Nicolas - 3

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Un tremblement de terre le bouscula. Ce n’était pas une simple secousse, mais un véritable séisme qui le fit tomber sur le tapis. Ce n’est qu’en se relevant qu’il reboutonna son pantalon. Après un court instant où il reprit ses esprits, il se décida à voir dehors.

Il ne pensait plus à Nicolas ou même à Catherine. Et là, ce fut tout bonnement inimaginable.

Sirius n’existait plus, l’eau jaillissait du cratère qui avait pris sa place, la pluie s’était mise à tomber dispersant cette brume épaisse et du centre s’élevait un grognement animal, puissant. Les habitants fuyaient et rejoignaient le port, trainant des corps inertes. Le lac s’était subitement transformé en océan déchainé. Des vagues se propulsaient contre les maisons, détruisaient les toits, enlaçaient les rives et inondaient la berge.

Stéphan fut abasourdi par ce spectacle. Tout le village hurlait, et il ne savait pas où poser les yeux. Caligo était-il attaqué ? Était-ce l’œuvre d’une bombe ? Mais pour quelle raison ?

Un rire retentit près du gouffre, un rire étrangement familier. Il était machiavélique, méconnaissable ; Nicolas s’étouffait.

Stéphan cru comprendre alors ce qu’il se passait. Il joignit un instant sa maison pour en récupérer un bâton et s’apprêta à le corriger. Lorsqu’il traversa le premier pont en direction de Sirius, celui-ci s’effondra et il dut sauter pour en atteindre le bout.

Tout ce carnage, ce vacarme, ces dégâts, ses chaussures et son bas trempés… Stéphan était bien décidé à en finir. C’était sous la pression du village uniquement qu’il avait gardé cet enfant, mais il aurait dû le noyer avant que les choses ne dérapent. Il ne l’avait jamais aimé ce gamin ; sa mère était une catin rencontrée sur un bord de route, une sorcière qui avait refusé de se traîner à ses chevilles. Il avait simplement trouvé le bébé au pied de sa porte avec un mot qui lui expliquait être le père.

Son visage se tordit encore de rage, mais alors qu’il s’approchait de son fils, celui-ci s’arrêta de rire et plongea ses yeux démoniaques dans ceux de son père. Les pupilles rougies, le sourire au coin, il éleva une voix caverneuse.

- Alors papa ? Jette ce bâton, tu ne feras rien avec.

Stéphan se sentit insulté et fonça sur Nicolas. Mais les cygnes à crête rouge étaient maintenant là et paraissaient voler dans sa direction. Ils lui arrachèrent sa chemise avant même qu’il ne puisse répliquer, le firent tomber et tapèrent sa chaire dévoilée.

Stéphan asséna un coup dans le vide et commença à hurler, perdu dans le brouhaha alentour. En le couvrant de violent coup d’ailes, les cygnes drensèrent à nouveau.

Puis alors Stéphan cru rêver. Il vit un tentacule glisser sur la mousse, s’élever du cratère et ramper comme un serpent non-furtif dans sa direction. Il était trop épais pour appartenir à une quelconque créature des profondeurs. Et puis dans le lac pouvait-il y avoir des créatures aussi gigantesques que celle-ci ? Car le bout de tentacule en surface faisait déjà bien 3 mètres de longueur.

Un second de même circonférence s’approcha d’un cadavre flottant sur les vagues. Il l’attrapa et lui arracha les jambes avant de jeter le tronc dans le gouffre. Immédiatement, on entendit un son dégoutant de mastication.

Stéphan ne put hurler d’avantage, la gorge nouée par tant d’horreur, et reposant le regard sur le tentacule qui s’approchait, il recula en rampant.

- Laisse-le faire, papa. C’est son offrande pour toutes ses années de bienfaisance. Le village doit se plier ou il fera plus de dégât.

Stéphan jeta son bâton sur le tentacule et grogna. Cela ne lui avait rien fait.

- Il est affamé, et il dormait bien, continua Nicolas alors que son visage s’assombrissait. Mais j’en ai eu assez de te voir faire souffrir Catherine. De savoir que tu avais fait souffrir ma mère. Je l’ai réveillé, comme elle me l’avait demandé. Mais un peu plus tôt.

Les cygnes s’attaquèrent maintenant à son visage.

- Ma mère m’a dit une chose aussi. Plus la protection est dure, plus la chute est rude.

Le tentacule éleva Stéphan et par la même occasion, Nicolas sauta sur le second.

- Vois-tu enfin, je suis fière de lui. Comme ma mère est fière de moi. Crois-tu qu’elle soit la seule ? Crois-tu qu’il soit le seul ? Crois-tu aussi que je sois le seul ? Maman voulait connaître le mal qui rongeait les Hommes… maintenant ça commence.

Stéphan sentit son corps se déchirer, et il vit sa chaire s’arracher et s’enrouler sur elle-même. Ses jambes s’éloignèrent de lui en un hurlement aussi pur que l’horreur auquel il assistait. Puis il plongea dans le cratère près d’une énorme bouche édentée, et il vit enfin un cou bruni sur un fond de pleurs enfantins.

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