Chapitre 39

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La tension était à son comble. Eldria, Salini et Dan étaient pris au piège. Dans quelques secondes à peine, des mutins armés et en colère feraient irruption dans le modeste local récemment muré au sein duquel le petit groupe s’était terré. Il était préférable de ne pas imaginer quelles atrocités auraient lieu ensuite...

Dan, concentré face au danger, maintenait une posture de combat déterminée. Il semblait résolu à faire face aux assaillants qui, à en juger par les bruits inquiétants du loquet contre le bois fatigué, ne tarderaient pas à se jeter en nombre sur lui. Eldria était terrifiée. Le jeune homme leur avait prouvé qu’il savait se défendre certes, il n’en restait cependant pas moins improbable qu’il sache repousser une dizaines d’hommes en même temps. Quant à Salini et elle, désarmées, il serait illusoire de croire qu’elles auraient la moindre chance de leur résister...

Tout était perdu... Leur échappée héroïque n’aurait servi à rien...

A côté d’elle, Salini avait placé la main devant sa bouche. Elle sanglotait en tremblant. Eldria recula machinalement d’un pas. Elle avait trop peur pour pleurer. Son dos rencontra bientôt le mur opposé à la porte. Cette dernière vibrait d’ailleurs littéralement sous les coups répétés de ses agresseurs.

C’était fini, il n’y avait pas d’échappatoire possible...

Pourtant, quelque chose se produisit. Quelque chose qui la fit soudain sursauter. Derrière elle, le mur contre lequel elle venait de s’adosser par désespoir venait de se dérober. Une des pierre sur laquelle elle avait appuyé son omoplate sans le vouloir s’était enfoncée. Contre toute attente, un pan entier de la cloison était en train de rentrer dans le sol, comme si elle avait déclenché une sorte mécanisme caché.

Dan et Salini firent volte-face à leur tour.

– Comment tu as fait ça ? lança Salini d’une voix désemparée.

– Je... je ne sais pas, répondit Eldria en toute franchise.

Dan ne perdit pas une seconde.

– Vite, c’est notre seule chance ! dit-il en attrapant l’unique torche à leur disposition avant de s’élancer dans le passage qui s’offrait désormais à eux. C’était un escalier sombre qui s’enfonçait dans la pénombre.

Les deux jeunes femmes ne se firent pas prier et lui emboîtèrent le pas, alors que le passage n’était même pas encore entièrement ouvert. De l’autre côté du mur qu’ils venaient tous trois de franchir, un levier sortait du sol. Dan l’actionna sans attendre.

– Pourvu que ce soit ça... dit-il.

Immédiatement, le pan de mur mouvant cessa de s’abaisser puis, comme si d’imposants rouages faisaient difficilement demi-tour, il s’éleva de nouveau lentement dans un bruit sourd.

– Plus vite, plus vite...

Avec angoisse, ils virent peu à peu l’ouverture se réduire, alors que la porte en bois donnant sur l’extérieur était sur le point de céder une fois pour toute.

Finalement, le passage secret se referma entièrement, ne laissant derrière lui qu’un simple mur sur lequel il était maintenant impossible de discerner la moindre fissure.

Le silence se fit complet.

– Vous... Vous pensez qu’ils vont nous suivre ? demanda Salini d’un ton angoissé.

– Ils vont se poser des questions quand ils verront que nous ne sommes plus de l’autre côté de la porte c’est sûr, répondit Dan. Ils sont d’ailleurs sûrement déjà de l’autre côté.

Il prit une grosse pierre qu’il trouva à leurs pieds et s’empressa de la coincer dans le mécanisme à la base du levier qu’il venait d’utiliser pour condamner l’inespérée ouverture.

– Au cas où ils trouveraient le passage, ça devrait les empêcher de nous rejoindre ici.

Salini souffla longuement et sécha ses larmes.

Eldria, quant à elle, était un peu en retrait. De façon impromptue, ses jambes abandonnèrent soudainement le combat qu’elles menaient contre la gravité et cessèrent de la porter. Elle s’effondra, manquant de peu de dévaler la pente de l’escalier tout près.

– Eldria ! s’écria Salini en se précipitant vers son amie, suivie de près par Dan.

– Ca va, ça va, réussit à bredouiller Eldria.

Toute la pression qu’elle avait supporté ces derniers jours et dernières heures avait soudain pesé de tout son poids sur elle. Elle était passée par toutes les émotions : la joie, le doute, la peur, la tristesse, la colère, la honte... Tout se mélangeait en elle dans une sorte de désagréable maelström de sensations, à tel point qu’elle ne se reconnaissait même plus elle-même.

Dans un geste étonnamment affectueux, Dan plaça une main sur son épaule.

– Je te promets que ça va aller, lui dit-il droit dans les yeux. J’ai confiance en toi.

Eldria se surprit à rougir devant cette inattendue marque d’estime. Légèrement mal à l’aise, elle s’effaça de sous sa paume et, reprenant péniblement le contrôle sur son corps, se releva.

– On ne devrait pas traîner ici, éluda-t-elle en jetant un regard inquiet vers l’invisible passage secret et en imaginant les dangereux soldats de l’autre côté, certainement déterminés à trouver où ils avaient bien pu passer.

Dan approuva du chef après l’avoir sondée quelques instants, mais elle avait maintenu le regard fuyant.

– Tu sais où on est ? demanda Salini à Dan.

– Je n’en ai pas la moindre idée, répondit-il en descendant prudemment les premières marches de l’escalier, la torche levée. Mais nous allons bientôt le découvrir.

Leurs voix résonnèrent contre les parois à nu et l’écho se perdit au loin, là où leurs pas les menaient. Finalement, après une cinquantaine de marches, ils arrivèrent dans une sorte d’antichambre aux pierres taillées plongée dans le noir, au milieu de laquelle trônait une sorte d’étrange table en métal.

– On dirait... commença Salini d’une voix faible.

– Une table d’opération, compléta Dan.

Eldria s’en rapprocha.

– Ou... de torture, ajouta-t-elle. Regardez, il y des attaches en cuir. Aux quatre coins...

A cette lugubre découverte, un silence pesant s’installa. Eldria sentit son rythme cardiaque s’accélérer à l’idée que Karina, Dricielle et plusieurs autres filles avaient été menées par la porte en haut des escaliers, peut-être jusqu’ici...

– Je crois que tu as raison Eldria, renchérit Salini. Regardez.

Elle pointa du doigt une console dans un recoin, sur laquelle étaient soigneusement disposés divers outils métalliques à la forme inquiétante.

– Je ne sais pas ce qu’ils font ici, mais cela ne me dit rien qui vaille...

Contre le mur opposé, deux grandes bibliothèques remplies de livres poussiéreux les dominaient de toute leur hauteur. Devant les bibliothèque s’élevait un présentoir en pierre. Sur ce présentoir était ouvert un grand livre à l’aspect ancien, comme s’il avait été consulté récemment. Ses pages avaient été jaunies par le temps.

Alors que ses deux compagnons étaient occupés à regarder autour d’eux, Eldria s’en approcha par curiosité. La page de gauche était vierge. Sur la page de droite, elle put lire :

Quand des malheurs viendra le temps

Roi aux effrois condamné

De peau d’ébène et boucles dorées

Mise au monde de Prince hériter

Du Malin, Reine des affres viciés

Mettra terme, de courage luttant

Salini s’approcha à son tour et lut à haute voix par-dessus son épaule.

– Et ben, je sais pas ce que c’est mais ça me fait froid dans le dos.

Elle se mit à frissonner.

– Comme cet endroit d’ailleurs.

Derrière elles, Dan était demeuré silencieux. Pour la première fois, il paraissait soucieux.

– Ne perdons pas plus de temps, dit-il en se dirigeant vers l’unique et imposante porte à double-battant par laquelle ils devraient forcément passer s’ils voulaient sortir de cet endroit sordide.

La nouvelle porte donnait sur une très grande salle, elle aussi plongée dans le noir. Leur maigre torche ne leur permirent pas d’en voir le bout. Tous trois s’avancèrent à pas feutrés, soucieux de ce qui les attendaient après ce qu’ils venaient de découvrir.

Soudain, alors qu’ils avaient à peine fait quelques pas, une lumière diffuse se mit à briller de chaque côté de la salle. Celle-ci était en fait gigantesque – au moins vingt mètres de largeur pour certainement plus de cent en longueur. Le plafond savamment décoré, quant à lui, culminait à sept ou huit mètres au-dessus de leurs têtes.

La lumière, qui semblait s’être allumée d’elle-même comme en réaction à leur présence, émanait de plusieurs dizaines de sortes de gros tubes d’environ un mètre de large et deux ou trois de haut, disposés face à face le long des murs latéraux.

– Qu’est-ce que... commença Dan qui, comme Eldria et Salini, avait relevé que quelque chose n’allait pas.

Chacun des tubes était en effet rempli d’eau, et dans cette eau flottaient...

Eldria eut un haut-le cœur.

Des dizaines de corps, entièrement nus, flottaient, les bras écartés, à l’intérieur des tubes en verre.

Uniquement des femmes.

Leurs yeux étaient fermés dans une sorte d’expression paisible. Pourtant, de la colonne vertébrale de chacune sortaient six tuyaux noirs qui serpentaient ensuite jusqu’au plafond avant de se perdre dans la pénombre.

Eldria resta figée d’épouvante. Ses yeux balayèrent rapidement l’ensemble des tubes : ils étaient pratiquement tous remplis. Seuls quelques un étaient encore libres à l’autre bout de la salle. Avec horreur, son regard se posa par hasard sur une jeune fille. Ses longs cheveux blonds ondulaient presque gracieusement dans l’eau légèrement trouble autour de son visage fermé.

Eldria avait déjà vu ce visage. C’était celui de la dénommée Killi Hodrick. Elle avait retenu son nom pour avoir été la première femme dont elle avait pu assister à la "libération"...

Et si Killi Hodrick était là, cela signifiait que...

– Oh mon dieu... Eldria...

La voix de Salini, qui semblait en pleurs, n’augurait rien de bon. Eldria se tourna malgré tout, prête à faire face à la dure réalité.

Karina était là elle aussi, son corps dénudé qu’elles connaissaient si bien ondoyant doucement de haut en bas.

– Oh non, Karina ! Karina ! s’écria Salini en se précipitant vers son ex-compagne de cellule.

Elle se mit à taper avec insistance contre l’épaisse vitre qui la retenait prisonnière. Eldria, sous le choc, resta figée sur place.

– On va te sortir de là, lança Salini entre deux sanglots. Tiens bon !

Mais il n’y eut aucune réaction. Karina ne semblait pas consciente de leur présence. Malgré tout, Salini insista, visiblement déterminée à briser le verre par la seule force de ses poings.

Soudain, dans leur dos, Dan prit la parole :

– C’est inutile.

Sa voix était étonnamment calme au vue de la situation. Eldria et Salini se retournèrent. Le jeune homme s’était arrêté devant un autre tube dans lequel était emprisonnée une fille brune qui ne devait pas avoir plus de vingt ans. Eldria eut la subite impression de l’avoir déjà vue quelque part...

Dan leva la main et la posa délicatement sur la vitre, sans quitter la jeune femme des yeux.

– Elles sont mortes, dit-il simplement du même ton monocorde.

Eldria et Salini s’échangèrent un regard mêlé de désespoir, de détresse et d’incompréhension.

– C... Comment le sais-tu ? demanda finalement Eldria.

– Leurs poitrines ne bougent pas et elles ne font pas de bulles. Elles ne respirent plus. Elles sont bien mortes.

Eldria regarda les malheureuses tout autour. Elle dut se rendre à la terrible évidence : il avait raison. Elle eut soudain le vertige et cette impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Etait-ce donc là le sort qui leur était toutes réservé dans cette prison ? Mais à quoi cela rimait-il ?

– Non... prononça faiblement Salini avant de se laisser tomber à genoux, la tête baissée.

Eldria eut soudainement une horrible pensée.

– Dricielle ! lança-t-elle, les yeux écarquillés d’angoisse.

Elle se mit de nouveau à scruter l’ensemble de ce qu’ils pouvaient désormais qualifier de cercueils de verre, redoutant à chaque instant de découvrir le corps scarifié et inanimé de la pauvre jeune fille qu’elle n’avait côtoyée que l’espace de quelques heures à son arrivée. Ignorant ses muscles endoloris, elle arpenta de long en large la gigantesque pièce.

Après un premier passage, elle ne l’avait pas trouvée. Elle n’abandonna pas ses recherches pour autant. Elle devait en avoir le cœur net. En revenant sur ses pas, elle s’assura de regarder en détail chacun des tristes corps sans vie, luttant pour ne pas défaillir devant ces visions d’horreur.

Toujours aucune trace de Dricielle. Elle remarqua cependant quelque chose qui la troubla. Certains corps semblaient... vieillis. Leur peau était ridée, bien plus que ce que l’immersion dans l’eau – même sur une longue période – pourrait provoquer. En fait, certaines femmes avaient l’air d’avoir plus de soixante-dix ou même quatre-vingts ans, ce qui n’était pas normal dans la mesure ou cet endroit n’était occupé par l’armée d’Eriarh que depuis un peu plus d’un an et que l’ensemble des prisonnières qu’elle avait pu voir devaient avoir moins de la quarantaine.

Eldria n’y prêta cependant pas plus d’attention pour le moment, trop soucieuse de découvrir son ancienne camarade d’infortune qui avait, comme Karina et plusieurs autres, été emmenée contre son gré.

Après une frénétique minute de recherche. Elle s’interrompit, résignée mais rassurée, et s’appuya contre ses genoux pour reprendre son souffle. Dricielle n’était pas là... Peut-être s’en était-elle sortie après tout...

Elle releva la tête. Salini était encore au sol, en larmes. Non loin, Dan était resté immobile face au même tube en verre. Il n’avait pas quitté la jeune femme brune des yeux. Intriguée et soucieuse, elle se dirigea vers lui.

– Tu... la connaissais ? lui demanda-t-elle d’une voix concernée en arrivant à son niveau.

Il baissa alors la tête et ferma les yeux quelques instants.

– Ca n’a pas d’importance, dit-il finalement.

Puis il se détourna brusquement.

– Aide moi à la relever, lui lança-t-il en désignant Salini.

Eldria acquiesça et agrippa son amie par un bras. Celle-ci était mal en point, la vision du corps mutilé et sans vie de leur amie rousse semblait l’avoir terriblement affectée.

– Je n’ai rien pu faire Eldria, bredouilla-t-elle. On n’a pas su la protéger...

– Je sais...

Eldria finit de l’aider à se relever, mais continua de la soutenir en lui prêtant une épaule.

– Allez, reprit-elle pour la rassurer autant que pour se rassurer elle-même. On ne doit pas perdre plus de temps ici. Il faut qu’on avance.

Elle jeta un dernier regard derrière elle à Karina et aux autres filles victimes des atrocités, aussi terribles qu’énigmatiques, commises en ce lieu occulte.

Heureusement, ils ne s’étaient pas enfermés dans un cul-de-sac et purent reprendre leur fuite en avant, désireux de mettre rapidement le plus de distance possible entre eux et ceux qui les cherchaient probablement activement.

Un peu plus loin, les murs taillés laissèrent bientôt place à une cavité naturelle à peine assez large pour laisser passer deux personnes côte à côte. Dan prit les devants. L’obscurité reprit ses droits et la torche leur fut salvatrice.

– C’est étrange comme endroit... remarqua Eldria qui continuait d’aider Salini à marcher. Comment la lumière a pu s’allumer quand on est entrés ?

Elle frissonna à son tour et reprit :

– Tu penses qu’on nous observe ?

Dan semblait concentré et ne répondit pas. Elle n’était même pas sûre qu’il l’ait entendue. Elle préféra ne pas insister pour ne pas le déranger mais ne fut pas rassurée pour autant.

Après avoir arpenté de longs dédales de couloirs à la surface, ils s’aventuraient cette fois dans de sinueuses et interminables grottes naturelles. Seul se faisait entendre le bruit de leurs pas sur le sol accidenté qu’ils sillonnaient tant bien que mal, seulement ponctué par le régulier et doux clapotis des gouttes d’eau qui s’infiltraient par de minuscules failles dans la pierre.

Plusieurs minutes passèrent sans que leur environnement ne change. Dan s’arrêtait de temps en temps pour évaluer les différents chemins qui s’ouvraient souvent à eux, mais jamais plus d’une poignée de secondes.

– Où sommes-nous ? demanda Salini qui avait fini par sécher ses larmes.

Dan ne lui prêta pas plus attention qu’à Eldria. Pour ne pas que son amie se sente lésée, celle-ci commenta :

– Je ne sais pas mais je ne pensais pas qu’il y avait tant de passages souterrains sous la prison. C’est une vraie fourmilière.

Et effectivement, il leur fallut un long moment pour retrouver signe d’une construction humaine. Leur torche était pratiquement éteinte quand ils virent des escaliers taillés à même la pierre. En haut de la dizaine de marches qui le composaient, une porte en bois similaire à celles de la prison était close.

Dan s’interrompit une fois de plus et inspecta les alentours. Eldria s’attendit à ce qu’il les mène à cette porte pour retrouver leur route vers la sortie, mais au lieu de cela il reprit son chemin dans la caverne. Inquiète, elle l’interpella une nouvelle fois :

– Heu, tu es sûr que c’est par là ? La torche va bientôt s’éteindre...

Elle n’avait pas particulièrement peur du noir et n’était pas non plus claustrophobe, mais la perspective de se retrouver perdue sans source de lumière dans ces immenses galeries la rendait particulièrement nerveuse.

Dan l’ignora une fois de plus. Son visage était renfrogné. Pourtant, le rythme de ses pas avait changé. Sa cadence était désormais plus assurée. Peut-être avait-il retrouvé un chemin qu’il connaissait ? N’ayant pas d’autre choix que de lui accorder toute leur confiance, Eldria et Salini le suivirent de près.

Après une bonne minute de marche sur un sol heureusement beaucoup plus praticable, ils entrèrent dans une sorte de petite caverne un peu plus volumineuse que les précédentes. Les nombreuses gouttes qui tombaient du plafond avaient formé une grande flaque d’eau en son centre. En plus de celle par laquelle ils venaient d’arriver, plusieurs ouvertures semblaient donner sur des chemins partants dans diverses directions.

Les maigres flammes récalcitrantes qui léchaient encore vaillamment le bois de la torche vinrent dessiner d’inquiétantes formes sur les pierres saillantes alors qu’ils s’avançaient dans ce nouvel espace inconnu.

Soudain, quelque chose bougea sur leur gauche. Un faible gémissement se fit entendre au même moment. Eldria et Salini sursautèrent et se tournèrent pour faire face à un potentiel danger.

Tout d’abord, ils ne virent au rien. Puis petit à petit, la luminosité déclinante de leur flambeau de fortune révéla quelque chose qui dépassait du mur.

Une forme.

Apparemment vivante.

Humanoïde.

Eldria sentit son sang se glacer.

Une femme...

Apparemment jeune, ses cheveux bruns masquaient son visage. Elle ne portait qu’un vieux haillon marron. Ses bras étaient attachés en croix par d’imposantes chaînes en métal rouillé. Elle avait l’air sale. D’importantes cicatrices lacéraient les parties visibles de sa peau.

La lumière vacillante se rapprochant inexorablement, la femme leva doucement la tête. Ses mèches crasseuses s’écartèrent pour révéler les traits fin de son visage.

Eldria et Salini poussèrent de concert un cri de stupéfaction mêlé d’effroi.

– Dricielle ! lâcha Eldria dans un souffle.

La jeune femme semblait gravement affaiblie. Elle réussit cependant à prononcer péniblement ces quelques mots :

– Aidez... moi...

Sous le choc, Eldria et Salini voulurent se précipiter vers leur amie, dont elles n’avaient plus eu de nouvelles depuis plus de deux mois. Mais étrangement, Dan, qui ne la connaissait pas, fut plus rapide qu’elles. Il s’avança d’un pas décidé vers Dricielle.

Ce qui se passa ensuite sembla se dérouler au ralenti pour Eldria. D’un mouvement vif, Dan avait étrangement décroché sa dague de sa ceinture. Comment comptait-il casser des chaînes aussi épaisses avec cette simple lame ? Il arriva au niveau de la jeune femme attachée et la fixa longuement d’un air impassible, la dominant de toute sa hauteur. C’est à ce moment précis qu’Eldria sentit que quelque chose clochait. Elle s’avança à son tour.

Mais c’était trop tard.

Il leva sa dague. Eldria et Salini ne purent qu’être témoins du geste inattendu de celui qui avait jusqu’alors été leur guide, en qui elles avaient confiance. La lame effilée s’enfonça, inexorablement, centimètre par centimètre, dans la poitrine de leur ancienne camarade.

En plein cœur.

Les yeux exorbités par la surprise, celle-ci lança un dernier regard hébété vers le visage froid et calculateur de son assassin. C’était trop tard.

Il avait frappé pour tuer.

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