35. Capture.

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Loup se réveilla aux premières pâles lueurs du jour. La lumière affleurait à peine à travers les nuages sombres mais il n'eut pas le temps de contempler le panorama. Un craquement brisa le silence de la nature encore endormie. Il grimpa rapidement dans le grand arbre qui surplombait la vallée et scruta la forêt.

Des buissons s'agitaient un peu plus loin. Il attendit.

Grys sortit d'un bosquet rabougri.

Loup sourit. Cette fois la chance était avec lui. Il se retrouvait ici probablement pour la même raison que lui, trouver un lieu en hauteur pour s'orienter et s'échapper de ce labyrinthe.

Il s'approchait comme un rat aux abois.

Plus que quelques pas et le crâne de Grys serait à sa portée.

Loup sauta et fit choir le mercenaire manchot.

Il lui assena quelques coups de bottes dans les côtes.

- Arrête! Grys avait levé sa seule main pour tenter de se donner une brève accalmie. On peut s'entendre. Je peux t'aider à coincer Alzebal, je veux la tuer autant que toi. Elle m'a trahi et...

Loup l'interrompit.

- Attends tu as dit "Elle"?

- Oui Alzebal est une femme. Il soupira. Et pas n'importe laquelle.

- Que veux tu dire?

- C'est la mère de mes enfants.

Loup ricana.

- Et je suppose que tu n'es pas le père du fils d'Alzebal que j'ai assassiné.

- Non en effet.

- Vous êtes vraiment les pires créatures que j'ai rencontré. Les rats et même les cafards ont une utilité, vous, vous ne servez à rien. Vous tuez, vous vous entretuez, vous trahissez.

- Je n'ai jamais trahi personne.

- Et tu penses être meilleur que ta femme?

- Non. Je sais ce que je suis.

Loup le prit par le col de son manteau.

- Je vais te tuer Grys.

Il le lacha en le repoussant vers le sol. Le mercenaire s'écrasa dans l'herbe avec violence.

- D'accord, d'accord Loup. Vas y tue moi!

Grys se mit à genoux, d'une main ouvrit son manteau et fit face à celui qui allait le tuer.

- Je n'ai plus rien. J'ai tout perdu.

Loup serra les dents.

- Tu m'a pris les êtres que j'aimais le plus en ce monde et tu penses que je vais m'apitoyer sur ton sort?! Et je te rassure tu n'as pas tout perdu, il te reste ta vie et je vais te la prendre.

Grys leva les bras.

- Avant que tu me tue, laisse moi te dire une chose.

Loup acquiesca sans rien dire.

- Crois ce que tu voudras mais je suis vraiment désolé pour ta famille. Je t'assure. J'ai toujours essayé de survivre. Je n'ai connu que ce monde de violence. J'ai des enfants que je ne reverrai sans doute plus. Grys baissa la tête. Mais je l'ai mérité.

- Moi aussi j'ai grandi dans la violence. Maintenant abrège. Ma patience a des limites.

- Je ne cherche pas ton pardon.

Loup sourit.

- Je veux que tu comprennes que je ne suis pas si mauvais que tu le penses.

- Crois tu avoir la clémence des dieux en te repentant. Tu ne mérites pas de vivre.

- Voilà bien longtemps que les Dieux ne s'intéressent plus à ce monde et voilà bien longtemps que je ne mérite plus de vivre.

- C'est bien la première fois que nous sommes d'accord et la dernière.

Loup sortit sa dague et l'enfonca dans les entrailles de Grys.

Le mercenaire ne cria pas. Il le regarda dans les yeux.

- Merci.

Se tenant le ventre, Grys se releva en tremblant et il recula vers le bord de la falaise en titubant. Le sang envahissait sa chemise.

- Tue la Loup, tue Alzebal.

Le mercenaire esquissa un sourire, trébucha contre une branche et bascula dans le vide sans un cri.

Des applaudissements derrière Loup le firent sursauter. Il se retourna. Devant lui se tenait une femme d'une quarantaine d'années aux traits enfantin et aux cheveux bruns bouclés. Son regard haineux ne semblait pas lui appartenir tant son visage était rond et doux. Elle portait une longue jupe fendue au milieu qui laissait apparaitre ses jambes gainés d'un pantalon de cuir noir. Une armure légère sombre sur le torse et à la ceinture, une fine épée finissaient le tableau qui s'offrait à Loup.

Il ne l'avait jamais vu mais savait qui se tenait devant lui.

- Je me présente, je suis Alzebal.

- Je sais.

- Tu ne parais pas surpris que je sois une femme.

Loup fit un mouvement de la tête vers le précipice

- Ton cher mari, avant qu'il fasse le grand saut m'a conté un ou deux trucs mais ce qui me surprend c'est que tu sois seule. Souvent les pleutres ont leur garde rapprochée.

Alzebal sourit, leva le bras et une vingtaine de mercenaires apparurent derrière elle.

Loup regarda les sbires d'Alzebal puis revint poser son regard sur son ennemi.

- Je ne sais pas si ce sera aujourd'hui mais je te tuerais chienne.

Sa voix ne trahissait ni la peur ni la colère.

Alzebal baissa les yeux.

- Ta haine t'a rendu trop confiant et stupide. Elle se passa la main dans les cheveux. Pourtant, tu ne mourras pas aujourd'hui. Je t'ai réservé un traitement spécial.

Alzebal fit un geste de la main et sa petite armée se mit en branle.

Loup regarda autour de lui, la falaise étroite était un avantage pour lui. Les mercenaires ne pouvaient le submerger par le nombre au risque de chuter dans le précipice.

- Vous pouvez l'abîmer mais je le veux vivant!

Loup dégaina son épée d'un geste rapide et transperça le premier homme qui s'était jeté sur lui. Il dégagea son arme du ventre de son agresseur et donna un coup puissant avec le tranchant de son arme au niveau du coup du deuxième mercenaire qui s'écroula la tête presque détachée de son corps. Il ne s'était passé que quelques secondes entre les deux premiers morts. Les sbires suivants, prudents et effrayés par la rapidité de leur adversaire, ne se ruèrent pas immédiatement sur lui.

Loup fléchit les jambes et tenant de son épée avec ses deux mains il la leva devant lui.

Il attendit.

Quatre hommes de main levèrent leur épées et s'approchèrent de Loup.

Il changea sa garde, relevant vivement les mains au dessus de sa tête surprenant ses adversaires, qui se figèrent un instant craignant une attaque fulgurante.

- Attaquez le bande d'incapables!

Alzebal était furieuse.

Poussés par leur chef, deux bougres lancèrent leurs armes sans prudence vers Loup.

Ce dernier se mit en action à une vitesse presque surnaturelle.

Il bloqua le coup d'un des sbires de la main gauche et d'un geste vif abaissa son arme vers le sol obligeant l'homme à se courber et l'empêcha de bouger momentanément. De sa main droite il sortit une dague de sa ceinture et l'enfonça sous le menton du deuxième assaillant qui levait le bras pour le frapper. Instantanément il ramena le poignard ensanglanté vers l'autre combattant et sans qu'il n'ait eu le temps de se dégager, lui enfonça dans le crâne. Les deux hommes s'écroulèrent laissant de la place aux deux autres qui attendaient leur tour. Loup se redressa et pivota vers la gauche évitant les deux attaquants. Emporté par son élan, l'un trébucha et se retrouva dans le vide en hurlant et en agitant les bras. Le deuxième le rejoignit peu après que Loup lui ait décoché un coup de pied dans le plexus. Il fut projeté en arrière et quinze mètres plus bas, dans un craquement sinistre, son dos percuta le sol.

Loup se retourna prestement et tenta sa chance, il lança sa dague vers Alzebal. L'arme vola vers la tête de sa pire ennemie. Il sourit en voyant qu'elle ne pouvait l'éviter.

Venue de nulle part une silhouette se dressa devant Alzebal.

Le poignard se ficha dans l'épaule de Lodith qui scilla à peine.

La géante leva la main et fit non en agitant son index.

Loup ragea mais absorbé par son attaque il se fit surprendre par plusieurs assaillants.

Rapidement submergé, son arme tomba à terre, il se débattit et réussit à pousser deux autres mercenaires dans le vide, leurs cris désespérés retentirent à des lieux à la ronde mais les sbires le maitrisèrent et il fut forcé de s'agenouiller devant son pire ennemi.

Alzebal s'approcha et frissonna de plaisir.

- Loup à mes pieds. Si tu savais combien de temps j'ai attendu ce moment.

Elle s'agenouilla face à lui.

Elle s'agenouilla face à lui.

- Je te hais.  Mon fils était mon trésor. Tu me l'as volé. Avant que tu payes pour ton crime, dis moi de mère à père, a t-il dit quelque chose avant de mourir? Quelles ont été les dernières paroles de mon fils? 

Loup hocha la tête

Alzebal s'approcha du visage de son ennemi.

Il ouvrit la bouche et un gargouillis infâme en sortit.

- Voilà ce qu'il a dit, j'ai pas tout compris mais...

Alzebal frappa l'assassin de son fils.

Loup cracha et redressa lentement la tête.

- Mais j'avoue que je n'ai pas fait d'effort.

Alzebal s'était relevée. Retenant sa colère, elle respira profondément.

Loup parla à nouveau.

- Tu sais, je n'ai qu'un regret.

- Un seul? Avec ta femme et ta petite fille j'en compte deux.

Loup serra les dents.

- Mon seul regret c'est que ton fils soit mort aussi rapidement. Si j'avais su que c'était lui dans le cimetière, il aurait souffert mille morts et peut-être aurait-il dit quelques mots pour sa maman avant de pousser son dernier soupir.

La mercenaire frappa Loup sur son visage déjà tuméfié.

La douleur physique pour Loup n'était plus rien comparée à la souffrance de son âme brisée.

Il regarda Alzebal dans les yeux et cracha lentement de la salive mêlé de sang.

- Je ne devrais pas mais je vais te donner un conseil.

La chef des mercenaires le toisa.

- Un conseil?

- Tu ne devrais pas me garder en vie.

Alzebal eut un petit rire nerveux.

- Tu vas souffrir comme jamais. Les geôles putrescentes t'attendent.

Loup baissa la tête.

Je suis là.

La voix d'Iria glissa doucement dans son esprit l'apaisant.

Je suis prête à attaquer. Je ne te laissera pas tomber Loup.

Oublie moi Iria. Ce n'est pas ton combat. Je ne veux plus embarquer personne dans ma quête perdue.

Tu m'as sauvé. j'ai une dette envers en toi.

Si tu veux régler ta dette. Laisse moi et on est quitte.

Pourquoi ne veux tu pas être sauvé?

Je suis mort, avec Tili, Dwenn et mon père. Un mort n'a nul besoin d'être sauvé.

Et ton fils?

Il sera mieux sans moi. Je ne lui apporterai que chaos et mort mais j'ai un service à te demander.

Tout ce que tu voudras.

Retrouve Arcis au Mont Noir. Dans la brume, crie Ereim, c'est le prénom de mon grand-père. Dis à mon fils que je...

Il ne termina pas sa phrase.

Je le ferais.

Merci Iria. Je suis heureux que tu ais croisé ma route. Je ne t'oublierais pas. Je ne t'en veux pas pour Grys. Sois heureuse petite.

La jeune femme, accroupie dans les feuillages, ferma les yeux quelques instant avant de partir le coeur serré vers le Mont Noir. Elle ne fit aucun bruit, comme son père lui avait enseigné, elle s'éloigna sans se retourner. Du revers de la main, elle chassa une larme qui humecta ses doigts quelques instant avant de disparaitre comme un rêve qui ne se laisse pas capturer.

Lodith, en boitant, s'approcha de Loup, elle tenait une cagoule noire, un poignard toujours fiché dans son épaule. Elle s'agenouilla.

- Pour t'habituer à l'obscurité mon beau.

Loup dans un dernier soubresaut parvint à se défaire de l'étreinte des mercenaires et posa sa main sur le poignard.

Lodith hurla de douleur et asséna un violent coup sur la tempe du prisonnier. La lumière disparut et tout devint sombre pour Loup.

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