Chapitre 2 : La Bascule du jeune Hector

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En cette soirée de printemps 1993, alors que la sagesse populaire déconseillait de se découvrir du moindre fil, les murs de tous les bâtiments de la ville restituaient la chaleur emmagasinée au cours de la journée, exceptionnellement chaude et ensoleillée. Sur le cours Jules Ferry, au coin de l’avenue de Londres, une cabine téléphonique était occupée par un jeune homme longiligne, aux cheveux noirs, vêtu légèrement. Le combiné sur l’oreille gauche, il écoutait, déboussolé par les mots qu’il entendait de sa correspondante.

— … tu comprends, tu dis les choses sans les dire… Je préfère que tu ne viennes pas… Pourquoi tu ne dis rien ?…

Un cri retentit, qui sortit Hector de sa paralysie passagère.

— Écoute, j’ai entendu quelque chose, je vais voir, on ne sait jamais, si je peux sauver le monde… Je t’embrasse.

Hector raccrocha le combiné du téléphone, se tourna vers la porte qu’il poussa. Au loin, dans son champ de vision, la tour Perret pointait vers le ciel obscur. Il remonta l’avenue de Londres, l’entrée du quartier britannique, reconnaissable à ses maisons au porche avancé, sous véranda, tels qu’on se les représentait, images d’Épinal de la capitale anglaise. Hector tourna à gauche, dans la rue Jean Boen, où il était logé pour le temps de ses études. Il ne fut pas surpris du manque de lumière, en face de sa porte d’entrée. Depuis plusieurs jours, déjà, une ampoule de lampadaire devait être remplacée, mais les services de la ville devaient avoir d’autres priorités à gérer. Dans l’ombre, un homme semblait étreindre une femme, probablement deux amants profitant de la pénombre dans une irrépressible attirance mutuelle. Une pensée traversa l’esprit d’Hector, qui le rendit légèrement colérique. Elle lui avait dit de renoncer à sa visite, certainement parce qu’elle craignait qu’il n’ait de mauvaises intentions. Mais il n’était pas comme ce type, qui semblait forcer cette jeune femme à accepter son étreinte. Il ne se comportait pas comme tous ces hommes qui ne veulent que goûter au fruit défendu avant de tourner les talons. Lui avait vraiment de l’affection pour son amie, pour rien au monde il n’aurait cherché à lui faire de mal. Il regarda encore discrètement ce couple, et, ruminant sa colère contre cet homme et tous les autres, fouilla dans sa poche pour y trouver la clé de la maison. Mais, de la pénombre, un petit cri s’échappa, qui éveilla son attention.

— Madame, est-ce que tout va bien ? s’enquit-il.

L’homme répondit, lâchant la jeune femme effrayée.

— Fous-nous la paix, connard.

— Hé mec, reprit Hector, bien que choqué par la violence de cette réponse, laissant sortir sa colère enfouie, tu te doutes bien que je ne peux pas rester là sans rien faire !

— Eh ben casse-toi, alors, pauvre con !

N’écoutant que son courage, Hector se rua sur l’agresseur, devant les yeux hésitant entre panique et soulagement de la jeune femme qui n’entendit qu’un mot, de son sauveur.

— Courez !

L’agresseur, un grand homme costaud, qui devait mesurer près de deux mètres, et peser plus de cent kilos de muscles, aux cheveux roux coupés au plus court, était préparé depuis longtemps déjà à ce genre de situation et ne se laissa pas intimider par l’attitude vengeresse d’Hector, qu’il frappa d’un coup de poing de revers au menton. La jeune femme s’enfuit sans demander son reste, alors que l’agresseur frappa de nouveau Hector d’un crochet gauche au visage, puis d’un coup de pied de face au corps. Contrarié d’avoir été dérangé dans une sombre besogne, il lui fit comprendre que, comme un mauvais élève perturbant le cours, Hector allait être sévèrement puni.

— T’aurais pas dû t’en mêler…

Une pluie de coups plus tard, Hector gisait sur le sol, sans réaction. L’agresseur sortit un gros couteau du fourreau caché dans son dos et s’apprêta à le poignarder.

-

— … et cette jeune femme, interrogea Joanie, c’était Marie ?

— Oui, répondit Fred, qui continua son histoire. Lui, il a été admis à l’hôpital, où il est resté deux mois. Il avait pris tellement de coups, mauvais. On ne savait pas ce qu’il adviendrait. Marie était étudiante en médecine. Quand elle n’était pas en cours, elle étudiait dans la chambre d’Hector. Elle voulait être là lorsqu’il se réveillerait.

-

Deux mois après l’agression dont il avait été victime, malgré lui, Hector se réveilla dans une chambre d’hôpital. Dans un coin de la chambre, une table était occupée par une jeune femme au milieu d’une montagne de livres, cahiers, classeurs, et feuilles volantes. Intrigué, sortant de sa torpeur, il attira son attention.

— Bonjour.

— Bonjour, répondit la jeune femme.

— Qui êtes-vous ?

— La personne que vous avez sauvée, dans la rue. Je m’appelle Marie, Marie Fontaine. Je suis étudiante en médecine. J’ai accès à votre dossier…

Marie lui expliqua dans quelles circonstances il s’était retrouvé dans ce lit d’hôpital. La mémoire lui revenait peu à peu, au fil de la discussion, jusqu’à ce que celle-ci fût interrompue par l’équipe médicale en charge de leur patient héroïque, mais la fatigue le gagna rapidement, et lorsqu’il s’endormit, Marie rangea ses affaires, et quitta la chambre. Le lendemain matin, après une nuit réparatrice, Hector, assis sur son lit, reçu la visite d’un policier en uniforme.

— Bonjour, je suis le brigadier Briggs. Avec mon collègue, je vous ai amené ici, il y a deux mois. On se demandait quand vous reviendriez… Apparemment, vous êtes un héros. On a parlé de vous à la télé… sur toutes les chaînes.

— Super…

— Il vous a bien abîmé, le type ; fractures diverses, trauma crânien, deux mois de comas… vous avez envisagé le karaté, le judo, quelque chose comme ça ?

— Oh, vous savez, on dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit…

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