Chapitre 3 : Arrogance

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J’étais assis contre le mur en brique qui séparait le quai de l’escalier. Position fœtale des familles, mes yeux inondaient les manches noires de mon sweat-shirt. Les gens avaient recommencé à bouger, certains partaient, d’autres parlaient, d’autres encore se regroupaient autour de moi. La Valkyrie était accroupie devant moi, une main sur mon épaule. J’avais de plus en plus froid, c’était comme si le sol me transmettais sa température, ou bien qu’il pompait la mienne. En entendant un « c’était qui ces mecs en tenue sombre ? » je repensais aux quatre types étranges qu’avaient surgis quelques minutes plus tôt. D’où venaient-ils ? Que voulaient-ils ? Pourquoi étaient-ils habillés comme de la merde ? Pourquoi avaient-ils pris mon sang ? Mais surtout pourquoi maintenant ? Avaient-ils un lien avec les flics que j’avais tabassé ? Beaucoup de questions et un néant de réponses. Et en parlant de nos chers amis représentants de l’ordre, allait falloir s’occuper de ce souci assez rapidement.

-Tu vas venir avec moi ok ? me glissa la Valkyrie dans l’oreille, encore et toujours avec cette putain de voix orgasmique, et l’utilisation de cet adjectif est autant un euphémisme que dire « Pulp Fiction était pas trop mal ».

A la suite de ce message provoquant en moi l’excitation d’une demi-tonne de cocaïne je relevai la tête. Son regard n’avait pas changé, ni bon ni mauvais, ni froid ni chaleureux.

-Comment ça ? lui répondis-je après avoir encore une fois contemplé son visage de déesse.

-Avec ce que tu viens de faire tu crois vraiment que ta vie va continuer comme d’habitude ? Tu sais très bien dans quel monde on vit ¤¤¤¤¤¤¤¤, y’a pt’être même déjà des hommes en chemin donc lève-toi et suit moi s’il-te-plaît.

-Pourquoi je devrais te suivre ? Puis comment tu connais mon nom ?

-Tu l’as dit au mec en noir, et tu devrais venir avec moi parce que je te le demande.

Une question existentielle se posa alors à moi, est-ce que je grille les cartouches ou je tente le coup ? Elle était pour moi une de ces filles inatteignables que je croisais dans la rue ou n’importe où d’autres, ces êtres qui faisaient partir mon cœur de 0 à 100 en une demie seconde, celles dont la vue me réchauffait, celles qui activaient mes organes génitaux comme un coup de tonnerre dans une piscine olympique. Est-ce que je grille les cartouches ? Est-ce que je lui fais capter qu’elle me fait vriller parce que dans tous les cas ça sert à rien ou est-ce que je tente le coup alors que ça se trouve elle sait très bien que c’est le festival dans ma tête et entre mes jambes. Le temps s’est soudain arrêté alors que j’essayai de fouiller un peu plus dans son regard mystérieux. Impossible d’y discerner quoi que ce soit, c’était un labyrinthe sans entrée ni sortie, un problème sans question, un mystère invisible. Je fis le choix de ne pas lui dire lâchement « Ok meuff c’est pas parce que tu me fais partir en couilles que tu peux me balader où tu veux donc donne-moi une autre raison que ton corps pour te suivre et on reverra la question. ». J’ai plutôt opté pour un :

-Bon. On va dire que je te suis parce que j’ai pas d’autre choix mais si y’a moyen que tu m’expliques en quoi tu vas m’aider ça m’arrange j’t’avoue.

-T’inquiète t’auras les infos dont t’as besoin en temps voulu.

-C’était pas vraiment la réponse attendue mais ok.

Je me relevai en même temps qu’elle, le flic qui avait pris un coup de jus commençait à reprendre vie. Je croisai le regard de la femme au-dessus du vieux : « taille-toi ». La Valkyrie me prit par le bras et m’indiqua l’escalier qui descendait vers les grands, larges et glauques couloirs de la gare souterraine. Je m’élançai juste derrière elle en entendant la voix du policier au loin derrière moi.

On a continué à courir pendant 2-3 minutes avant d’atteindre une sortie qui donnait sur un des axes aériens principaux de la ville. La Valkyrie a fouillé dans sa poche de manteau et en a sorti un petit boîtier gris. Je surveillais la sortie de la gare pendant qu’elle semblait parler dans le petit objet que j’avais réussi à identifier comme étant un téléphone, un vieux, du genre qui pouvait servir de projectile. Alors que je tentai un coup d’œil dans le couloir d’où nous venions, elle m’attrapa le bras gauche et m’indiqua le module qui venait de s’arrêter au bord de la plateforme. C’était un transporteur moyen, je savais reconnaître les différents types de modules quand j’en voyais, merci les interminables trajets en UrbExpress. Je suis donc rentré à l’arrière du véhicule comme un enfant kidnappé à l’entrée d’une école primaire ; il y avait deux personnes à l’intérieur, une wax d’environ 25 ans je dirais et un homme d’à peu près mon âge, du moins de ce que je voyais, il avait un foulard sur la moitié basse du visage. Je me suis donc assis d’un côté et la Valkyrie a refermé la porte. J’entendis une des portes avant s’ouvrir puis se fermer et la voix de la fille s’adresser à quelqu’un. Pas besoin de brevet en énergie noire pour capter qu’elle parlait au conducteur. Une voix grave et rauque lui répondit, mais j’arrivais pas à comprendre ce que ça disait. Le module démarra alors et je failli me péter la gueule comme une merde.

Après quelques minutes de malaise palpable la wax fut la première à rompre l’insoutenable silence qui s’était installé :

-Alors boy tu sors d’où ? demanda-t-elle en s’adressant à moi.

-D’une gare après avoir tabassé deux flics et toi ? répondis-je d’un ton semblant assuré, parce qu’en vrai je me chiais dessus.

-C’est moi qui pose les questions.

La panique qui s’était peu à peu dissipée en moi venait de revenir me mettre une grosse droite dans la gorge : la wax faisait partie de l’équipe. C’est vrai que jusque-là j’avais considéré que vu qu’ils étaient à l’arrière ils avaient été « kidnappés » comme moi, mais ducoup nan, manquerait plus que le mec à ma droite fasse lui aussi parti du groupe et c’était le 1 vs 4, et vu le regard que son seul œil visible me lançait, j’étais seul contre tous.

-Tu…Vous êtes avec la Valkyrie ? balbutiai-je.

-A peine, me répondit-elle sèchement.

-Ah. Beh alors avant de continuer ce doux et chaleureux interrogatoire j’aimerais juste préciser quelque chose, je ne sais pas qui vous êtes, tous, et ensuite, je veux pas d’embrouilles les gars ok ? Chuis venu chercher de l’aide, pas des noises.

-Honnêtement ? Rien à foutre, tu me donnes ton nom, ton adresse et tout ce qui peut être relevable à propos de ton existence.

-Mon nom la blonde le connaît, mon adresse c’est quelque part dans le Tralion, secteur 4, je m’en souviens jamais, je retrouve naturellement. Ensuite des choses relevables de mon existence ? Bah pas grand-chose jusqu’à y’à un quart d’heure.

Elle lâcha un petit rire.

-Ok, ok… murmura-t-elle entre deux ricanements.

Elle passa de sa position assise à celle de « un canon dans ma bouche » si rapidement que j’eu juste le temps de me froisser une couille que le fer froid me tâtait le palais.

-MON POTE VA FALLOIR COMMENCER A ARRETER DE FAIRE LE MALIN PIGE ? me gueula-t-elle dans l’oreille, JE SAIS PAS ENCORE POURQUOI LEILA T’A RAMENE DANS C’TE PUTAIN DE CAMION MAIS J’ESPERE QU’ELLE A UNE BONNE EXCUSE PARCE TA GUEULE RESSEMBLE VRAIMENT AUX DECHARGES D’ORGANES DERRIERE LES HOPITAUX ET CE QUI EN SORT SENT PAREIL, DONC MAINTENANT SI TU VEUX EVITER DE TE RETROUVER AVEC UNE DEUXIEME BOUCHE A L’OPPOSE DE LA PREMIERE, T’ARRETES TON PETIT TON SUPERIEUR ET MALIN ET TU REPONDS A MES QUESTIONS BIEN GENTILLEMENT !

C’était l’acouphène. Quand sa voix douce comme une lance à incendie finit de me détruire l’audition, le tendre son de l’acouphène apparut. Je baissai la tête machinalement et me tins l’oreille pensant peut-être en arracher ce bruit qui m’explosai le cerveau. Mes tympans se réactivèrent et je pus à nouveau ouvrir les yeux. La wax se tenait devant moi le regard sombre et le pistolet à la main, posé sur sa cuisse. C’est alors qu’au moins deux de mes neurones s’alignèrent pour synthétiser la meilleure réponse possible à ce moment précis :

-J’ai envie de pisser.

Coma.

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