Chapitre 24

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– Et ils ont fait l’amour devant toi, comme ça ? demanda Karina, l’air interloqué.

Eldria acquiesça d’un signe de tête.

– Et ils ne t’ont pas touchée ? renchérit Salini.

Nouvel acquiescement du chef.

– Quelle curieuse expérience, reprit Karina en se grattant le menton. En vérité je pense ça m’aurait plutôt excitée.

Salini pouffa de rire.

– Moi aussi ! dit-elle. Je préfèrerais assister aux ébats d’un couple bourgeois toutes les semaines plutôt que de devoir coucher avec des soldats parfois pas super propres...

Eldria sourit poliment à son tour. Six jours s’étaient écoulés, et rien de notable n’avait eu lieu depuis son retour en cellule. Sa seule compagnie depuis la semaine dernière avait été la jeune servante, qui venait lui apporter un peu de nourriture et à boire deux fois par jour. Eldria avait essayé d’engager de nouveau la conversation, mais la jeune fille s’était systématiquement contentée de lui répondre d’un sourire timide ou bien d’un faible « Désolée, je ne peux pas rester ». Aussi était-elle bien contente de retrouver Salini et Karina, les deux seules amies qu’il lui restait en ce terrible endroit, lors de leur toilette hebdomadaire. Après mûre réflexion, elle avait décidé de leur raconter ses expériences de la semaine passée. Après les avoir rassurées sur le fait que, contre toute attente, elle avait pu conserver sa virginité grâce à Dan, elle avait abordé sa rencontre particulière avec le Comte et la Comtesse et Filis.

– La seule chose qu’ils m’ont demandée de faire, expliqua-t-elle, c’est de me déshabiller et de... me masturber devant eux.

Elle ne put s’empêcher de se sentir un peu gênée même si, depuis la dernière fois dans cette salle de bain, la masturbation n’était plus vraiment un sujet tabou entre elles. Salina et Karina demeurèrent bouche bée quelques instants, visiblement impressionnées.

– Waouh, finit par lâcher Karina. Alors ça, ça m’aurait encore plus excitée !

Elle se leva soudainement dans le bassin, commença sans prévenir à se frotter l’entrejambe du bout des doigts, et s’écria en feignant l’orgasme :

– Oh oui Monsieur le Comte et Madame la Comtesse, allez-y, faites l’amour pendant que je vous mate, oh oui !

Surprise par cette réaction s’apparentant visiblement à de l’humour, Eldria rougit. Il en fut de même, et c’était suffisamment rare pour le noter, pour Salini, qui dévisagea sa compagne de cellule comme si elle venait tout juste de perdre la tête. Puis après un bref instant de flottement, les trois jeunes femmes se mirent à rire de bon cœur. Eldria fut heureuse de constater que quelles que soient les circonstances, elle n’était en aucune manière jugée par ses amies.

Les minutes s’égrainèrent à toute vitesse, et le moment qu’elles redoutaient chaque semaine finit par arriver. Nul discours cette fois, toutes les captives furent directement lâchées en pâture dans la grande salle commune. Comme les dernières fois, Eldria perdit très vite Salini et Karina dans la foule d’hommes et de femmes qui se pressaient dans les couloirs adjacents. Au rang des bonnes nouvelles, le Soldat blond qui avait tenté de la violer la semaine précédente était toujours aux abonnés absents. Son coup bien mérité au crâne l’avait de toute évidence mis hors circuit pour un bon moment. Ce fut donc Dan qui s’approcha d’Eldria d’un pas déterminé. Il lui attrapa le bras avec un sourire – qu’elle lui rendit timidement – et l’emmena à l’endroit habituel. Elle se laissa faire.

Rassérénée d’avoir trouvé une nouvelle fois le jeune homme, cela ne l’empêchait d’avoir la boule au ventre à l’idée de ce qu’ils allaient devoir encore faire, pour la troisième fois. Heureusement, ils avaient quelques minutes devant eux, qu’elle comptait bien mettre à profit. A force de tourner en rond seule dans sa cellule, et maintenant qu’elle accordait un semblant de confiance en lui, elle avait plusieurs questions lui à poser.

– Je suis heureux de voir que tu vas bien Eldria, commença-t-il d’un ton bienveillant.

– Merci. Ça pourrait aller mieux...

– Je sais, dit-il en s’asseyant à côté d’elle mais en prenant soin de laisser une distance raisonnable entre eux.

Gênée, elle ne laissa pas de silence s’installer.

– Sais-tu combien de temps nous allons êtres gardées ici mes amies et moi ? demanda-t-elle de but en blanc.

Le visage de Dan s’assombrit.

– En toute honnêteté, je ne sais pas.

– Mais... qu’adviendra-t-il de nous ? Allons-nous revoir nos familles ? Savent-elles où nous sommes ?

Sans même la regarder, Dan fit non de la tête, d’un air désolé.

– Certaines filles sont là depuis plusieurs mois. Je suis désolé, je ne sais pas ce qui est prévu pour vous.

– Mais vous n’allez pas pouvoir nous garder ici tout l’hiver ! Votre armée va bien finir par se déplacer, non ?

Dan ne réagit pas. Il continuait de fixer ses pieds.

– Depuis combien de temps êtes-vous ici ? enchaîna Eldria la voix chevrotante.

– Je suis arrivé il y six mois, répondit-il simplement sans daigner lui accorder un regard.

Cela agaça Eldria. Elle était prisonnière et se sentait victime. Cet homme avait l’air de la comprendre, alors pourquoi ne faisait-il rien pour l’aider ? Il lui fallait des réponses. Peut-être fallait-il aborder la question en commençant par un sujet quelque peu gênant...

– Tu... tu as bien eu d’autres filles avant moi. Que sont-elles devenues ?

Il se prit la tête dans les mains.

– Je ne veux pas en parler, éluda-t-il d’un ton doux, mais néanmoins ferme.

Elle prit conscience qu’elle semblait avoir touché un point sensible. A part Salini et Karina, Dan était son seul allié dans cette prison, elle ne voulait pas le brusquer.

– Désolée, finit-elle par émettre d’une petite voix, de peur de l’avoir vexé.

Il daigna finalement la regarder droit dans les yeux. Il n’avait pas l’air énervé. Au contraire, il semblait compatissant. Il plaça affectueusement une main sur son épaule.

– Eldria, dit-il d’un ton calme. Sache que je suis réellement désolé de ce qui vous arrive à toi et tes amies. Si je le pouvais, je vous laisserais partir.

Il se leva.

– Je ne te connais pas, et tu ne me connais pas. J’ai des principes, et bien que tu sois très jolie, il est hors de question que j’abuse de toi. Je ferai de mon mieux pour te protéger toutes les semaines jusqu’à...

Il sembla chercher ses mots.

– ... Disons jusqu’à ce que les choses évoluent. Je te promets de te tenir au courant quand j’en saurai plus. D’accord ?

Il lui tendit la main, comme pour sceller leur entente. Eldria, quelque peu rassérénée lui tapa timidement dans la paume.

– Ok, dit-elle finalement.

Si elle arrivait à voir Dan toutes les semaines, peut-être sortirait-elle d’ici en conservant sa virginité dans quelques mois. Après-tout, qu’allait-on faire d’elle si l’armée d’Eriarh venait à quitter cet avant-poste transformé en prison, que ce soit de son plein gré, ou bien de force, chassée par les forces du Val-de-Lune ? A cette idée, elle eut une petite pensée pour Jarim et son oncle, qui s’étaient engagés dans cette fichue guerre plus d’un an auparavant. Où étaient-ils en ce moment-même ?

Après une vingtaine de seconde, le jeune homme reprit la parole d’une voix grave :

– Pour répondre à ta question, il y a eu une fille avant toi, concéda-t-il. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue.

– Oh, répondit simplement Eldria.

Elle sentit qu’il s’agissait d’un sujet délicat et qu’il n’était pas disposé à en dire davantage, aussi ne fit-elle pas plus de commentaire. S’agissait-il de la fameuse Cynn dont il lui avait parlée la semaine passée en lui demandant si ce nom lui disait quelque chose ? Elle n’en savait rien. L’espace d’un instant, elle se surprit même à se demander : avait-il couché avec cette fille ? Etait-ce pour cela qu’il ne l’avait pas touchée elle ? Mais elle chassa rapidement ces questions indécentes de son esprit. Cela ne la regardait pas !

– Mais parle-moi un peu de toi, reprit Dan, certainement pour changer de sujet et détendre un peu l’atmosphère.

– Moi ? demanda-t-elle, surprise.

– Oui, toi, répéta-t-il en souriant. Où vivais-tu avant... cet endroit ?

Eldria hésita quelques secondes. Il y avait deux semaines encore, jamais elle n’aurait cru engager une conversation si banale avec un garçon de l’armée ennemie. S’intéressait-il vraiment à elle, ou bien était-ce simplement pour passer le temps ? Elle se dit finalement qu’après tout, ce n’était peut-être pas une mauvaise idée de faire connaissance avant de devoir... refaire ce qu’ils avaient à faire. Elle lui expliqua qu’elle et son ami Salini venaient de la ferme de Soufflechamps à au moins une matinée de charrette d’ici, qu’elle était une simple fermière sans histoire, passionnée par la nature et les animaux et qui vivait chez son oncle et sa tante. Elle omit volontairement des détails plus personnels, comme la mort de ses parents alors qu’elle n’était encore qu’un bébé, ou encore sa relation naissante avec un jeune homme prénommé Jarim... Dan l’écouta avec attention, ne semblant pas feindre l’intérêt qu’il portait à son histoire, la questionnant même de temps à autres, sûrement pour entretenir la conversation, sur son travail à la ferme, sa maison... C’est donc tout naturellement que, mise en confiance, Eldria lui renvoya la balle :

– Et toi, d’où viens-tu ? demanda-t-elle, curieuse d’en apprendre un peu plus sur le garçon qui l’avaient déjà vue à moitié nue à deux reprises, et qui s’apprêtait à le faire une troisième fois.

Mais justement, Dan hocha la tête en signe de dénégation.

– La prochaine fois peut-être. En attendant, le temps passe...

– Oh. Oui, lança Eldria, qui s’était à peine rendue compte qu’au moins dix minutes s’étaient écoulées.

– Comme la semaine dernière ? lui demanda simplement Dan.

Elle acquiesça du chef. Son rythme cardiaque s’accéléra naturellement et elle se sentit devenir écarlate une fois de plus. Sans ajouter un mot et comme jouant une pièce de théâtre désormais bien rôdée, tous deux prirent soin de se tourner le dos avant d’enlever leurs vêtements respectifs. Comme à son habitude, Dan attendit qu’Eldria soit confortablement allongée avant de se retourner. Comme un pacte implicite fait entre eux, le silence ne fut pas rompu avant que l’habituelle semence chaude du jeune homme ne vienne une nouvelle fois amplement maculer le bas du dos de sa partenaire.

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