés par les nôtres. Du moins, ceux qui sont entiers. Des autres, il ne reste probablement plus que des morceaux de corps épars, suivant ce qu’ils avaient posé le pied ou le bras en premier dans le portail.

Ces propos n’étaient guère rassurants. Surtout que j’avais mes petits avec moi. Lathelennil leur avait fait boire une potion hallucinogène, mais soi-disant inoffensive, utilisée par les maîtres-bourreaux d’Urdaban pour laver le cerveau de leurs gladiateurs, tout en leur bourrant le mou avec des images subliminales de l’Elbereth envoyées par l’illusionniste patenté de son frère, Methil. Je m’étais résignée à utiliser ces sombres méthodes, car je craignais que mes petits ne soient pas assez concentrés pour passer le portail et qu’il était hors de question pour moi de les laisser à Sorśa : ce n’était pas un endroit pour eux, et j’en avais déjà été trop séparée. La réaction de Caëlurín à l’annonce de ma nouvelle portée avait été suffisamment éloquente à ce sujet.

— Tu me laisseras emmener mon ou mes enfants à Ymmaril, tout de même ? s’enquit Lathelennil sur le chemin, inquiet.

— On verra. Je ne veux pas que mes enfants deviennent d’impitoyables seigneurs de la guerre, des esclavagistes tortionnaires vêtus de plastrons noirs bardés de couteaux, accros au sang, aux drogues de combat et aux sensations fortes… Pour tout te dire, Lathé, j’ai l’intention de me retirer dans un endroit paisible après cette dernière aventure.

— Je ne pourrais donc pas voir l’évolution de la portée, assister à la naissance et voir mes enfants ?

Je me tournai vers lui.

— Je croyais que les gosses te gonflaient, Lathelennil ?

— Pas les perædhil, répéta-t-il. Et pas si ce sont les miens. Logique, non ?

Certes. Et je devais reconnaître qu’il était plutôt bon avec les gosses. Peut-être même meilleur que Ren, qui, trop sévère et trop froid, les gardait à distance.

— On verra, répétai-je. Tu seras peut-être autorisé à leur rendre visite.

— Je l’espère. Pas seulement pour eux, mais pour la mère, ronronna-t-il en passant sa main sur ma taille.

Je lui tapotai la main et me dégageai. Je me sentais toujours embarrassée de faire des papouilles à Lathelennil, surtout depuis que je savais que mon compagnon était quelque part, vraisemblablement en danger.

La ligne de flammes violettes était devant nous. Lathelennil tourna son regard noir sur moi.

— Prête ?

Je hochai la tête. Il me tendit la main.

— Tiens. Comme ça, si tu restes dans l’Autremer… J’y resterai aussi.

Je pris la main qu’il m’offrait. Et, mes pensées dirigées droit sur l’Elbereth, j’entrais avec lui dans la rivière de flammes.

Comme je l’avais prévu, Elbereth et Dea étaient au summum de l’inquiétude. Elles se précipitèrent sur moi dès qu’elles me virent émerger du portail de la salle des armes, alors que mes trois petits, ravis d’être de retour chez eux, s’éparpillèrent dans leurs chambres. Nínim, bien entendu, alla tout de suite aux toilettes.

— Où est Alfirin ? s’enquit Elbereth, inquiète. Je ne sens plus sa présence depuis un certain temps.

Lathelennil me regarda.

— C’est mauvais signe, statua-t-il. Si la wyrm ne le sent plus, c’est qu’il n’est plus sur ce plan.

— Plus sur ce plan ? Mais où, alors ? m’écriai-je. Et où sont Śimrod et Isolda ?

— J’ai contacté son cair, le Melaryon, m’apprit Elbereth. Il est sans aucune nouvelle de lui non plus, et le contact est rompu.

— Ils pourraient être dans le Dédale, répondit Lathelennil sans me regarder. Je crois qu’une petite visite au gouverneur de Nuniel, s’impose, tu ne pense pas ?

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