Chapitre 7 | Archie

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Archie écouta le dernier morceau de White Buffalo à la radio au moment où il gara sa dépanneuse devant le garage Bennett. Il coupa le moteur puis se hâta vers le bureau, il signa puis apposa le tampon de la société. La propriétaire de la Mercedes arriva dans la voiture d’une amie. Il lui remit le récépissé, le regard bleu d’Archie glissa sur une adolescente BCBG. La fille de la propriétaire de la voiture.

— Voilà m’dame, lui dit-il. Je vais chercher l’un de nos mécanos pour examiner votre véhicule.

En guise de réponse, elle hocha la tête, maintenant son sac à main contre sa poitrine. Archie eut envie de rire. Comme s’il allait lui sauter dessus pour la violer à même le sol à la vue de tous ! Satané bonne femme mal baisée par son mari !

— Strike ? appela-t-il en pénétrant à l’intérieur de l’atelier.

Ali vaquait à ses occupations sous une bagnole. Seul le bas de son corps dépassait sous le châssis. À la façon dont se dandinaient ses genoux, elle écoutait un morceau de musique. Il attrapa ses chevilles et tira violemment la jeune femme vers lui. Ali apparut puis ôta ses écouteurs.

— Quoi ? ronchonna-t-elle, le regard furibond, prête à lui bondir à la gorge.

En le reconnaissant, la jeune femme s’adoucit. Elle passa sa main dans sa chevelure noire, nattée sur le côté. Le visage maculé de traînées de cambouis, Ali était un vrai garçon manqué qui accordait toutefois une attention toute particulière à ses cheveux.

— Tu as vu, Strike ? demanda Archie, s’efforçant de détourner son attention de sa tresse noire.

— Il est à la prison pour rendre visite à Ezra.

— Je sais ce qu’il est là-bas. Ce que je veux savoir c’est quand il compte revenir !

— Aucune idée. C’est vrai qu’Ezra ne s’est pas présenté au parloir depuis quinze jours.

Archie acquiesça du chef.

— Tu crois qui s’est passé quelque chose de grave ? Une émeute ? Un règlement de compte ?

Il alluma une cigarette tout en fixant la jeune femme d’un air imperturbable. Il tira une longue bouffée de nicotine avant de la recracher par le nez.

— Tu en as pour longtemps avec cette caisse ? éluda-t-il.

— J’ai fini la vidange. Il faut que je fasse le plein d’huile.

Archie réfléchit.

— Laisse tomber, je m’en occupe. J’ai ramené la Mercedes. La cliente n’a pas l’air très à l’aise en ma présence, je crois que c’est mon cuir qui l’effraie. Vas-y à ma place.

Ali se leva. Elle fixa l’écu des Nevada Wolves puis le patch « Homme d’armes » avec une certaine émotion.

— Il est cool, ton cuir. Je ne vois pas ce qu’il a d’effrayant.

Archie éclata de rire, il récupéra le bidon d’huile Excelsior. Ali émit un non.

— Le client veut l’autre.

— Le bas prix ? Tu déconnes !

— Est-ce que j’ai l’air de déconner, sérieux ? Il trouve l’Excelsior trop cher !

— Peut-être mais celui-là prendras soin de son moteur. Vu le kilométrage de sa bagnole, vaut mieux utiliser le top du top !

— C’est ce que je lui ai dit mais le client est roi, lui rappela Ali.

— Le client est roi ? Je dirai plutôt débile ! ricana-t-il en reposant le bidon pour récupérer l’autre de moins bonne qualité.

Ali essuya ses mains sur un torchon pendant qu’il remplit le réservoir. Elle s’approcha puis s’appuya contre l’aile de la voiture.

— Et la fille de samedi soir ? Tu l’as revu ?

— Laquelle ?

— Celle que Strike et toi aviez abordé sur le parking ! La jolie blonde plutôt sexy !

— Non. Pourquoi ?

— Tous les gars au clubhouse n’arrêtent pas de parler d’elle. Au bar, Roxy a pété un câble à cause de leur interminable interrogatoire !

— C’est vrai qu’elle est particulièrement mignonne.

Archie ferma les yeux pour se remémorer son rêve de la nuit dernière où il se la tapait en levrette.

— Tu as reconnu le modèle de bagnole ? s’enquit Ali.

— Une Dodge Challenger de 1989 noire ! Un vrai petit bijou !

— Elle appartient à l’un de nos clients. Marcus Ellis, pour être exact. Il l’a amené en milieu de semaine pour une révision en vue de passer le contrôle technique.

— Tu es sérieuse ?

— J’ai signé le bon des travaux. Tu es en bon terme avec Reuben, parle-lui. Je serai un bon élément pour le club !

Archie écouta son prêchât puis vissa le bouchon.

— Écoute, tu viens d’avoir ton permis moto ! Fais tes galons sur une grosse cylindrée puis on verra !

— J’ai déjà fait mes preuves, j’ai aidé le club plusieurs fois...

— Et on t’en est reconnaissant, Ali, mais ça ne suffit pas pour nous joindre autour de la table ! Tu comprends ?

Sa remarque blessa la jeune mécanicienne.

— Ça a strictement rien à voir avec le fait que tu sois une nana ! On a de la meuf, du chicano, du jaune à la table ! C’est juste que ce n’est pas le bon moment !

Ali courba l’échine. Elle boudait à tous les coups. Il s’accouda sur la carrosserie tout en vérifiant le niveau du liquide de refroidissement.

— Le club est sur les dents. Ezra sera bientôt libéré avec un autre mec que tout le monde attend comme le Messie ! On ne sait pas dans quel état notre pote va sortir. Il a rejoint la Fierté Blanche en prison.

Ali blêmit.

— Il me semble que Reuben a évoqué une fois les grands-parents paternels d’Ezra. Ils étaient juifs d’origine ashkénaze.

Archie ne releva pas le commentaire par respect pour Ezra dont les grands-parents avaient fui la Pologne avant la Shoah. Ce que le paternel d’Ezra ne leur avait jamais pardonné... par pure bêtise ! Ces gens-là avaient bien agi. Son pote d’enfance n’était pas circoncis et n’avait même jamais lu une page de la Torah ni fait Chabbat ou sa bar-mitsvah. Son père étant alcoolique et violent, Ezra avait toujours été très proche de sa mère athée. Son meurtre ne n’avait pas aidé Ezra à se rapprocher de son grand-père qu’il jugeait responsable de la déplorable éducation de son fils.

Archie n’aimait pas parler de ce genre de choses. Même si Ali faisait partie de la famille ! Cette partie de la vie d’Ezra ne concernait personne hormis lui. La décision lui revenait d’en parler ou non ! Archie, comme Strike, le connaissait depuis les bancs du cours préparatoire... Ezra n’avait jamais évoqué ses origines juives à aucun moment !

— Tu sais, la prison change un homme d’autant plus quand il y reste aussi longtemps qu’Ezra. On va devoir prendre soin de lui. Le temps qu’il reprenne ses marques dans le club !

Ali claqua le torchon contre sa jambe. Elle agissait ainsi pour ne pas céder à la colère.

— Donc évite de prendre la tête à Reuben avec tes désirs d’intégration ! Ça vaut mieux pour le monde !

Pour toute réponse, Ali l’écarta du revers de la main, le bousculant au passage pour accueillir la cliente puis se renseigna sur l’origine et les circonstances de la panne.

Reuben, ayant abandonné le comptoir de son cher bar, l’aborda.

— Alors ? demanda Reuben en désignant la mécanicienne.

— Alors Ali va te foutre la paix pour un bon bout de temps, affirma Archie.

— Comment tu as fait ? Ça fait des plombes qu’elle me casse les couilles !

Archie éclata de rire.

— C’est juste que tu ne sais pas parler aux femmes, le railla-t-il.

— Ta gueule, p’tit merdeux à la con ! s’amusa Reuben en ôtant ses lunettes de soleil.

Le pot d’échappement d’une moto pétarada, Strike manœuvra sa Harley pour la garer à la suite des autres.

— Allez, assez traîner. Zack nous attend à la table, dit le vice-président d’un ton sombre.

Archie referma le capot de la Ford sans oublier d’accorder un coup d’œil discret à Ali.

— Salut, ma grande, dit Strike en passant devant la mécanicienne.

— Archie te cherche, lui répondit-elle d’un ton sec qui alerta Strike.

— Qu’est-ce qui lui arrive ? Elle a ses règles ou quoi ? pesta le grand chevelu.

— Laisse tomber, conclut Archie.

Strike se dirigea directement vers le bar, attenant au garage. Plusieurs motos arrivèrent. Le club au grand complet. Cette réunion devait être importante.

— Tu as des nouvelles d’Ezra ? J’ai voulu aller le voir, hier. Mais l’autre conne au Parloir m’a sorti que notre pote ne recevrait pas de visite jusqu’à nouvel ordre. C’est quoi ce délire ?

Strike ne se départit de sa mine renfrognée. Le cœur d’Archie bondit violemment dans sa poitrine.

— Il n’est pas...

— T’inquiète, Ezra va bien ! Dépêchons-nous, on va être en retard ! déclara Strike sans rien dire de plus.

Archie lui emboita le pas jusqu’au bureau des Nevada Wolves dont il prit soin de refermer la porte.

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