Chapitre 1 : En savoir plus

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— Je te passe Joanie, elle veut te parler.

La voix de Marie était inhabituellement froide, ne trahissait aucune marque d’affection. Son interlocuteur, elle le connaissait, suffisamment bien pour le tutoyer, mais n’éprouvait pour lui aucune sympathie. Elle ne prononcerait pas un mot de plus, et laissa donc Joanie parler.

— Il faut que tu me racontes tout ce que tu sais, en détail, Hector, ma mère, Marie, Alban… Je veux comprendre… Je veux savoir ce qui s’est réellement passé, pourquoi ma mère a été assassinée.

— Retrouve-moi ce soir au bar de l’Apocalypse. Je t’invite pour dîner. Demande à Marie de te trouver un train. Elle n’a pas besoin de venir.

Il ne lui en dirait pas plus. Les sentiments de Marie pour Fred étaient réciproques, ce qui simplifiait leur relation, et faisait gagner du temps, très souvent, à ceux à qui ils servaient d’intermédiaires.

-

Le même soir, au bar de l’Apocalypse, Fred et Joanie se retrouvèrent à table. Fred donna à Joanie un vieux dossier contenant un grand nombre de pages dactylographiées, et des photos.

— Hector m’a fait ce rapport, il y a quinze ans. Il avait besoin de mon analyse. J’y ai ajouté des photos, pour toi. Tu peux les garder.

— Des photos ? En quoi ç’aurait…

— Tous est quasiment parti de là. Ce sont les photos du séjour au cours duquel il a rencontré Hélène.

— Des photos de ma mère ? Comment elles sont arrivées entre tes mains ?

— Il les avait scannées. Par sécurité, j’ai une copie mise à jour quotidiennement de son disque dur.

Joanie regarda les nombreux clichés. Des photos de groupes, plus ou moins importants, de jeunes gens qui semblaient tous s’amuser la plupart du temps. Sur la majorité des photos, Joanie reconnut Hélène, à dix-sept ans, rieuse, rayonnante, insouciante comme pouvaient l’être les jeunes filles de son âge, près de trente ans auparavant. Elle était le plus souvent accompagnée de quelques autres jeunes gens, presque toujours différents. Seul un jeune garçon se trouvait toujours sur les mêmes photos. Un grand garçon aux traits fins, aux cheveux d’un noir corbeau, qui d’une image à l’autre échangeait avec Hélène des regards complices. Alors qu’elle pensait reconnaître en ce jeune homme les caractéristiques du visage d’Hector, Joanie découvrit, sur la dernière photo, sa mère, en gros plan, une écharpe de tissu fin enrubannée autour de son cou. La tête légèrement penchée sur son épaule gauche organisait sa chute de longs cheveux blonds, virant au châtain-clair, en courbes gracieuses sur le pull en laine noire qu’elle portait. Ses yeux couleur noisette brillaient de bonheur et d’espièglerie alors qu’elle tirait la langue comme une enfant qu’elle semblait être encore un peu. Joanie sentit une larme couler sur sa joue, alors que Fred lui signala un petit fascicule qui accompagnait le dossier. Il s’agissait d’un recueil de chants que le groupe avait confectionné, en plusieurs pages, de façon à avoir un souvenir à garder de ces moments. Les premières et dernières pages, initialement laissées vierges à dessein, étaient couvertes de dédicaces des convives à Hector. Il était vraisemblable que chacun avait ainsi eu un petit mot de tous les autres, renforçant le souvenir de cette joyeuse semaine ensemble. Joanie s’arrêta sur une dédicace en particulier, qu’elle lut avec un sourire mélancolique.

— À mon coco avec qui j’ai passé une semaine d’enfer. Hélène, ta doudou.

— À partir de là, reprit Fred, il a changé. En bien. Il n’y avait plus qu’elle. Ça l’a motivé pour finir ses études, réussir ses examens. Il voulait bien paraître, être quelqu’un. Qu’elle puisse être fier de lui. Un peu naïf, romantique, mais ç’a marché. Il lui écrivait au moins une fois par semaine. Il l’appelait souvent, le soir. Il a dû en dépenser, en cartes de téléphone…

— Cartes de téléphone ?

Fred devait remettre l’histoire dans le contexte d’une autre époque, où les moyens de communication, bien que performants, n’étaient pas encore ce qui faisait désormais référence, en particulier pour Joanie.

— Les téléphones portables n’existaient pas, à l’époque. Il descendait dans une cabine, dans la rue, et il l’appelait. Il lui arrivait de consommer une carte entière en un soir, un appel…

— Et ils se disaient quoi, tout ce temps ?

— Ça, je ne sais pas, il ne me racontait pas. C’était leur histoire. Ç’avait l’air sympa, vu de ma fenêtre. Une fois, en fin de deuxième année, ils avaient plus ou moins convenu de se revoir, il allait monter à Paris, ils auraient passé la journée ensemble. Il s’en faisait une joie… Un soir, il a rappelé Hélène pour confirmer, figer les détails… Mauvaise soirée.

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