Chapitre 54 Djor Hallendal - Partie 1

5 minutes de lecture

- Nous serons bientôt au château. J'espère que vous tiendrez votre promesse.

 Cela faisait presque deux jours que les deux groupes s'étaient rencontrés, et que Cosimo avait accepté de les mener à Djor Hallendal. Ne leur faisant pas totalement confiance, il leur avait demandé de lui remettre toutes leurs armes, ce que Tabatha avait bien évidemment refusé. Après de longues négociations, il avait été convenu que le groupe de Tabatha conserverait ses armes sur la route afin de pouvoir se défendre, mais qu'ils devraient les remettre à leurs guides avant de pouvoir pénétrer dans l'enceinte du château.

 Le voyage s'était déroulé dans une ambiance de méfiance mutuelle, de regards en coins et de murmures inquiets. Les hommes de Cosimo avaient conservé leurs capuches et leurs écharpes, et ils n'avaient que très peu échangé avec le groupe de Ts'ing tao. Ils étaient restés à l'écart pendant les bivouacs, et avaient marché dans les hauteurs pendant la journée.

 Seul Cosimo s'était mêlé au groupe et avançait tête découverte. Il menait le convoi, en compagnie de Tabatha, Sin fo, Ryban et Archibald. Ce dernier s'était fait passer pour le chef du groupe à la demande de Tabatha, qui ne souhaitait pas trop s'exposer avant que ce ne soit nécessaire.

- Nous respecterons notre parole si vous respectez la votre, répondit Archibald. Nous accepterons de rentrer désarmés dans votre château seulement si vous nous conduisez directement devant votre seigneur.

- N'ayez crainte messire, je vous obtiendrais une audience. Je ne suis le chef que d'une petite patrouille de reconnaissance, mais j'ai un peu d'influence au château.

 Après ce bref échange, Cosimo se rapprocha de Sin fo.

- Je tiens à nouveau à m'excuser pour le ton sur lequel je vous ai parlé l'autre jour. C'était un véritable manque de respect à votre égard.

- C'est déjà oublié, assura Sin fo. Nous étions tous à cran, c'est bien normal.

- Vous êtes bien indulgente à mon égard, dit Cosimo avec un sourire charmeur. Comprenez-moi, je ne voulais pas vous faire peur. Tout ce que je voulais, c'était vous protéger de ce bentou, vous et votre amie. Excusez-moi jeune fille, comment avez-vous dit vous appeler déjà ?

- Lizzie Brooks, répondit la princesse le plus naturellement possible.

- Ah oui c'est cela. Dites-moi Lizzie, qu'est-ce qui a bien pu pousser une jeune fille comme vous à se joindre à ce groupe de combattants ?

- J'ai surtout suivi le mouvement vous savez. Et puis je serais plus en sécurité avec ce groupe que toute seule, n'est-ce pas ?

- Vous avez sans doute raison. Ne vous inquiétez pas, je suis sûr que vous pourrez rester à l'abri des murs du château aussi longtemps que vous le voudrez. Vous aussi bien sûr chère Sin fo, dit-il en se tournant vers cette dernière avec un nouveau sourire.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que nous cherchons à nous mettre à l'abri ?

- C'est évident, non ? La place d'une femme n'est pas sur le champ de bataille. C'est à l'homme qu'il incombe de risquer sa vie pour protéger celle de sa dame.

 Sin fo ne voulait pas risquer de froisser leur nouvel allié, aussi se mordit-elle les joues pour retenir une réplique cinglante et se contenta-t-elle de répondre :

- Les hommes du nord ne m'ont pas habituée à ce genre de… galanterie.

 Cosimo ne sembla pas saisir le sarcasme et renchérit :

- Il est vrai que vos hommes ont chez nous la réputation d'être souvent discourtois avec les dames.

- Vous savez ce qui est le pire, demanda Sin fo sur le ton de la confidence. C'est que la plupart du temps ils ne se rendent même pas compte de leur maladresse, et que nous autres pauvres femmes bien éduquées nous sommes sensées accepter cela avec le sourire.

- J'ose à peine imaginer à quel point cela doit être difficile.

- Vous ne croiriez pas tout ce que j'ai traversé et tout ce que je continue d'endurer, répondit Sin fo avec un sourire malicieux.

- Peut être pourrais-je vous faire découvrir autre chose, proposa Cosimo. Pourquoi pas ce soir durant le banquet.

 Tabatha sauta sur cette occasion pour changer de sujet avant que l'archer ne se rende compte que son amie se moquait de lui.

- Comment pouvez-vous être sûr qu'il y aura un banquet ?

- Ça fait longtemps que nous n'avons plus reçu d'invités à Djor Hallendal c'est vrai, mais mon seigneur n'a jamais manqué aux règles de l'hospitalité. Il offrira le repas à tout le monde, et pas seulement à votre meneur. J'interviendrais moi-même pour que vous ayez une bonne table, renchérit-il à l'adresse de Sin fo.

- Nous sommes tout de même assez nombreux, le coupa Tabatha. Votre château abrite-t-il suffisamment de nourriture pour tout le monde ?

- Nous ne pourrons pas vous offrir un banquet tous les soirs c'est évident, mais nous n'avons pas à nous plaindre.

- J'ai du mal à croire que vous vous en sortiez si bien alors que le reste du royaume ne cesse de se dégrader.

- Nos montagnes nous isolent et nous protègent, répondit Cosimo en englobant le paysage d'un geste du bras. Et la gestion du seigneur Hollen est très efficace. Il sait mener ses hommes et traite tous ses sujets avec équité. Et enfin si vous voulez bien lever les yeux chère Lizzie, vous comprendrez pourquoi nous nous en sortons si bien comme vous dites.

 Tabatha tourna la tête vers l'endroit que lui désignait leur guide et s'arrêta de marcher, muette d'admiration. Un peu plus loin sur une haute crête se dressait fièrement Djor Hallendal. Le château surplombait toute la région et semblait aussi vieux que les montagnes elles-mêmes.

 Tabatha se souvenait de son palais comme d'un bâtiment riche, coloré et lumineux, et qui avait évolué avec les années. Les longues périodes de paix avaient permis aux bâtiments de défense des origines de se parer de nouveaux pavillons plus modernes et plus confortables. Les murs de pierre s'étaient parés de boiseries et de tentures, puis avaient été percés de nombreuses et hautes fenêtres. Mais Djor Hallendal n'avait rien de commun avec son palais.

 Ses hauts murs d'enceinte devaient faire plus de trente mètres de haut, et le château en lui-même était encore bien plus haut. Ces murs de pierre n'étaient pas là pour évoquer le luxe ou la richesse, ils n'exprimaient que la puissance et la robustesse. Le domaine était cerné de trois côtés par des falaises à pic que, Tabatha en était sûre, même les bentous étaient incapables d'escalader.

 Le seul chemin praticable menait directement à la porte de la forteresse, et il était impossible de l'emprunter sans être vu par les gardes en factions dans les deux tours qui encadraient la porte. Ces deux fortifications et leurs murs ronds détonnaient avec les murs droits et les angles droits des remparts, mais elles offraient une vue panoramique et permettaient ainsi de surveiller toute la région à des kilomètres à la ronde. Cosimo remarqua où se posait le regard de Tabatha et lui dit :

- Je sais à quoi vous pensez, et oui, vous pouvez être sûre qu'ils nous ont déjà repérés. Veuillez m'excuser, je vais envoyer l'un de mes hommes en avant pour que les gardes ne soient pas trop méfiants.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire William BAUDIN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0