Chapitre 17

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            Yuki ouvrit les yeux et se releva brusquement pour cracher du sable. Elle toussa, alors que les cailloux lui raclaient la gorge. Cela lui faisait un mal de chien. Elle essuya sa bouche d’un revers de manche puis se leva avec difficulté. Les muscles douloureux, elle scruta les environs à la recherche de ses compagnons.

            Sylver était étendu à quelques mètres d’elle. Elle s’élança à son secours. Elle le secoua gentiment en lui demandant de se réveiller. Il grogna, puis se redressa brusquement. Il se débarrasser du sable qu’il avait mangé lui aussi, puis se redressa en observant les alentours.

            – Bordel, on est où là ?

            Yuki détailla la chambre du regard. Il n’y avait rien, pas même des objets anciens qui trainaient, ou même des trésors que la gardienne voulait emporter dans sa mort. Il faisait sombre et froid. Le faisceau du téléphone de Yuki balayait les ténèbres, dévoilant de nombreuses toiles d’araignées à la taille disproportionnée.

            – Aucune idée, déclara Yuki. Tu vois les autres ?

            Sylver secoua la tête. Yuki soupira. Ils empruntèrent l’unique sortit disponible et longèrent un long couloir. Le cœur battant, la jeune femme marchait lentement, peur de découvrir des pièges à chaque coin. Elle s’attendait à des scies circulaires sortant des murs, à des piques jaillissant du sol…

            C’était toujours comme ça dans les mangas d’aventure. Une fois séparés, les héros devaient toujours affronter des hordes de monstres et des pièges en tout genre. Elle avait l’impression d’être l’une de ses héroïnes de bande dessinée. Mais il ne s’agissait pas d’un jeu… Elle se trouvait réellement dans un endroit dangereux, sans ses amis.

            – Bon, tu pourrais avancer la miss ?

            Yuki s’arrêta et dévisagea le chat.

            – T’as un problème ?

            – Tu marches plus lentement qu’un vieux croulant en béquille. Tu pourrais pas te bouger le cul ? J’ai pas envie de rester là pendant des lustres…

            – Moi non plus, figure-toi. Et c’est quoi ton problème ? Tu es toujours désagréable avec tout le monde. Enfin, surtout avec Rune…

            – Je peux pas blérer les humains ? Ça te va comme réponse ? Vous nous avez réduits à l’esclavage !

            – Foutaise, ricana Yuki en reprenant la route. On vous câlinait toute votre vie ! Il n’y avait pas plus heureux.

            – Ah ouais ? Tu crois que ça a amusé mes ancêtres de chier dans des cailloux et manger vos merdes de croquettes ?

            Yuki n’y avait jamais pensé. Dans les archives, les humains et les chats vivaient une belle harmonie. Chacun prenait soin de son animal domestique, tout en prenant soin de faire des vidéos humoristiques avec leur compagnon. Ils se nourrissaient de bon repas, que ce soit avec des croquettes ou des pâtés, alors pourquoi ce sentiment de haine envers eux ?

            Ces félins passaient leur temps à manger et dormir, une vie de rêve non ?

            Mais elle ne voulait pas rentrer dans un débat austère. Sylver ne semblait pas enclin à débattre de ce sujet. Elle voyait bien qu’il resterait à jamais violent envers les Humains. Elle comprit la difficulté pour Sylver de venir quémander de l’aide chez les Humains qu’il détestait. Aussi, elle préféra ne rien ajouter et continuer d’avancer toujours plus loin dans cette pyramide.

            Elle rattrapa facilement le chat qui prenait de la distance sur elle. À cause de son manque d’attention, elle ne remarqua pas la dalle étrange sur le chemin. Son pied s’enfonça dans un bruit mécanique. Après un simple « oups », elle sentit son cœur rater un battement en sentant le sol trembler.

            Elle se mit à courir comme une dératée. Les pavés se détachèrent sous une série de pics. Elle jeta un coup d’œil en arrière, remarquant que cela risquait de la rattraper. Sylver courait lui aussi, proférant des insultes dans tous les sens.

            Lorsqu’elle sentit une pierre s’effondrer sous son pied, Yuki sauta de toutes ses forces dans un cri de rage. Elle atterrit sur le sol et fit une roulade. Elle se redressa vivement et reprit calmement son souffle. Sylver l’attendait, les bras croisés.

            – Alors, c’est bon ? On peut y aller ?

            Yuki fronça les sourcils.

            – Désolée d’avoir survécu !

            Sylver haussa les épaules et se retourna.

            Yuki dégagea la poussière de sa veste de gestes de la main.

            – Si tu essayes de te faire détester par tout le monde, tu y arrives parfaitement.

            – Tu sais pas que…

            – Je m’en tape ! s’énerva la jeune femme.

            Yuki n’était pas du genre à s’énerver pour un rien. Elle n’aimait pas qu’on touche à ses amis, à sa nourriture et à ses mangas. Mais autre chose pouvait la faire sortir de ses gonds : voir quelqu’un faire exprès de se faire détester et ne faire aucun effort pour s’intégrer aux autres.

            Rune était la seule exception. Au départ, elle ne l’avait pas accepté. Cette femme se sabordait pour n’être approchée de personne, et avait longtemps refusé de rejoindre leur gang alors qu’elle travaillait avec eux de temps en temps. Mais elle avait suffisamment sympathisé avec elle pour la supporter. Aujourd’hui, il s’agissait même d’une amie proche.

            Mais Sylver ne faisait pas cet effort. Il fallut un déclic à Rune pour changer, peut-être en fallait-il un pour Sylver aussi ? Mais contrairement à leur nouvelle compagnonne, il insultait tout le monde à tout bout de champ.

            – Tu es là en train de te plaindre des Humains, et bla bla bla… On s’en fout ! T’as qu’à faire un effort au lieu de pleurer sur ton sort. T’a subi ce soi-disant esclavage ? Non ? Alors ferme là !

            Sylver l’observa avec de grands yeux. On ne lui avait sûrement jamais parlé de cette façon. Yuki continua d’avancer et passa sous une autre arche. Ils se trouvaient devant un grand escalier en colimaçon qui remontait. Elle le gravit sans faire attention à Sylver qui ruminait derrière elle.

            Ils continuèrent de déambuler dans ce réseau sous terrain sans dire un mot. Yuki jeta un œil à son compagnon, qui semblait enfin ronger par le remords. Ils tombèrent sur une grande étendue d’eau qui leur barrait la route.

            – Il va falloir nager, soupira Yuki.

            – Même pas en rêve !

            La jeune femme fronça les sourcils et se tourna vers le félin.

            – Attends… Vous avez toujours peur de l’eau ?

            Sylver lui répondit par un doigt d’honneur. Yuki ricana en essayant de se cacher, ce qui énervait davantage le chat. Il avança d’un pas décidé, puis glissa lentement ses coussinets dans le liquide glacial. Il sursauta et recula de quelques pas.

            – Pas question que j’aille là-dedans !

            – Tu peux rester ici et te momifier sur place.

            Sylver n’eut pas le temps de répliquer à la remarque acide de sa comparse. Elle se glissa dans l’eau puis nagea vers l’avant. Subitement, elle sentit le corps de Sylver tomber sur ses épaules. Le poids submergea sa tête avant même de retenir son souffle. Elle se débattait pour remonter à a surface, alors que le cha s’accrochait fermement à sa tête, toutes griffes dehors.

            – Fais gaffe, bordel !

            – Toi, fais gaffe ! Ne plonge pas comme ça !

            – Lâche-moi et nage !

            – Pas question ! Avance, Humaine !

            – Toi…

            Yuki serra la mâchoire, mais avança en trouvant un équilibre pour ne pas couler. Ils avancèrent lentement de cette manière, alors que le corps de la nageuse frissonnait. Elle claquait des dents, pendant que Sylver se plaignait de ses pattes qui touchaient l’eau. Elle avait beau l’insulter et lui dire de nager, il préférait rester sur la base de son crâne.

            Yuki sentit enfin une pente montante sous ses pieds. Elle sortit petit à petit de l’eau et Sylver sauta de son perchoir jusqu’au corridor suivant. Yuki, tremblante, se frictionna le corps pour tenter de le réchauffer.

            – T’inquiètes, tu vas te réchauffer toute seule ! railla Sylver.

            – Je pensais plutôt me faire un bonnet avec tes poils !

            Sylver déglutit lorsqu’il vit le regard noir de la jeune femme. Il déglutit et préféra ouvrir la marche sans piper mot. Après avoir longtemps marché, ils arrivèrent dans une immense salle circulaire. Des braseros s’allumèrent brutalement, dévoilant des murs dorés recouverts de hiéroglyphes.

            Sur le pan face à eux se trouvait une immense balance d’or dont l’un des plateaux se trouvait complètement vers le bas et de l’autre côté, une plume était délicatement posée. Yuki courut profiter des flammes pour faire sécher ses vêtements. Elle détailla la salle de ses pupilles émeraude. D’autres galeries s’enfonçaient dans les profondeurs de la pyramide, mais elle ne désirait s’y aventurer. Au contraire, elle espérait voir ses amis sortir de l’une d’elle.

            Sylver se penchait déjà sur la balance. Il l’analysait de tous les côtés, à la recherche d’un mécanisme caché.

            – Tu trouves quelque chose ? demanda Yuki.

            – Que dalle. Franchement, faut faire quoi avec ça ? Genre on peut rivaliser avec une plume ?

            – Je ne sais pas… Il faut monter dessus ?

            – Avec tout ce que tu bouffes, impossible que tu l’équilibres !

            Yuki sentit ses joues s’empourprer. Elle voulait lui mettre son poing dans la figure. Elle se retint, préférant rester au chaud, et resta muette après cette réplique cinglante.

            – Dans l’Égypte antique, cela ne servait pas à mesurer le poids de quelque chose ? réfléchit Sylver à voix haute.

            – Je crois, si… Mes connaissances sont un peu vagues sur le sujet.

            Sylver se pencha sur les hiéroglyphes et les peintures. Yuki le rejoignit, ne voulant pas s’éterniser plus longtemps dans ce tombeau. La balance était représentée avec un cœur d’un côté et la plume de l’autre.

            – Tu crois qu’il faut qu’on s’arrache le cœur pour le poser ? s’inquiéta Sylver.

            – Aucune idée. À moins qu’il faille peser notre amour comparé à une plume ?

            – C’est vraiment débile !

            – Bah et tu risques pas de l’équilibré non plus…

            Sylver ricana lui-même à la vanne que venait de lui envoyer Yuki. Mais ils n’étaient pas plus avancés pour autant. Comment faire pour résoudre cette énigme ? Le chat ne put attendre plus longtemps. Son impatience le poussa à monter sur le plateau vide d’un bond. Il se pavana fièrement alors que Yuki lui hurlait de descendre avant d’activer un piège.

            Mais finalement, le plateau s’équilibra parfaitement avec la plume. Derrière cet objet d’or, un pan de mur glissa vers le haut. Sylver écarta ses pattes sur les côtés.

            – Alors ? La classe ou pas ?

            Yuki préféra ne pas répondre et découvrit la prochaine pièce avec stupéfaction. La représentation de la pharaonne englobait tout le mur, tandis qu’à ses pieds, trônait sur un piédestal une magnifique coupole ouvragée de patte de chat. À l’intérieur, de nombreuses croquettes attendaient d’être récupérées.

            – J’en reviens pas, t’avais raison… s’étonna Yuki.

            – Oh bordel… Il ne faut pas que Félix les trouve !

            – Quoi donc ? demanda une voix derrière eux.

            Ils sursautèrent. Yuki fit volt face et se retrouva nez à nez avec Rune et Zaz. Elle dévoila leur trouvaille. Les croquettes légendaires étaient entre leur main !

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