I

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Longtemps, une question était omniprésente dans ma vie. Aucune journée ne passait sans qu’elle ne revienne dans ma tête, je vivais avec, sans pouvoir l’oublier, comme le refrain d’une musique populaire qu’on chantonne du matin jusqu’au soir. Cette question, à l’apparence si simple, commune à tout individu, était —et est toujours —une épine dans mon pied, ne pas trouver de réponse est pour moi la pire des souffrances. Pourquoi suis-je né ? Jadis, je pensais avoir trouvé une — ou la — réponse à cette interrogation. Pourtant, l’explication que j’avais trouvé, et dont j’étais convaincue, était totalement erroné. Je me la répétais à longueur de journée, comme pour me convaincre ou me forcer à y croire. Je me disais que j’étais né pour mettre fin à tous les malheurs de ce monde ; mais qui étais-je pour décider du sort des autres ? Rien de plus qu’un homme qui se prenait pour un Dieu ou un Démon.

Aujourd’hui, bien que je n’ai pas trouvé la réponse, et que cette satanée question reste toujours dans ma tête, j’essaye d’y penser le moins possible. Rien que le fait d’être en vie me fait du mal, alors nul besoin d’accentuer mes souffrances. Assis sur une chaise, regardant des hirondelles se poser sur les branches d’un vieil chêne, jouant avec une clé dont je ne me séparais jamais, j’attends qu’ils viennent, eux — les soldats qui me traquent pour les terribles crimes que j’ai pu commettre. Je sais qu’ils reviendront me chercher, tel est l’ordre venu d’en haut. Seul dans la cabanette, je ne redoute pas qu’arrive ce jour, je ne me suis que très bien préparé. Je suis fatigué de fuir, cette vie ne rime plus à rien, je me rendrai et j’accepterai la sentence, sauf si c’est mourir. Si cela permettra de me racheter, peut-être que je pourrai quitter ce monde la conscience tranquille.

Soudain, les hirondelles que j’observe, s’envolent. D’habitude, elles restaient percher sur les branches toute la journée — où nous nous livrons à une bataille de regard, à celui qui détourna le regard en premier — et y rester jusqu’au soir pour retourner dans leurs nids ensuite. Si elles ont bougé, c’est qu’il y a une bonne raison. Je me lève et j’ouvre la porte ; je prends avec moi ma clé, elle peut mettre utile. En ne faisant qu’un seul pas dehors, je les aperçois, ils sont enfin là, ils m’ont trouvé. Ils sont cinq soldats juste en face de moi, à moins de cinquante mètres, avec leurs fusils braqués sur ma personne. Nul doute qu’ils doivent être plus, certainement tout autour de la cabanette, pour boucler le périmètre et m’empêcher de m’enfuir. Je réussis aisément à remarquer que le fusil qu’ils ont n’est plus le même que celui qu’ils possédaient la dernière fois que les avais rencontrés. Certes, cette précédente confrontation remontait à plus d’un an, mais je me souviens que leur canon était bien moins long et plus mince. Ils avaient dû améliorer leur armement pour trouver le moyen de me tuer, mais s’il y a une chose dont j’étais sûr, c’est que je ne voulais pas mourir par leurs mains. De plus, mon heure n’est pas encore venue, je dois me racheter. Le soldat qui se trouve juste en face de moi, certainement le chef de l’escouade, s’écrie :

—Ne bouge plus Vivus ! Nous avons de nouveaux fusils et ceux-là peuvent te tuer ! Alors lève les mains en l’air !

Bluff-t-il ? Je ne pense pas. Alors comme ça, ils avaient finalement développé une arme capable de me tuer. Ils n’ont qu’à appuyer sur la détente et je meurs. Je n’ai qu’à collaborer avec eux et je serai enfin libérer de ces chaînes. C’est comme si une main m’était tendue, la tentation est forte, mais je résiste. Je lui demande ce qu’ils feront une fois que je serai capturé, le soldat me répondit violement :

—Nous te tuerons, c’est la seule chose que tu mérites vermine.

En allant avec eux, il n’y a que la mort qui m’attend mais ce n’est pas ce que je veux. Je pense que je n’ai pas d’autre choix que de m’enfuir une nouvelle fois. Surtout que les soldats se rapprochent de moi pas après pas. Ils ne doivent être plus qu’à une trentaine de mètres. Je mets ma main droite dans la poche de mon pantalon et saisis ma clé. Puis, j’attends. Leur réaction est immédiate : le chef d’escouade ordonne à ses hommes de faire feu. Mais c’est inutile, je me suis téléporté dans une autre dimension grâce à la clé. Celle-ci n’est pas qu’une simple clé. Déjà, elle permet d’ouvrir un coffre et le numéro trois est inscrit dessus. Ensuite, le matériau nécessaire à son forgeage n’existe pas sur ma planète. Et surtout, elle permet à certaines personnes de se téléporter dans le Temps. Le Temps est une dimension situé en dehors du temps. Ici, on ne vieillit pas, le temps ne s’écoule pas. Et dans ce lieu, semblable à un long couloir, où de part et d’autre se trouvent des portes emmenant dans une pièce lié chacune à une personne, seulement des individus possédant une clé et appartenant à mon sang peuvent y venir. Si l’on va au bout du couloir, qu’importe le sens, on arrive forcément dans une grande salle, où se réunissent tout le monde. Cependant, maintenant, il n’y a plus personne, ils sont tous morts et je ne suis plus que le dernier à pouvoir venir ici. Je pourrais, s’il l’envie me prends rester ici pour l’éternité et ainsi fuir le monde vivant, celui que j’ai tant souillé. Mais il me reste une dernière chose à accomplir, il faut juste que je la trouve.

Je marche et je vois juste à côté des portes les visages auxquelles elles font référence. Je les connais tous et je sais sur lesquels je vais tomber : ceux de ma famille proche. Bien sûr, je trouve ma porte et mon visage, si j’entrais, je pourrai revoir toute ma vie défilait, mais je n’en ai pas envie de revivre ma vie. La porte suivante est celle de mon unique fils. Je suis incapable de prononcer son prénom, j’aurai aimé pouvoir lui présenter mes excuses, mais l’histoire est écrite, on ne peut pas retourner en arrière pour la changer. Dire que j’ai trompé mon propre fils, j’ai vraiment tout raté dans ma stupide vie. Je décide d’accélérer le pas pour vite passer à la suivante. Sergius, mon petit-fils, la seule personne que je n’ai jamais comprise. Lui, qui pouvait voir le futur, n’avait rien fait pour le changer tel un esclave acceptant son sort. Je lui avais demandé à de maintes reprises des informations sur le futur pour qu’il me guide, dans le but d’atteindre mon objectif et il m’a toujours aidé. Peut-être pensé-t-il que le monde tel qu’il est maintenant est bien, malgré tous les sacrifices qu’il a fallu faire. Si j’entre, je pourrai vivre sa vie et voir comment il avait fait ses choix. Ma main glisse le long de la porte pour arriver jusqu’à la poigné, mais j’hésite. Est-ce qu’entrer serait trahir cette personne que je respectais ? Certainement. Alors, mon regard se fixe sur le visage de grand homme, ce souverain respecté par son peuple et à qui on lui a fait jouer le mauvais rôle après sa mort. On l’avait fait passer pour un odieux criminelle et on avait pris le pouvoir par la force après sa mort, laissant ces enfants se disperser. Mais dès que j’ai pensé le mot « enfant », je me suis senti obligé de quitter Sergius pour continuer mon chemin, avançant vers les suivants, ces enfants. Avant de passer aux suivants, j’ai une dernière pensé pour mon petit-fils : « Excuse-moi, Sergius, j’aurais aimé que tu me vois maintenant, je ne suis plus le même homme, mais tu ne le sauras jamais ». Je mets ma main droite sur mon cœur, puis j’avance.

Les triplés Rex, Ales et Tertius. On raconte que la venue au monde de triplés change la face du monde. Effectivement, ces trois pauvres enfants ont participé à façonner le monde tel qu’il est actuellement. Mais avant tout, ce sont trois enfants au destin funeste. J’ai encore une fois participé à l’écrire, leur histoire si triste. Je regarde attentivement le visage d’Ales, celui que je connais le plus, celui que j’ai endoctriné et celui que j’ai rendu malheureux, à l’antipode de mon objectif, celui d’annihiler la tristesse dans ce monde. En lui, quand je l’avais vu petit, je me revoyais. Nous avons tous deux un long nez fin, de longs cheveux noirs qui tombaient sur nos larges épaules, un visage ovale sans pilosité sur nos joues, des yeux gris et une grande taille pour des humains, mais tout de même nettement plus petit que des géants. Physiquement, on se ressemblait, mais nous ne pensons pas de la même manière. Je pensais qu’il allait pouvoir atteindre mes objectifs, mais lorsqu’il a trouvé sa propre réponse à cette fameuse question « Pourquoi suis-je né ? », il s’était mit en tête de créer un monde tel qu’il le voyait. Quel entêté ce Ales. Finalement, j’entre. C’est la première fois que je pénètre au sein d’une tel pièce. Autrefois, avec tous les autres, afin d’éviter toute querelle, nous nous étions promis de ne jamais entrer dans une de ces pièces. Mais que vaut cette promesse maintenant qu’ils sont tous morts, plus personne ne pourra ma juger. A peine un pas mit dans la pièce que j’entends une voix assez grave : « Te voilà enfin, Vivus ». Ales ? Oui, c’était lui ! Mais il était mort et je l’avais vu de mes propres yeux. Il poursuit : « Je savais que tu viendrais, après tout, mon père avait toujours raison ». Sergius ? Il lui aurait donc demandé de me communiquer une certaine chose ? Je tente de le couper, mais, comme il fallait l’attendre, la voix était enregistrée. Il dit : « Tu n’as pas honoré la promesse, mais tu dois bien avoir une raison. Mon père m’avait dit que lorsque le moment sera venu, moi aussi je pourrai me racheter. Et que pour ça, je devrai te raconter ma vie ». Je ne comprends pas en quoi me raconter sa vie lui permettra de se racheter, mais si Sergius l’a dit, effectivement, il faut le faire. Mais alors que j’étais focalisé sur la voix, je n’ai même pas vu qu’il a juste devant moi une énorme sphère, sur laquelle défilait des images animées, ressemblant à des souvenirs d’Ales. J’en reconnais plusieurs. J’imagine que pour revivre sa vie, je dois pénétrer au sein de la sphère. J’avance pas après pas. J’essaye de la toucher avec ma main, mais cette dernière est aspirée et entraine tout mon corps à l’intérieur. Tout devint noir et je semblais perdre connaissance. Je ne contrôlais plus rien, ni ce que je voyais. Je n’entendais que la voix d’Ales et il me projeter sa vie.

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