Indésirables (1/4)

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« Il est encore temps de fuir, Rahyel ! »

Le jeune homme se réveilla brusquement. Le froid le tétanisait, tout entier, jusque dans ses muscles, jusque dans sa cage thoracique, où son souffle, devenu anarchique, lui lacérait la poitrine à chaque inspiration, à chaque expiration, il le sentait, et il avait l'impression tenace de... il avait l'impression de... de...

Au bord de l'asphyxie au milieu de son propre lit, il jeta un œil nerveux à la place à ses côtés. Elle n'était pas vide. Pire. Une inconnue y dormait. La panique se saisit de lui encore plus brutalement. Il retourna les derniers événements dans sa tête, les saccagea, chercha désespérément à comprendre le pourquoi du comment, avant que l'évidence ne le frappe.

Ah oui, le mariage...

Face à cette révélation, il se sentit aussi stupide que soulagé. Sa nouvelle épouse ne l'avait pas vu en proie à son cauchemar et ses angoisses. Cela ne devait arriver. Le marié se força à relâcher sa respiration. Une première fois, puis une deuxième... Il passa instinctivement les mains sur son visage, avant de les laisser glisser vers ses cheveux trempés de sueur, dans une tentative de ralentir les battements de son cœur.

Et les prémices d'une migraine se manifestaient déjà aux portes de son esprit... Misère.

Désespérant d'ignorer la présence à ses côtés, il s'obligea à se concentrer uniquement sur le moment présent, à visualiser un îlot de paix au sein d'un océan de tourments...

À force d'inspirations, une vague de sérénité commença à le gagner. Rahyel se tourna alors par habitude vers une fenêtre. Il distingua les premiers rayons auroraux à travers les volets fermés et s'en réjouit. Les voir signifiait qu'il avait réussi à dormir une bonne partie de la nuit. Une excellente chose. En plus, se lever tôt ne le dérangeait absolument pas. Il se saisirait de l'occasion pour se défouler au dojo et remettre de l'ordre dans ses idées. Il méritait ce petit plaisir.

Malgré l'enthousiasme que générait cette perspective, une forme de lassitude ne se détachait pas de lui. Sans doute à cause de la fatigue accumulée... ou de la personne allongée à ses côtés.

« J'aimerais participer davantage à la réalisation de son rêve... »

Au final, l'héritière de Jawiad n'avait pas développé davantage sa pensée. Sans doute souhaitait-elle que nul ne connaisse plus les affres de la guerre comme elle et les siens, même si le Prince ne saisissait pas trop ce qu'elle espérait obtenir de plus de la part du Roi. Enfin... Si elle embrassait pleinement la vision de son pays d'adoption, il n'allait pas s'en plaindre. Loin de là. Elle lui épargnait ainsi d'inutiles tergiversations.

Sa vie reprendrait donc bientôt un cours plus ou moins normal...

Rahyel perdit tout soupçon d'optimisme lorsque son regard se posa sur un coin particulier de la chambre.

Les paravents, pourtant discret, l'incommodaient. Ils dissimulaient des richesses dont il se serait bien passé : les affaires de la Princesse Ismara. Pour son confort, puisqu'elle bénéficiait d'appartements privés, le strict nécessaire avait été installé, notamment une commode pour les vêtements et accessoires. Mais rien à faire, cette vision le dérangeait. Elle impliquait de nouvelles responsabilités alors qu'il croulait déjà sous tant d'autres. Et ce, même s'il s'était allégé de certaines craintes à son sujet. Accablé par un tel poids, le jeune homme ferma les yeux. Il savait qu'ils revivraient leur première nuit, encore et encore, jusqu'à la fin de leurs vies. Soupir. Inutile de s'épancher. Tout était acté.

À la recherche d'une échappatoire, Rahyel inspira encore, s'étira, puis s'extirpa enfin des draps sans un bruit. Il ordonna qu'on lui prépare un baquet d'eau chaude. Sa demande exaucée, il se débarrassa de ses vêtements de nuit et commença à frotter vigoureusement sa peau pour retirer toutes les souillures de son cauchemar. La toilette rapidement terminée, il enfila un haut blanc à longues et larges manches puis, par-dessus, une tunique bleu saphir. L'uniforme en l'honneur de la Grande Nanami ajusté, il noua la large ceinture en tissu. Couleur or, elle symbolisait la famille royale d'Amaraï et le distinguait d'autant plus des autres militaires. Il compléta sa tenue avec un pantalon seyant noir. Quant à ses hautes bottes de cuir, il les enfilerait une fois hors de la chambre. Un dernier coup de brosse rapide dans sa crinière d'ébène et son image dans le miroir le satisfit. Il reporta son attention sur le sabre suspendu au mur.

Semblable à un katana, l'akehime – ou Princesse écarlate – s'en distinguait par sa seule composition : elle avait été forgée comme tant d'autres dans les restes d'un démon. Réputée tant pour son indestructibilité que sa somptuosité, elle attendait sagement son heure dans son fourreau. Le vernis de celui-ci, couleur carbone, égalait la brillance des fines dorures qui gravaient à la verticale un nom : l'Assoiffée.

Sans plus de cérémonie, son maître l'empoigna, l'attacha à sa taille et quitta les lieux sans plus tarder.

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