Chapitre 27

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Le lendemain, alors qu’il se rendait avec les hommes de la ferme jusqu’au forgeron le plus proche à environ deux heures de marche, Jarim ne put s’empêcher de penser sans cesse au corps d’Eldria. Cela le gênait quelque peu car Daris, l’oncle de la jeune femme, marchait à ses côtés, arborant comme tous l’air grave de ceux qui partent en guerre. Que penserait le vieil homme de lui s’il savait qu’il s’était copieusement masturbé la veille en imaginant sa nièce ? Il préféra ne pas trop s’attarder sur la question, d’autant que les seins de son amie occupaient de nouveau la majeure partie de son esprit. Etait-ce parce-qu’il devrait partir dans deux jours à l’aube que sa libido le démangeait tant ? Son corps sous-entendait-il, sans subtilité aucune, de se dépêcher s’il ne voulait pas mourir vierge ? Mais que pouvait-il y faire ? Alors qu’ils s’étaient quittés en froid la veille, devait-il retourner voir Eldria d’ici demain, la fleur au fusil, et lui suggérer, là comme ça, de faire vite fait bien fait l’amour avant de se quitter ? Impossible... En attendant, il devait s’arranger pour que les autres ne remarquent pas trop son érection quasi-constante.

A leur retour dans le courant de l’après-midi, Jarim aperçut de loin Eldria portant un panier de carottes. Lorsque la jeune fille regarda dans leur direction, il lui adressa un timide signe de la main, mais elle baissa les yeux et pressa le pas jusqu’à sa maison. Il la guetta tout le reste de la journée alors que Yorden, le père de Salini s’improvisait maître d’arme dans la cour principale de la ferme, mais en vain.

Tard dans la soirée, les hommes finirent par regagner leurs domiciles pour passer leur avant-dernière soirée avec leurs épouses respectives avant le grand départ. Jarim était le plus jeune du groupe, et le seul célibataire. Il ne doutait pas un seul instant que les autres allaient mettre à profit cette nuit pour s’amuser avec leurs partenaires... Que n’aurait-il pas donné pour avoir quelques années de plus, être marié à Eldria, et rentrer lui aussi dans leur petite maison, où elle l’attendrait entièrement nue sur le lit, prête à lui remonter le moral par de sensuelles caresses...

Il n’en pouvait plus. Son sexe était resté au garde-à-vous presque toute la journée, il fallait qu’il se soulage de cette sensation qui lui pesait tant sur l’âme. Sur son lit comme la veille, il se masturba avec fougue, ne se gênant une nouvelle fois pas pour se représenter Eldria dans les positions les plus salaces qu’il pouvait imaginer. Il jouit en seulement une minute, ne faisant aucun effort pour faire durer le plaisir, seulement soucieux d’enfin pouvoir relâcher la pression sexuelle qui l’avait accompagné toute la journée durant. Demain serait le dernier jour où il pourrait la voir, lui parler...

La dizaine d’hommes s’était encore une fois donnée rendez-vous à l’aube dans la cour, pour une nouvelle session d’entraînement improvisé. La peur se lisait sur le visage de chacun. A cette heure le lendemain, ils seraient tous en route vers un avenir incertain, loin de la ferme et de leurs proches.

Ce fut Daris cette fois-ci qui fit office d’instructeur. Etonnamment, l’oncle d’Eldria ne semblait pas du tout être un novice en matière de maniement d’épée.

– Tu tiens ta garde beaucoup trop basse, lança-t-il à Jarim après l’avoir désarmé avec une déconcertante facilité.

Jarim ramassa gauchement son épée qui s’était envolée quelques mètres plus loin.

– Je suis plus doué à l’arc, bougonna le jeune homme.

– Allez, ne te décourage pas, remets-toi en position.

Jarim se remit en place en prenant soin de tenir sa garde bien haute cette fois-ci. Cela faisait plus d’une demi-heure que le vieil homme lui faisait face et tentait tant bien que mal de lui inculquer les bases du combat singulier. Touché dans son orgueil, Jarim était bien décidé à ne pas se laisser désarmer une fois de plus. Il était plus jeune et plus musclé que son adversaire, il devait donc logiquement être le plus agile des deux. Il comptait bien mettre cet avantage à profit.

– En garde ! s'écria Daris.

Ni une ni deux, il se jeta sur lui. Appliquant avec diligence tout ce qu’il avait appris, Jarim para deux premiers coups d’épée, puis trois, puis quatre. Daris recula d’un pas, se mit en position, et s’apprêta à lancer un coup d’estoc. Mais cette fois-ci, Jarim, concentré comme jamais, l’avait vu venir. En une fraction de seconde dans son esprit, il calcula le prochain mouvement de son adversaire, et ajusta le sien en conséquence. Pour la première fois, il comprit ce que Daris avait voulu dire quand il leur avait enseigné le matin-même : "Au combat, ne réfléchissez pas, ressentez”. Il venait en effet de ressentir au plus profond de lui quels allaient être leurs futurs déplacements respectifs. C’était comme un moment de transe, similaire à celui qui l’habitait avant un tir à l’arc létal sur un gibier qu’il savait ne pas pouvoir se permettre de louper.

Comme prévu, Daris fondit sur lui avec une aisance déconcertante pour un simple fermier. Mais Jarim était préparé. Ce fut comme si le temps s’était soudainement mis à s’égrainer au ralenti. Jarim vit l’ouverture. Il la vit distinctement et, par-dessus tout, il s’était avantageusement déplacé sur le côté et par conséquent allait pouvoir désarmer son opposant. Il leva le bras et s’apprêta à faire s’entrechoquer le fer.

Mais, subitement, son œil affûté de chasseur fut attiré par un mouvement de l’autre côté de la cour. Eldria venait de sortir de chez elle. Ses longs cheveux détachés flottant dans le vent, leurs regards se croisèrent. Le temps se figea en même temps que Jarim, qui était comme subjugué, comme si plus rien d’autre ne comptait. Il détailla distinctement les pupilles d’un bleu azure de son amie se perdre dans les sienne. Pendant l’espace d’un millième de seconde, il eut l’impression que leurs âmes se connectaient, que c’était ce qu’elles avaient toujours voulu.

A ses côtés, Daris ne lui pardonna pas cet instant d’inattention. D’un mouvement ample, il pivota sur ses appuis, fit glisser sa lame le long de celle de Jarim et, d’un geste sec, projeta cette dernière dans les airs avant d’attraper son propriétaire par le cou et de le plaquer violemment au sol. Le jeune homme eut le souffle coupé par la violence de l’impact. Son arme retomba avec fracas juste à côté de son crâne. Reprenant difficilement ses esprits, il dut cligner plusieurs fois des yeux pour dissiper le voile flou qui s’était installé devant. Daris se tenait debout au-dessus de lui. Il lui tendait amicalement le bras pour le relever.

– Dans un vrai combat tu serais mort mon garçon, lui dit-il d’une voix sage en souriant.

Jarim, les dents serrées, attrapa la main tendue pour se mettre en position accroupie, le temps de reprendre son souffle. Il regarda en direction d’Eldria. La jeune femme avait détourné les yeux, mais il put nettement distinguer son sourire en coin alors qu’elle s’éloignait vers l’étable un peu plus loin. Daris lança :

– Au moins tu l’auras faite sourire. Elle en a besoin ces derniers temps.

Tandis qu’il se remettait debout, Jarim dévisagea avec surprise le vieil homme, à qui l’échange de regard entre lui et sa nièce n’avait visiblement pas échappé.

– Allez, on s’y remet petit, ajouta-t-il sans faire davantage de commentaire.

Jarim était devenu tout rouge.

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