III

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Un orage éclata. Avec Adonis, nous partîmes nous abriter sous un grand arbre. Il me demanda où j’en étais avec ma foi. Je lui révélais la vérité, que je n’étais plus croyant, mais que j’allais toujours à l’Église. Lui, en revanche, me raconta qu’il n’allait plus à l’Église. Je le regardais avec des gros yeux, ne le croyant pas. Mais il m’affirma qu’il n’y mettait plus un pied depuis plusieurs mois. En réalité, comme notre village n’avait pas beaucoup de moyens, nos ancêtres n’ont pas pu bâtir une Église qui pouvait être fréquenter par des géants. Donc, ces derniers, à l’heure de la messe, restait dehors. En plus, Adonis est le seul géant du village, impossible de faire de tel travaux pour un seul individu. C’était pourquoi je n’avais pas remarqué sa non-présence aux messes. Je lui dis :

—Mais c’est complétement insensé. Tu as pensé aux conséquences si ça venait à s’apprendre. On viendrait…

—Ne t’inquiète pas, avec Litsa, tu es le seul à être au courant. Et j’ai une confiance aveugle en vous deux. Ce Phénix, j’ai entendu parler que des gens l’ont aperçue près des montagnes. Si je n’avais pas Litsa, j’y serais allé pour le trouver.

—Mais voyons, il n’existe pas. Il n’est qu’invention de la part des religieux.

—Non, je suis sûr qu’il existe. Écoute, on point où on en est, je peux tout te dire, personne ne nous entendra.

Le tonnerre se fit retentir, comme si quelque chose de grave aller se passer. Adonis m’expliqua :

— Il y a deux ans, j’avais eu une incroyable récolte. Tellement que j’ai été jusqu’à Décapole pour y vendre mes légumes. Là-bas, j’ai rencontré un vieil homme que tout le monde prenait pour un fou. Faut dire que les personnes âgées ne courent pas les rues. J’étais le seul à vouloir l’écouter et il m’a dit, tiens-toi prêt, qu’il a vu le Phénix de ses yeux.

— Foutaise, lui lançais-je.

—Attends, tu ne connais pas toute l’histoire. C’était un ancien soldat. Il m’a dit avoir combattu des armées étrangère qui venait de derrière les montagnes.

— Tu es en train de me dire que nous ne sommes pas les seuls à vivre, c’est bien ça ?

Il acquiesça. Si c’était vrai, cela changerait la vision que j’avais du monde. En effet, on enseignait l’histoire de notre peuple avec la religion ; l’histoire étant relaté dans la Bible, le père Énée nous la lisait et répondait à nos questions. Tous, au village, connaissait l’histoire. Il y a bien longtemps, il existait un empire rempli de vices et où les forts opprimaient les faibles. Les nègres, les géants et les nains étaient réduits en esclavage par une partie des humains, par une famille, ceux qui se disaient descendre d’un Dieu, les Etiennes. Les autres humains étaient « libres », mais ils n’avaient aucun pouvoir. Des fumées sortaient des bâtiments et propageaient des maladies, mais personne ne faisait rien. Cette famille régnait sur le monde et rien ne semblait pouvoir la faire vaciller. Mais c’était sans compter un homme, Vivien qui alla trouver le Phénix et lui demander de l’aide pour construire un nouveau monde où tous seraient égaux. Lui et le Phénix anéantirent les Etiennes et libérèrent les esclaves. Mais l’oiseau divin voulut reconstruire un monde tel qu’il le voulait, en d’autres termes, il voulait tout recommencer à 0. Il envoya Vivien chercher des représentants de chacune des communautés, des gens qu’il jugeait bons et lui demanda de construire une arche afin de les protéger. C’était ce que nous appelons l’épisode de l’arche de Vivien. Mais ce dernier, emmena avec lui des Etiennes, disant qu’ils méritaient eux aussi une deuxième chance. Puis, ils montèrent dans l’arche et le Phénix lança une saison des pluies qui durant pendant toute une année ; l’eau montait si haut que le plus grand des arbres fut submerger. Une fois l’année écoulait, l’eau descendait et ils s’installèrent dans le lieu que leur avait promis le Phénix : le cercle des malheurs. Son nom était trompeur, il a été donné par les Etiennes puisque ce lieu était celui où les opposants au régime se réunissait et c’était également l’endroit où Vivien avait rencontré le Phénix. Ce territoire, aussi appelé la terre promise des Priscus, était entouré par une chaine de montagnes.

Les survivants de l’humanité désignaient Vivien comme le dirigeant. Fort de ce titre, il bâti une civilisation où les cinq races étaient égales. Sa femme, Valentine, lui donna un enfant qu’ils nommèrent Priscus. Pour Vivien, sa famille, ce n’était pas que sa femme et son enfant, non, c’était l’ensemble de l’humanité. Il prenait soin de chacun, les protégeant comme s’ils étaient ces enfants. Mais une maladie l’emporta et son fils fut élu nouveau dirigeant. Il structura et bâtira la nation telle que nous la connaissons aujourd’hui. Il fit en sorte qu’à sa mort, son fils fut élu dirigeant et ainsi de suite. Il décida que le pays prendrait son prénom. Puis, à sa mort, son fils prit le pouvoir, mais il mourut jeune, à un âge où aucun de ses deux fils ne pouvaient régner. Alors, une descendante des Etiennes en profita pour prendre le pouvoir, prétextant que par son rang, elle était la seule personne légitime à régner. Les deux garçons disparurent et plus personne n’entendit parler d’eux. Cependant, il est dit qu’un jour, un descendant de l’ainé reviendra pour reprendre son trône et cet acte provoquera la fin du monde. Quant au pays, il se développa et devenait de plus en plus grand. Des villes se fondèrent et des villages naissaient près des rivières et des forêt. Le pouvoir resta entre les mains de cette famille et se transmettait de mère en fille jusqu’à nos jours où la reine Tatiani gouvernait recluse dans son palais.

C’était pourquoi ce que venait d’affirmer Adonis me troubla, mais il continua :

—Il y a deux ans, il y eu une terrible bataille entre les Priscus et le peuple derrière les montagnes. Il m’a dit que notre armée ne faisait pas le poids à cause de notre retard technologique. Mais grâce à un jeune général qui se battait sans armure, les Priscus gagnèrent. Ce général avait la capacité de se transformer en un géant insensible à la douleur. Entre soldats, ils l’appelaient l’ange protecteur, mais d’autre le qualifiait de démons, par la brutalité qu’il faisait preuve sur le champ de bataille. A la fin du carnage, il y eut un bruit de tonnerre alors qu’il n’y avait aucun nuage à l’horizon, on aurait dit le ciel s’ouvrait en deux, qu’il se fissurait et qu’on pouvait apercevoir le Phénix y sortir. L’oiseau descendit jusqu’aux pieds du géant redevenu humain. Il n’avait pas pu écouter ce qu’ils disaient, mais juste après que l’oiseau soit parti, le général massacra tous les soldats. Le vieil soldat avait pu s’en tirer in extremis, comme si c’était le destin qui l’avait voulu ainsi. En fait, je ne sais pas si ce qu’il dit est vrai ou faux, mais il semblait à moitié fou. Je l’ai écouté jusqu’au bout, sans l’interrompre, ça avait duré pas mal de temps, je n’ai pas pu tout vendre.

J’intervint :

—Donc, il existerait, si on le croit.

—Ah, maintenant que j’y pense, il m’a aussi dit que le Phénix avait soigné les blessures du général. Il avait un trou dans le ventre, et quelques secondes plus tard, le trou s’était refermé. Oh, je ne doute pas de la bonne foi de cet homme, mais on ne peut pas démêler le vrai du faux. Pourtant, je suis convaincu que la plupart des choses qu’il m’a dite est vrai.

Si je le rencontrais, je pourrai certainement en savoir plus. Et si comme il le dit, le Phénix pourrait soigner les blessures, je le trouverai et je lui demanderai de soigner Hécube. Je demandais à Adonis s’il pouvait m’accompagner pour le retrouver, mais il me répondit :

—Malheureusement, quelqu’un nous a entendu et nous a dénoncé. Par chance, je m’en suis sorti en disant que je ne croyais pas un traitre mot de ces paroles, mais lui, des soldats l’ont emmené alors… Je ne donne pas chère de sa peau.

Quel triste sort pour ce pauvre homme. N’était-il pas possible pour lui de se taire et de vivre ? On ne le saura jamais. Tandis que l’orage cessa, je rentrais chez moi pendant qu’Adonis allait cueillir des fleurs pour sa femme. Pendant le trajet, je pensais déjà à ce que j’allais faire à la maison : rien. Je ne trouverai que ma sœur endormie. Alors, je décidai de faire un détour par la maison d’Adonis parce que j’avais envie de savoir ce que pensait Litsa de son mari. Je toquais à la porte et aussitôt, elle m’ouvra et me dit : « Ce n’est que toi ? Entre si tu veux ». Je la remerciai et j’alla m’installer dans un de leur fauteuil. Qu’il était confortable, j’aurai aimé en avoir un chez moi, mais je n’ai pas d’argent. Adonis l’avait acheté à Décapole, à l’époque où tout lui souriait. Mais cette époque était révolue et ce fauteuil sera bientôt en vente pour gagner un peu d’argent.

Litsa me proposa un verre d’eau que je refusai poliment. Avec toute la pluie qui est tombé, je ne voulais pas voir d’eau. Mais la principale raison était que je ne voulais pas la fatiguer. Cette très jolie femme, marié à un géant, aller mettre au monde un enfant dans quelques mois. Comme je suis très proche d’eux, j’essayais de veiller sur Litsa de temps en temps, quand je n’étais pas avec Hécube. Je lui demandais de s’asseoir pour discuter avec moi. Comme elle en faisait toujours trop, elle me proposait de me préparer à manger, chose que je refusai. Je suis allé la prendre par les épaules et l’emmena moi-même s’asseoir, sinon elle serait restée debout toute la journée. Je lui laissai le si beau fauteuil pour m’installer sur une simple chaise, puis je lui demandais si tout se passer bien avec Adonis. Elle bafouilla :

—Adonis… Je… Je…

Et elle s’effondra en larmes. Je la serrais très fort dans mes bras en lui répétant que tout ira mieux. Les temps étaient durs et, il fallait le dire, Adonis n’était pas toujours facile à supporter. Elle devait être nostalgique de sa jeunesse, lorsqu’Adonis l’adolescent lui faisait la cour. Il redécouvrait la joie de vivre grâce à elle. Mais tout ça, c’était du passé. Désormais, ce n’était plus qu’un adulte, un fière homme clamant ses braches géantes. On m’avait raconté, après mon accident, qu’il avait perdu ses parents alors qu’il n’était qu’un bébé, il ne les avait jamais connus. Il avait été recueilli par le père Énée et élevait dans la foi par ce dernier. Dépassais par l’enfant devenant jour après jour toujours plus corpulent, malgré la bienveillance qu’il faisait brève, le père avait dû chercher une famille qui pouvait l’accueillir. Il fallait dire, à sa décharge, qu’un géant, alors en pleine croissance, devait se nourrir énormément afin d’atteindre une taille adulte d’un géant ordinaire, sinon, il se limiterait à celle d’un humain ou pire, il mourrait.

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