La main glacée I

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Mes doigts s'enfoncent dans la neige. Je m’efforce à continuer d’avancer, de ramper hors de l’eau, loin des violentes vagues qui accompagnent la tempête. Derrière moi, à quelques centaines de mètres, le navire chavire, sa coque percée, ses passagers se noyant. Le souffle haletant, je me hisse à la force de mes bras. Un soupir quitte mes lèvres tandis que je reste là dans la neige, reprenant des forces. Je suis gaugée, le froid me paralyse. J’ai échappé de peu à la mort. Ou peut-être que la mienne a été retardée pour quelque temps. Je me redresse doucement. L’angoisse de se noyer s’est effacée comme de l’eau qui s’évapore. Les flots se fracassent derrière moi. Au loin se dresse une vieille cabane en mauvais état, une faible lueur brille à travers une fenêtre. D’un pas tremblant, prise par les frissons due à la froidure, j’avance vers la demeure espérant pouvoir m’y réchauffer. Il n’y a rien. Pas de nourriture. Ni d’eau potable. Cependant, j’ai acquis de nouveaux vêtements, bien qu’ils soient un peu grands pour ma taille. Dehors, le vent se lève. Qui aurait construit ici dans ce désert de glace un lieu où trouver un bref confort ?

Ô voilà Chioné chevauchant sa monture, avançant telle une guerrière aux côtés de son père, Borée, dieu du vent du nord. Il glisse, pousse et fracasse. Chioné, cruel sourire ou sourire de glace, tourne son regard vers moi. Ils disparaissent dans une tornade de neige. Le brouillard se lève, empire ma vision, me force à m’arrêter. Les jambes tremblantes, j’aperçois à quelques mètres une bête de grande taille, crachant des gerbes de feu, dégageant une aura effroyable. Je frissonne. Je cligne des yeux. Il cesse d’exister. Voilà que des hérissons m’entourent, leurs piques frôlant mes vêtements, tous émanant des bruits que je ne saurais décrire. Ô Oyzis ! La voilà chevauchant un cerbère, emplissant mon âme de la détresse déjà existante, m’emmenant dans un océan de misère. Misère… Quelle misère ! Je rampe tel un serpent, le froid me paralysant peu à peu.

Ma vision se brouille. La faim me tiraille. L’eau me manque. Le ciel se noircit. Et le monde disparaît. Parmi les nombreuses heures qui suivent, je peine à garder les yeux ouverts, plongeant petit à petit dans le puits… Quel puits ? Suis-je en train de dérailler ? Des hérissons sont-ils en train de copuler devant moi comme si je n’étais qu’une spectatrice d’un documentaire animalier ? Je divague. Les hallucinations commencent. L’envie de dormir augmente avec le temps. Tiens… Un mille-pattes fait de la tyrolienne, il m’a l’air si triste.. Ai-je recommencé ? Borée s’énerve, les vents se soulèvent. Peut-être que je vais m’envoler et m’écraser comme une crêpe… Je délire complètement. Chioné réapparaît dans mon champ de vision, tenant entre ses mains une théière, souriant à quelqu’un ou quelque chose. Le silence caresse mon visage gelé, mes paupières sont à mi-chemin de leurs destinations.

La mort est imminente. Dans ce désert de glace, une silhouette surgit s’avançant lentement. J’aperçois le sourire cruel d’une personne dont je n’arrive pas à distinguer le sexe qui annonce peut-être.. quoi ? Elle marche à une allure régulière pourtant il me semble qu’elle est aussi rapide qu'Usain Bolt. Dans sa main droite se tient une arme qui ressemble étrangement à un fusil à pompe. Qui se balade avec une arme à feu dans un lieu complètement désert de toute présence humaine ? Cette inconnue-là. Le temps passe, mes forces me quittent, je suis prête à laisser la mort me dévorer d’une bouchée, à l'accueillir comme une vieille amie.

Quelque chose se pose sur mon épaule le moment où je m’apprête à dormir, me forçant à lever les yeux vers la main tendue. La figure est agenouillée devant moi, le visage impassible ou poker face comme mon personnage anglais me chuchote à l’oreillette.

Je ne saurais dire pourquoi j’ai attrapé cette main tendue cependant, ma vie a basculé à tout jamais.

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