3.    Enquête de routine

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Le moment était venu pour l’enquête de routine. C’est bien ce que je déteste le plus dans mon job. Faire le tour des relations de la victime afin d’entendre combien sa perte était tragique. Je ne comprends pas pourquoi jamais personne ne fait preuve de sincérité devant un flic. Avouer que le type était une raclure et se réjouir de son trépas. Peut-être parce que ça place immédiatement votre interlocuteur dans la case des suspects potentiels. C’est sans doute ça.

Je laissai Miguel interroger l’épicerie où bossait la troisième victime. Le marchand était un vieux con qui allait lui tenir la jambe des heures durant. Je pris la direction de l’immense bâtiment qui dominait la ville. Le complexe pharmaceutique était impressionnant. Les façades blanches se mêlaient aux tours en verre et trônant au-dessus du corridor d’entrée, les lettres en néon apportaient la clarté que le ciel n’offrait pas : Genix Phramacom. Le hall était une gigantesque verrière renfermant un décor épuré. Une petite salle d’attente composée d’une table basse et de quelques fauteuils et un long comptoir derrière lequel une réceptionniste travaillait. Elle leva les yeux de son ordinateur et m’accueillit dans un sourire poli.

  • Bienvenue chez Genix Phramacom. Que puis-je pour vous ?

J’exhibai fièrement mon badge du FBI tout en me présentant. Je vis la jeune femme blêmir, mais masqua habilement son trouble tandis que je lui fis part de l’objet de ma visite.

  • J’ai repris l’enquête sur la mort de Rosa Davies et j’aimerai m’entretenir avec l’un de vos responsables.

La réceptionniste accepta dans un sourire de composition et m’invita à prendre place dans la salle d’attente le temps qu’elle informe l’un de ses supérieurs.

J’en profitai pour feuilleter l’un des magazines qui décoraient la table basse. Un ramassis de conneries à la gloire de la société. Une photographie de son PDG, Robert Cranson, ornait presque chaque page. Je ne pus m’empêcher de faire un lien entre ces clichés et un culte de la personnalité. Le grand patron tout-puissant et intouchable qui s’avère être un génie du mal. L’image m’amusa, mais on ne trouve ça que dans les films. Les gérants ne souhaitent pas dominer le monde, ils veulent simplement faire de l’argent… beaucoup d’argent. J’étais perdu dans mes pensées lorsque le type le plus antipathique qu’il m’ait été donné de voir fit son apparition. Petit costume ceinturé et boutons de manchette hors de prix, fines lunettes de marque. Une calvitie commençait doucement à lui grignoter les tempes, mais ce qui m’insupporta le plus fut son sourire de premier de la classe.

  • Inspecteur Ambrose, s’exclama-t-il comme s’il m’avait toujours connu. Je suis ravi de faire votre connaissance. Je suis Michel Leblanc, directeur de la branche de Paradise Corner. C’est un réel plaisir de vous recevoir dans nos locaux.

Sa voix fluette et guindée m’insupporta dès les premiers mots. Il me guida cordialement vers un immense ascenseur qui nous éleva vers les hauteurs des tours. Ce devait être le chemin qu’on utilise pour impressionner les visiteurs. Après quelques instants dans les entrailles du bâtiment, les parois de verre de la cabine offraient une vue grandiose sur la ville. Je laissai mon regard se perdre à l’horizon, hermétique à la voix dérangeante de mon hôte qui m’expliquait l’historique de la société.

Nous arrivâmes dans un bureau qui occupait tout le dernier étage. Avec les tapis persans et les meubles en bois précieux, je crus avoir été transporté dans le Bureau Ovale. Michel me proposa un rafraichissement que je refusai poliment. Il enchaîna ensuite sur les mérites de sa défunte employée. C’était une perte tragique pour la société, un atout irremplaçable… mais lorsque je posai des questions sur ce qu’elle faisait, le patron, sans se départir de son sourire niais, éludait toutes mes interrogations. Rosa travaillait dans une zone classée « secret défense » et, malgré mon insistance, je n’eus pas plus de détails.

***

Une légère bruine s’était mise à tomber en fin d’après-midi. Au volant de notre voiture, j’écoutais Miguel me relater combien l’épicier était un homme charmant. Cette piste-là aussi était froide, Rory O’Donell était un adolescent sans histoire qui réassortissait les rayons de la supérette mourante tous les mardis. Il enchaînait les petits boulots afin d’arrondir ses fins de mois : faire la plonge dans les restaurants, agent d’entretien pour le cinéma. Chaque centime qu’il amassait était investi dans la moto qu’il retapait. Ses parents lui payaient des études d’économie, mais la mécanique était sa réelle passion.

J’écoutais distraitement les inepties de mon coéquipier, bien trop focalisé sur ce que j’allais raconter à la légiste pour justifier la présence du boulet. J’arrêtai la voiture et prétextai de devoir sonner à sa porte pour la prévenir que nous étions là. J’invitais Miguel à ne pas mouiller le superbe t-shirt des Patriots qu’il arborait en restant dans l’habitacle et me dirigeai vers l’entrée du petit immeuble chic. Afin que je ne sois pas trempé, elle me fit monter chez elle. Madame avait bon goût. Elle avait même très bon goût. Son salon, décoré dans une atmosphère typiquement anglaise, offrait une chaleur immédiate, mais lorsque je la vis arriver, je ne pus retenir une exclamation. Elle avait troqué sa blouse pour un petit cache-cœur de satin blanc, porté avec une jupe droite noire. Ses longs cheveux sombres étaient relevés dans un chignon sophistiqué et son rouge à lèvres carmin mettait en valeur sa peau claire et ses yeux noisette. Elle était à la fois élégante et sexy, promettant une soirée magique… enfin, lorsque je parviendrai à me débarrasser du boulet…

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