La main glacée II

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Le jour mourait lentement. Le ciel prenait une teinte érubescente. Le regard perdu sur l’océan qui s’agitait, elle reflétait sur le fameux jour où sa vie avait basculé. Son monde, l'époque où elle naquit et grandit, avait disparu dans les eaux. La terre avait vogué durant les trois précédents siècles avant de former trois continents et une centaine d’îles durant le quatrième siècle. Elle n’avait jamais bougé du palais de glace, situé au sommet d’une large chaîne de montagnes qui surplombe le continent du froid, oubliant presque de parler. On pourrait la qualifier d’être immortel, son âme étant hors du cycle de la vie et de la mort, cependant elle n’était qu’une légende oubliée, une étincelle dont les écrits n’avaient aucune trace de vérité. Aurait-elle pris cette main en sachant ce qu’il l'attendait ? Aurait-elle accepté cette main en connaissant son rôle ? Peut-être. Ceux qui regrettent le feraient sans aucun doute. Cependant, la reine n’éprouvait aucun regret, ce qui facilitait amplement son quotidien. Cela ne voulait pas dire que ce dernier était facile, loin de là compte tenu de sa position comme gardienne du désert de glace, servante du Sanctuaire.

On me compare souvent à la Mort… lui avait murmuré lors d’une nuit ardente le Sanctuaire, déposant un valse de baisers sur sa peau aussi blanche que la neige. Mais j’accepte cette comparaison pour la simple et bonne raison que le froid est meurtrier… avait-il continué en arborant un sourire glaçant.

L’éternité ne faisait pas partie du concept du temps. Un humain ne vivait pas plusieurs siècles cependant une espèce pouvait évoluer sur ces mêmes périodes. Mais l’éternité ne donnait aucune temporalité, aucune manière d’indiquer une fin à quelque chose. Un rictus amer apparut sur ses lèvres.

Sais-tu pourquoi on me nomme le Sanctuaire ? avait-il demandé un matin, le regard rivé sur l’orbe inébriante s’élevant doucement dans le ciel rosé. Apparemment, on me portait un panier d’offrandes. Les gens du coin considéraient mon temple comme un sanctuaire pour les voyageurs. Aujourd’hui, et à jamais, ils continuent de venir.

La demoiselle de glace déposa un bol de soupe vide sur une table ronde située à sa droite du trône de pierre où elle était installée. Elle ferma ses yeux, délaissant le passé pour se concentrer sur l’avenir. Quelque chose arrivait. Des dizaines de personnes approchaient à vive allure. Bientôt, elles allaient gracier son Excellence. Un sourire distant émergea sur son visage tandis que des cris lointains se firent entendre.Puis, les portes de son palais s’ouvrirent brutalement. Ses yeux améthystes se posèrent sur la troupe de chevaliers, leurs habits en lambeaux et leurs armes brisées. Ils s’arrêtèrent brusquement lorsqu’ils l’aperçurent dans la salle du trône. L’un d’eux parût supérieur, il déclara un flot de mots d’un ton arrogant. La gardienne plissa les yeux. En dépit de ne pas parler leur langue, elle devinait aisément que cet homme était sexiste. Elle n’eut pas le temps de répondre qu’une bête jaillit au-dessus de son château, un dragon battant ses ailes, s’apprêtant à tout anéantir.

Ces voyageurs de contrées lointaines étaient porteurs d’un message. Des livreurs dont elle s’en serait bien passé. Cette demeure, elle y avait passé plusieurs centaines d’années, était chère à ses yeux. La demoiselle laissa échapper un soupir alors que la bête rugissait. Une gerbe de flammes frappa violemment les lieux, la glace se mit à fondre. La panique envahit le groupe d’étrangers. Il décampa sur le champ. Ou dû moins, ils tentèrent. Ils s’étalèrent violemment sur le mot, leurs talons étant prisonniers de main provenant du sol, les immobilisant dans la salle du trône. Le froid agissant comme tranquillisant, leur mort arrivait à grand pas. Elle se leva, activant son pouvoir, haussant les bras. De glace et de neige, deux bras se formèrent rapidement et étranglèrent le cou du dragon, l’emmenant de force vers le sol où le Sanctuaire attendait là, la gueule ouverte, se délectant déjà de la saveur qui émanait de la furieuse bête. L’être hurla de douleur quand des dents acérées et froides se plantèrent dans sa chair, le vidant de ses forces et de sang comme un bébé siphonnant son biberon. Le silence revint, la Mort disparaissant avec son fardeau.

Seule, Solitude demeura.

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