Chapitre 3 – draps promis et promesse de draps

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La salle de réception était certes plus chaleureuse que la cellule dans laquelle Nath avait vu l’alpha la dernière fois, mais voir ses yeux rendus brumeux par le venin était vraiment rageant. Il avait dit aux bêtas qu’au prochain rendez-vous, il descendrait de nouveau et pourtant, des ordres avaient été donné pour que Lidseï soit transporté jusqu’ici.

- Qu’a-t-il fait pour mériter une punition ? demanda-t-il au bêta avant même de s’approcher.

Le dit bêta s’appelait Mankier, c’était quelqu’un qui détestait les conflits même les plus légers et qui n’avait franchement pas l’habitude de voir un autre oméga qu’Atkins en colère. Il remua, mal à l’aise. Il était déconseillé d’annoncer les fautes de l’alpha car cela pouvait inquiéter l’oméga, en même temps, vu les circonstances, il pouvait bien déroger à la règle. Outre que cet oméga allait devoir gérer Lidseï seul au bout du compte, la punition n’avait pas de causes réellement graves.

- Nous avons des règles et des protocoles de gestions des alphas au cas par cas. Ce sont des exercices de préventions qui, lorsque l’alpha s’y plie, permettent d’éviter des situations potentiellement dangereuses.
- D’accord.
- Lidseï doit toujours marcher en retrait de manière à ce que sa laisse soit à peine détendue. S’il la tend, il est puni. S’il marche trop vite, il est également puni.
- Vous l’avez puni au collier pour ça ?
- Oui. C’est la règle. Avec ce genre d’alpha, on ne fait vraiment pas de cadeaux malheureusement.

Nath acquiesça mollement. Il ne pouvait pas changer les règles internes à cette zone commune mais c’était abusif… Il n’en revenait pas. A combien de règles « de sécurité » absurdes devait se plier ainsi Lidseï ? Était-il puni régulièrement ? Peut-être tous les jours ? Peut-être davantage ? Comprenait-il seulement pourquoi il était puni si de tels détails pouvait déclencher le collier ?

- Je voudrais qu’il soit détaché. Est-ce possible ?
- Oui, en salle de réception, vous pouvez le détacher. Je suis juste devant au cas où.
- Bien, merci.

Nath se détourna et marcha lentement jusqu’à Lidseï en prenant garde de se mettre dans son champ de vision. Il semblait moins mal que la première fois, mais il tanguait légèrement malgré tout. Le collier qui l’avait puni rentrait un peu dans sa gorge, maintenu par la laisse trop courte.

- Bonjour Lidseï.

Seul le silence lui répondit, mais l’alpha cligna un peu plus vite des paupières et leurs regards se croisèrent un instant avant qu’il ne baisse les yeux. Il ne comprenait pas pourquoi cet oméga s’acharnait à revenir alors qu’il était continuellement puni. Nath devait avoir compris qu’il était désobéissant et dangereux maintenant, alors pourquoi refaire une rencontre ?

- J’ai eu l’autorisation de te détacher aujourd’hui. Est-ce que tu veux bien me laisser accès à ton collier ?

Au lieu de lui répondre, l’alpha observa la porte close derrière laquelle se trouvait le bêta. Être détaché c’était dangereux. Il se plaqua un peu plus au piton en interdisant l’accès par sa simple posture.

- D’accord, répondit tranquillement Nath avant de faire demi-tour pour s’éloigner.

Un gémissement plaintif l’arrêta néanmoins.

- Ne partez pas… S’il-vous-plait… J’o-j’obéirais.

Il se retourna et essaya d’offrir un sourire apaisant à l’alpha.

- Je ne pars pas, ne t’inquiète pas.

Nath ouvrit la porte et demanda au bêta s’il voulait bien venir une minute. Presque aussitôt le garde se tendit et en se retournant, Nath sentit son souffle se couper. Le regard de Lidseï était complètement fou, il avait levé les bras autour de son visage et les avait écartés dans un geste qui semblait répété.

- Excusez-moi de vous déranger, j’aimerais simplement que vous me confirmiez que j’ai le droit de détacher Lidseï et qu’il ne sera pas puni pour ça.
- Il vous a dit le contraire ? Tu ne dois pas mentir, Lidseï. Lâcha sombrement Mankier.
- Non, non. Il n’a rien dit. Est-ce que vous voulez bien me le confirmer ?
- Dans cette salle, vous faites ce que vous voulez. C’est une zone de rencontre et d’apprivoisement, vous êtes le maître des lieux.
- Merci.
- Ce sera tout ?
- Oui.

Le bêta jeta un dernier regard sombre à l’alpha qui tremblait sans pour autant changer de positions. Il ne baissa les bras qu’un long moment après que la porte se soit fermée, hyperventilant légèrement sous une angoisse qui n’avait rien de feinte. Nath attendit un instant avant d’affirmer :

- Ici, ce sera mes règles. On va faire simple : tu ne m’attaques pas … et disons que tu ne détruis rien ? Ce sera tout. Et puisque je peux te détacher, profitons-en. Je n’en peux plus de te voir suffoquer.

Il nota que Lidseï tremblait comme une feuille, mais il attendit patiemment qu’il se pousse pour lui donner accès au piton. Il fallut presque une dizaine de minutes avant que l’alpha n’accepte de le faire, lentement, presque à contre-cœur.

- Tout va bien, je te rattacherais avant de partir si tu veux. Tu ne risques rien.

Lidseï ne bougea pas, il resta raide exactement comme s’il était toujours attaché. Vu son dossier et les recommandations nombreuses qui l’accompagnait, c’était plutôt rassurant, mais une partie de Nath aurait aimé le voir au moins plus détendu. Pour essayer de le faire penser à autre chose, l’oméga parla de tout et de rien.

- Ce soir, je retournerai voir les travaux. Ta chambre est presque prête. On a enfin reçu les meubles et la literie, je suis vraiment content de la qualité. J’espère que les couleurs te plairont par contre. Enfin ! On sera toujours à temps de te commander autre chose. Nous avons aussi une chambre commune bien-sûr, mais quand tu viendras, ce sera un peu tôt pour ça je pense.
- Quand je viendrais ?
- Et bien oui… quand tu viendras. Nous devons remplir quelques critères encore, mais nous progressons alors j’espère que ça pourra se faire au plus tôt.

L’alpha baissa lentement la tête avant d’acquiescer doucement, puis si doucement que Nath eut du mal à l’entendre, il chuchota :

- Des draps…

Nath se mordilla la lèvre inférieure, sans trop savoir quoi répondre. Il avait constaté de ses yeux les conditions dans lesquelles l’alpha dormait et il était hors de question de les reproduire.

- Un matelas, des draps, une couette… Je te fournirai tout ce que je peux pour que tu sois à l’aise.

Lidseï resta silencieux un long moment, perdu dans ses pensées. Il ne voulait pas réellement croire à ce genre de promesses, les désillusions pouvaient être horriblement douloureuses et il était bien placé pour le savoir. Mais une partie de lui s’y imaginait déjà. Le lit serait assez grand pour qu’il s’allonge, la laisse assez détendue pour ne pas tirer sur le collier même s’il se mettait sur le côté et il pourrait verrouiller ses doigts dans le tissu doux. Il s’y accrocherait de toutes ses forces, comme pour s’assurer que ce n’était pas illusoire et il pourrait dormir comme ça. Dormir vraiment. Lorsqu’il se réveillerait, il serait pleinement reposé. Depuis combien de temps cela ne lui était-il pas arrivé ? Il écarta la question, infiniment douloureuse, de son esprit.

- Qu’est-ce que je dois faire… pour… pour ça ?
- Pour avoir des draps ? Rien, je ne vais pas… je ne vais pas conditionner des choses aussi basiques.
- Et pour venir avec vous ?

Nath lui offrit un sourire doux avant d’annoncer, tranquillement :

- Tu fais déjà ce qu’il faut… Il suffit que nos rencontres se passent bien et ça finira par se faire. Il faut être patient.

Lidseï baissa la tête. Il aurait préféré avoir une mission, un but, quelque chose auquel se raccrocher dans les moments les plus durs. Et il y en aurait ! Il était puni trop régulièrement pour espérer y échapper. Il frémit silencieusement. Si Atkins avait voix au chapitre, jamais il ne sortirait d’ici.

- Le temps va vite passer.

L’alpha frémit à nouveau parce que c’était faux. Chaque seconde allait s’étirer à l’éternité pour mieux le séparer de l’instant où il aurait la possibilité de sortir de cet endroit. Il n’était même pas certain que le nouvel endroit soit mieux, mais de ce qu’il avait pu en juger, Nath serait un bien meilleur gardien qu’Atkins… Pas que ce soit difficile.

Tranquillement Nath se leva et avança jusqu’à un coin reculé de la pièce où une fausse cloison cachait une petite partie supplémentaire. Il la tira, révélant un lit. Lidseï en fut surprit. Il avait l’habitude d’être utilisé pour le sexe et ce n’était pas un souci, mais il s’était attendu à une forme de transition quelconque avant que l’oméga ne décide de le tester.

- Tu as l’air épuisé… Si tu veux dormir un petit moment, je comprendrais.

Dormir. Dormir sur un lit avec des draps. Dormir alors qu’un oméga était présent dans la pièce. Tout cela était si incongru qu’il resta immobile à observer cette situation irréaliste. Doucement, il finit par énoncer l’évidence.

- Ce lit n’est pas fait pour dormir.

Nath se gratta la tête tout en observant le mobilier, puis il haussa d’une épaule.

- Et bien… oui, ce n’est sans doute pas pour ça qu’il a été installé ici… mais ce qu’on en fait ne regarde que nous et moi, ça me va si tu veux dormir dessus.
- Et vous, que voulez-vous ?
- Juste que tu sois bien.

La réponse, spontanée et visiblement sincère le surprit réellement. Les omégas avaient toujours des pensées derrière la tête, leur monde n’était pas fait de mensonges mais ça ne voulait pas dire qu’ils ne pouvaient pas être manipulateurs. Lui parler du lit, c’était forcément pour l’inviter à autre chose, à moins que ce soit pour sonder ses propres désirs ? Il frémit, encore une fois.

- Je sais que ce n’est pas évident pour l’instant… dans cet endroit. Mais c’est vraiment mon but tu sais ?
- Quoi ?
- Que tu sois bien.

Lidseï se détourna légèrement. Comment croire en une telle chose ? Il n’était pas capable de faire confiance à un oméga. C’était simplement trop lui demander.

- Est-ce que tu arriverais à te coucher ?

C’était une demande directe. Lidseï ne craignait pas le sexe en lui-même, alors malgré son appréhension à l’idée d’être trahi une nouvelle fois et surtout, son appréhension à l’idée d’être puni pour une raison quelconque, il se redressa. Le lit n’était vraiment pas loin. L’oméga se recula comme pour lui laisser le champ libre ce qui était une attention tout à fait adorable et il put passer sans trop se rapprocher de lui. Ses jambes étaient douloureuses et lui, il tanguait légèrement. Il était effectivement épuisé. Lorsque ses doigts touchèrent le drap, il eut envie de pleurer. Pas de joie, mais d’une tristesse authentique, parce que ce n’était pas vraiment vrai. Il n’y aurait pas vraiment le droit. Espérer n’apporterait qu’une désillusion supplémentaire et c’était exactement ça qui lui faisait mal.

Son grand corps rampa sur le lit dont le matelas s’enfonça gentiment pour accueillir son poids. Lidseï se coucha tout à fait. Il se retourna et observa l’oméga à la dérobée. Nath s’était déplacé jusqu’à la table et il s’était assis tranquillement. Leurs regards se croisèrent et dans les yeux de cet oméga, il n’y avait que de la douceur.

- Merci Lidseï… Je suis très content que tu me fasses confiance. Je te laisse dormir un moment.

Dormir ? Lidseï posa doucement sa tête sur l’un des oreillers. Ses doigts caressèrent le drap. Il déglutit, comme pour tester le mou sur son collier. Il n’étouffait pas. S’il dormait, serait-il réveillé par une injection ? Il frémit, mais l’oméga semblait détendu, il avait croisé les bras sur la table et se reposait dessus. Ce n’était pas bien. Les bêtas ne seraient pas contents s’ils rentraient. D’un autre côté, celui qui attendait à la porte avait affirmé qu’ici, c’était à Nath de décider et Nath avait dit qu’il pouvait dormir.

Lidseï ne prit pas réellement une décision. Son esprit erra sur les différentes possibilités pendant un long moment. Ses paupières étaient horriblement lourdes et à un moment, il s’endormit simplement sous le regard de Nath qui se prit à sourire, d’un de ces sourires qui charrient plus de tristesses que de joies. Blotti entre les draps, les doigts crochetés au lit comme s’il avait peur qu’on le lui arrache, l’alpha était étrangement émouvant.

Nath acquiesça pour lui-même. Cet alpha, ce serait le sien. Il en était sûr à présent. Et il allait le sortir de là.

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