Chapitre 20

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            Assise sur le canapé, les mains menottées dans le dos, Rune dévisageait Jakam d’un regard noir. Les pieds sur son bureau, il buvait de l’eau garder bien au frais dans une bouteille. Il faisait exprès de boire lentement et bruyamment, puis soupira d’aisance une fois qu’il eut fini ces quelques gorgées.

            – L’eau, c’est trop bon, avoua-t-il. J’ai pas raison ?

            Un rictus échappa à Rune.

            – Va te faire foutre, connard.

            La réponse l’amusa. Il se leva pour s’agenouiller devant Rune. Il passa la bouteille devant son nez. Elle ne pouvait pas s’empêcher de la suivre des yeux, tellement elle voulait ingurgiter tout ce qui s’y trouvait.

            – T’es une dure à cuir, hein ? J’adore !

            Il ricana avant de s’assoir dans le sofa d’en face.

            – Bon, parlons peu, mais parlons bien. Je ne sais pas encore à qui je vais te vendre pour me faire un max de thune, mais j’ai une mission pour toi. Le dernier esclave n’a pas réussi sa mission alors je l’ai balancé dans l’espace.

            Il se racla la gorge. Rune sentait sa tête peser un poids énorme. Jakama avait beau lui mettre des claques pour la redresser, elle n’arrivait même plus à l’écouter. L’esclavagiste soupira.

            – Apporte-moi une gamelle, ordonna-t-il à l’un de ses hommes.

            Il obéit rapidement et ramena une petite gamelle en plastique qu’il posa au pied de Jakam. Ce dernier ouvrit lentement la bouteille sous les yeux de Rune, puis versa le contenu dans le récipient. Il jeta la bouteille vide derrière lui d’un rire sadique.

            – T’as soif ? Viens boire.

            Ses abrutis de sbire gloussèrent derrière Rune. Elle avait tellement soif qu’elle se laissa glisser par terre. Elle se déplaça à l’aide de ses jambes jusqu’à la gamelle, puis aspirer l’eau à l’intérieur. Cela lui faisait tellement de bien de pouvoir se rafraichir un peu.

            – Han han, tu dois le faire comme les chats. Avec la langue, sinon je te la retire. N’oublie, vous serez bientôt leur esclave !

            Rune le maudissait, mais elle ne pouvait pas se priver de cette eau. Elle se força à oublier qu’on la regardait, et qu’on la filmait sûrement, puis elle prit son courage à deux mains pour grappiller un peu d’eau avec la langue comme le ferait un félin.

            – Bien ! rit Jakam en applaudissant. Bon tu vas pouvoir m’écouter. J’ai besoin de quelqu’un pour trier et ranger mes chaussettes.

            Rune leva la tête vers lui. Elle chercha dans son regard la blague qu’il venait de lui faire, mais il avait l’air totalement sérieux. Comment un ancien esclave avait-il pu commettre une erreur dans une tâche aussi simple.

            – Je vais t’apprendre à le faire, car le pliage est trèèèèèèès spécifique. Tu devras les laver aussi, à la main, avec les produits nécessaires et utiliser dans un temps prédéfini. Ne t’en fais pas, j’ai écrit un livre pour chacune de ces tâches.

            Rune se demandait si elle avait bien entendu.

            – Tu seras l’une de mes servantes. Et pour cela, tu as le droit à ta propre chambre. Évidemment, en dehors des heures de travail, tu n’es pas autorisé à en sortir.

            Jakam fit un geste de la tête à ses compagnons et ils relevèrent brutalement Rune. Elle voulait finir cette eau, mais à la place, ils emboitèrent le pas de Jakam qui quittait son bureau pour prendre un ascenseur sur la droite.

            Première information intéressante, seul lui possédait une carte électronique qui s’insérait dans le boitier de commande. L’ascenseur ne montait que d’un étage, le sien. Il y avait une série de portes sur la droite et la gauche, avec le nom des personnes qui habitaient là.

            – Voilà vos chambres. Toutes les personnes ici présentes s’occupent de mon bien être. Chacun à sa tâche !

            Cela représentait une vingtaine de personnes ! Rune se demanda si elle pourrait s’en faire des alliers afin de lancer une révolte. Jakam s’arrêta sur la dernière porte à droite. Le nom de Rune y était inscrit. L’esclavagiste l’ouvrit via le panneau à la droite, puis le sas s’ouvrit sur une petite pièce.

            Pas plus grande que son ancienne cellule, il y avait quand même un lit pour dormir, un placard et un bureau.

            – Voilà ton nouveau chez toi. C’est un petit coin de paradis, non ? Prends une douche et habille-toi avec ce qui se trouve dans le placard. On t’attend.

            Un garde lui enleva ses menottes et ils la poussèrent à l’intérieur. Rune n’avait qu’une faible lumière au plafond pour dévoiler ce triste endroit. Il y avait une petite trappe pour l’air conditionner, mais impossible de s’y glisser. Elle soupira. Elle franchit la seule porte de son logement pour découvrir la salle de bain ?

            Rune retira ses vêtements poisseux pour se prélasser sous une bonne douche. L’eau la débarrassa de la crasse et de la transpiration, et elle n’hésita pas à en boire le plus possible. Ce moment vivifiant la requinqua et sa motivation pour fuir de cet enfer revint au-devant de la scène.

            Alors qu’elle sortait pour s’enrouler dans une serviette, elle réfléchit à tout ce qu’elle devait faire. Découvrir où travaillait Chloé, savoir où se dirigeait le Saint Ordre Félin avec leur croquette, fuir, trouver Chloé, fuir, tout faire péter, fuir.

            Il y avait pas mal de faille dans son plan… Mais Rune garda la tête froide, elle ne devait pas faiblir. Chloé l’attendait. La pauvre lui avait fait tellement de peine lorsqu’elles ont été séparées. Son cœur se serra dans sa poitrine quand elle la revit pleurer sur son épaule. Rune serra les poings et retourna dans son dortoir. Elle ouvrit le placard et découvrit une série de vêtements identiques accrochés.

            Et elle n’avait pas envie de les mettre.

            Un uniforme rose fluo avec une cravate bleue couverte de dessin de chaussettes. Des sandales avec une paire socquette et une jupe courte jaune. Entre les couleurs et les motifs, tout était horrible. Rune secoua la tête puis enfila le tout. Elle avait honte de porter ces choses, mais qu’importe.

            Lorsqu’elle sortit de sa chambre, Jakam et ses deux gardes l’attendaient. Jakam applaudit de son sourire resplendissant.

            – Magnifique ! Allez, suis-moi !

            Elle brûlait d’envie de lui mettre son poing dans la figure. Mais les gardes possédaient leur matraque électrique et elle ne pouvait pas encore s’en défaire. Il passa les doubles portes juste à côté, qui terminaient ce long couloir.

            Rune resta bouche bée face à l’incroyable pièce qui s’offrait à elle. Même son bureau semblait petit face à ça. Son appartement se trouvait sous un grand dôme vitré avec vue sur l’espace. Il possédait un petit salon avec une télé dans le coin gauche de l’entrée, avec canapé et mini bar. De l’autre, un immense lit permettait d’accueillir au moins cinq ou six personnes sans problème.

            Rune traversa la pièce avec Jakam, voyant des armes potentielles partout autour d’elle. Des statuettes en bronze, des couteaux, des verres… Elle pourrait utiliser n’importe quoi pour se défendre.

            Devant le lit se trouvait une autre pièce cachée. Et là, rien n’avait préparé Rune à ce qu’elle venait de découvrir. Cet homme possédait une collection incroyable de chaussettes. Bien exposé, il possédait deux paires de chaque. La première était accrochée en décoration et l’autre pliée pour être utilisée.

            – C’est dingue… murmura-t-elle.

            Jakam était fier de ça.

            – Voilà ton boulot ! Tenir tout ça en ordre. Viens, je vais t’apprendre à plier !

            Il y avait une montagne de chaussette dans un coin, posé à côté d’une table. Jakam lui montra une première fois, et Rune n’y comprenait rien. Il faisait n’importe quoi. Il les pliait dans tous les sens pour en faire un petit carré qu’il trouvait joli. Rune se dit qu’il ne devait surtout pas venir voir sa maison, vu qu’elle laissait trainer ses vêtements.

            Elle n’y arrivait pas. Après cinq tentatives, Jakam commençait à perdre patience. Cela la rapprochait d’être jetée dans l’espace. Elle devait garder une concentration parfaite pour réussir cette épreuve.

            Après une dizaine de tentatives infructueuses, Jakam lui donna une première fessée. Elle le menaça en lui disant que s’il recommençait elle lui arracherait le bras, mais cela ne fit rien. Jakam la fessa encore plus fort à chaque fois qu’elle rata. Mais la seizième tentative fut la bonne. Elle hurla de joie en voyant Jakam satisfait de son pliage.

            – Maintenant, le nettoyage. Amène-toi.

            Et encore une fois, ce fut une véritable galère de comprendre cet idiot. Il mettait une vingtaine de produits différents, à une température différente et à une dose bien précise. Il lui faudrait environ cinq heures pour laver ses chaussettes. Elle avait envie de se pendre rien qu’à cette idée.

            Une fois toutes les explications reçues, Jakam lui remit les menottes à ses poignets. Mais il lui laissa devant elle, ce qui lui permettait de s’occuper de ses besognes. Évidemment, un garde armé restait dans la pièce tout le long de son travail. L’esclavagiste s’apprêtait à partir quand une idée émergea dans son cerveau malade.

            – Ah j’oubliai, dit-il en revenant sur ses pas. Si tu veux une petite partie de jambe en l’air, c’est quand tu veux. Y’a de l’espace et j’ai plein de jouets.

            Rune roula des yeux.

            – Et évidemment, chaque bon coup te fait gagner des passes droites ! À toi de voir !

            Il quitta les lieux sur ces mots, laissant Rune seule face à la montagne de chaussette. Elle se mit au travail, respectant scrupuleusement le pliage des vêtements. En observant l’homme qui prenait soin de la surveiller, elle remarqua qu’il avait tendance à la reluquer avec un sourire benêt. Peut-être qu’elle pourrait se servir de lui plus tard…

            Après un instant, elle vit un homme entrer et faire le ménage, mais lorsqu’elle voulut lui parler, le garde la menaça de son bâton électrique.

            – J’ai pas le droit de parler avec un autre servant ? s’étonna Rune.

            Le garde secoua négativement la tête.

            – Seulement si t’as le passe-droit.

            – Ben voyons…

            Rune devait s’en douter. Elle allait rester seule, loin de tous, les mains attachées, jusqu’à ce qu’elle demande d’elle-même à coucher avec cet enfoiré. Hors de question qu’elle ne se laisse faire. Elle allait continuer comme ça jusqu’à découvrir l’endroit où se trouve Chloé et la direction prise par le Saint Ordre Félin.

            Au vu de la complicité de Jakam, elle était sûre d’y dénicher des informations. Pour le moment, elle plia les chaussettes avec précaution, ayant peur de se faire battre à la fin de la journée.

            Jakam rentra tard. Exténué, il s’allongea dans son lit après un long soupir. Rune n’avait même pas terminé sa montagne. Elle continua de travailler, ignorant le chef qui se relevait pour se servir un verre de whisky.

            – Chloé est d’une beauté sans pareille quand elle joue un chat soumis.

            Rune sentit la colère monter. Lui faisait-il subir la même humiliation qu’elle tantôt ? Cette idée la fit frémir d’horreur, si bien, qu’elle rata le pliage d’une chaussette. Sans s’en rendre compte, Jakam s’était glissé derrière elle et il profita de cette erreur pour la fessée à nouveau.

            – Alors, on rate son travail ?

            – Non, ce n’était qu’une petite erreur, grimaça-t-elle.

            Rune continua, alors qu’elle sentit la respiration de Jakam vers son oreille. La pression lui donna des sueurs froides, elle n’avait pas le droit à l’erreur. Après un couple de socquettes rangé, elle osa demander :

            – Où est Chloé ? Elle va bien ?

            Jakam sourit. Il se demandait s’il devait jouer avec elle où lui répondre.

            – Une servante qui pose des questions… Eh bien !

            Rune attendait la réponse en le fusillant du regard, ce qui l’amusait davantage.

            – Je veux bien répondre à tes questions, mais tu dois faire quelque chose en échange à hauteur de l’importance de celle-ci.

            – Euh… Ok. Tu veux quoi pour cette question ?

            Il mit la main sur son manteau et réfléchit en laissant trainer un long murmure.

            – Tu vas devoir m’aider à mettre mes chaussettes désormais !

            Un nouveau boulot alors qu’elle comptait tout réduire en cendre ? Pas de problème ! Rune accepta et Jakam lui révéla l’emplacement exact du cabaret dans lequel elle jouait, mais la suite fut plus grave.

            – Elle ne va pas rester longtemps, un riche veut l’acheter pour des jeux bizarres… Il la récupère demain soir, donc hop, tu peux lui dire adieu.

            Rune pesta dans sa tête. Elle devait trouver un plan d’évasion bien plus rapidement que prévu. Elle y réfléchirait une fois dans sa chambre, pour l’instant, elle posa sa deuxième question :

            – Où se dirige Félix avec les croquettes légendaires ?

            Jakam siffla.

            – Alors là, on tape dans les informations confidentielles…

            Il laissa sa phrase en suspend quelques instants.

            – Allez, je te réponds si tu passes la nuit avec moi. Je suis gentil, j’aurais pu proposer bien plus.

            – Tout compte fait, j’ai pas envie de savoir ça, répondit-elle.

            Cette fois, sa réponse énerva Jakam et il la congédia d’un geste de la main, déçu de son refuse. Rune fut raccompagnée jusqu’à sa chambre où elle put enfin s’allonger un peu, dépourvue de ses menottes infernales.

            On lui proposa un repas sur un plateau. Pas question pour elle de rejoindre la cantine, il fallait les fameux passe-droits pour ça. Mais qu’importe, elle avait prévu de se tirer dès le lendemain. Un peu de charme au garde, elle récupère ses armes, elle s’occupe de Jakam pour qu’il réponde à ses questions, et le tour est joué. De toute manière, elle n’avait pas d’autre plan et le temps était compté !

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