Chapitre 3 | Ezra

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Sans cérémonie, Reese et Montgomery extirpèrent Ezra des douches. Montgomery l’immobilisa face contre le carrelage. Reese bloqua ses jambes, alors qu’Ezra vociféra des menaces à l’intention des deux blacks.

— Calmes-toi, Shotgun. Sinon, je te fourre au trou pour une semaine, prévint Reese.

— Ta gueule, connard. Je vais le fumer ce trou du cul, beugla Ezra, en se débattant furieusement.

— Tu ne nous laisses pas le choix, décréta Montgomery.

Entièrement nu, Ezra se retrouva en isolement. À tâtons, il se pencha sur le lavabo puis ouvrit le robinet. Il s’aspergea le visage, sa vue s’en améliorant un peu. Ses yeux, aux paupières enflées, étaient injectés de sang.

La cellule se réduisait au strict minimum : un lit, un bureau, une chiotte et un lavabo crasseux. Le matelas présentait des auréoles sombres. Probablement des vestiges de pisse, de sperme ou de vomissures ! Allez, savoir ! La literie était pliée à la tête du lit avec un rouleau de papier toilette et un pavé de savon.

— Tu resteras là-dedans jusqu’à nouvel ordre, l’avertit Montgomery.

— Et mes fringues ? demanda-t-il en s’appuyant contre le mur.

— Je te les apporterai. Une fois que tu seras calmé !

En attendant, Ezra demeura nu. Il s’assit dans un angle de sa cellule et exerça une pression de son pouce et de son index sur ses paupières encore boursouflées. Les larmes roulèrent sur son visage, il toussa sans interruption. Des nausées lui soulevèrent l’estomac, sa toux provoqua des vomissements.

Il rampa jusqu’au toilette et, ébranlé de spasmes, vomit au fond de la cuvette. Il toussa encore un peu, et but au lavabo afin de se rincer la bouche. Ezra s’étendit par terre, durant une vingtaine de minutes. Il protégea ses yeux de la luminosité. Les effets du gaz lacrymogène passé, Ezra se leva. Il récupéra le drap, qu’il noua autour de sa taille. Il forma une boulette de papier toilette et l’inséra dans la blessure, pour arrêter le saignement.

On toqua à la porte au moment où il acheva son lit.

— Au fond de ta cellule et face au mur, Shotgun, lui ordonna Montgomery. À genoux, les mains sur la tête.

Il s’exécuta sans un mot.

— T’en as foutu un temps, bon sang, pesta Shotgun. Ça fait trois heures que je me trimbale à poils.

— Figure-toi que tu as foutu un sacré bordel aux douches.

— Ce négro m’a attaqué et je me suis défendu.

Montgomery ne releva pas le commentaire. Lui-même était d’ethnie Afro-Américaine. Il déverrouilla la porte, et déposa une pile de vêtements sur le matelas.

— Je sors quand de ce trou ? Je finis ma peine dans trois semaines.

Mais Montgomery ne répondit pas. La porte grinça en se refermant, puis le verrou claqua dans un bruit sec.

— Hé, Montgomery, brailla Ezra en se relevant. Du con, tu m’entends ?

Il campa devant la porte.

— J’ai rien fait, je me suis défendu, protesta-t-il. Je sors dans trois semaines, merde.

— Il fallait y réfléchir avant de maraver la gueule de JT Ice, espèce de demeuré.

Ezra perdit patience et se défoula contre la porte.

— Défoncer cette foutue porte n’arrangera pas ton affaire, Shotgun, lui fit savoir Montgomery.

Il fulmina comme un taureau dans une arène.

— Profite de ton séjour en isolement pour méditer à tes actes, mon gars, rétorqua Montgomery.

Son mouvement de tête indiqua l’énorme aigle hitlérien, trônant sur une croix gammée, au milieu de son sternum. Ses ailes se déployaient sous ses clavicules.

— J’ai fait le bon choix de vie, enfoiré de macaque, fustigea Ezra.

Montgomery éclata de rire.

— C’est toi qui le dis. En attendant, c’est moi qui suis du bon côté des barreaux.

Sur ce, le maton s’en alla. Ezra s’assit lourdement sur le matelas. Il enfila son caleçon blanc puis attrapa son jogging bleu, marqué du logo « CDC Prisonner. » Un objet tomba de la poche. C’était son paquet de cigarette, dont il reconnut l’emballage vert.

— Jai, putain, tu es un frère, applaudit-il.

Du coup, il l’ouvrit et récupéra une clope. Il l’alluma, en grattant une allumette. Ezra avala la fumée avec satisfaction. Il fronça les sourcils en remarquant la feuille, glissée à l’intérieur. Il vida le parquet et l’extirpa. Jai y avait laissé un message.

— Médites bien avec ça, lut-il.

Ezra déplia le feuillet, il sourit en découvrant la photo de Lil’Bird.

— Oh, Jai, tu es le meilleur, s’émerveilla-t-il.

Il tira une bouffée de fumée puis prit sa cigarette entre son index et son majeur. Il effleura du bout de l’index le visage de l’adolescente, immortalisé sur le papier glacé. Il n’avait pas vu de femmes depuis au moins dix ans. La seule matonne, qui patrouillait dans son unité, ne ressemblait à rien. Bâtie comme un camionneur, elle tenait plus du mec que de la nana. Cette jolie et jeune Lil’Bird était la féminité personnifiée, les sourcils parfaitement épilés, les yeux surligné de khôl. Cette nana prenait soin de son apparence.

— Un peu que je vais méditer. Et je vais méditer tout de suite, dit-il.

Il éteignit sa clope et s’allongea sur le lit, il glissa sa main sous son caleçon. Ezra se masturba longuement, tout en fixant la photo de Lil’Bird. Il accéléra le mouvement de sa main, il se raidit au fur à mesure que le plaisir lui monta du fond des tripes. Ezra se cambra furieusement et retint son souffle quand son plaisir s’accomplit. Son cœur cogna furieusement contre ses côtes, Ezra inspira profondément.

— La vache, soupira-t-il. Ça fait du bien, putain.

Les quelques jours, qui suivirent, se ressemblèrent tous. Lever aux aurores, plateau-repas, sport, fumage de clopes, plateau-repas, masturbation sur la photo, une deuxième clope, sieste, contemplation de Lil’Bird, sport, sport, plateau-repas, nuit à cogiter sur l’issu de son isolement. Prendrait-il du râble supplémentaire pour agression ? Sortirait-il un jour de cette foutue prison ? Le temps lui parut suspendu.

À 18h tapante, le gardien lui déposerait son plateau.

— Ce con va encore m’apporter de la merde à bouffer ? se dit-il à haute voix.

Pour ne pas devenir dingue, Ezra prit l’habitude de parler à haute-voix, quand il se retrouvait en isolement.

— Je paris que ce sera encore cette purée liquide, accompagnée de ces foutus petit-pois et ces nuggets dégueulasses. Elle est immangeable leur bouffe.

Le gars toqua à la porte. Enfin, Ezra suivit la procédure habituelle en s’agenouillant au pied du mur, les mains croisées sur son crâne. Le gardien laissa le plateau sur le bureau.

— Régales-to bien, railla l’agent pénitentiaire en repartant.

Ezra constata le menu, identique depuis le début de son isolement. La purée, les petits pois et les nuggets lui sortaient par les yeux. Il tira la chaise et jugea la purée trop liquide, les nuggets déjà refroidis qu’il mâchonna sans grande conviction.

— Dès que je sors de cette taule, je m’offre un bon dieu steak, se promit-il.

Il but la bouteille d’eau, puis acheva son frugal repas avec le yaourt nature et la pomme verte. Il effectua plusieurs séries de pompes puis d’abdominaux. Il fuma deux cigarettes, coup sur coup, pour passer le temps. Il tourna en rond, puis fixa la photo de Lil’Bird, en se demandant qui était cette nana, où elle pouvait bien habiter, quel pouvait bien son caractère. Il passa sa main sur son visage, il se rongea l’ongle du pouce, en se traitant d’idiot. Reese campa devant la fenêtre de la porte.

— Hé, Shotgun, l’interpella-t-il.

Mais il ne répondit pas tout de suite.

— Dégage, pesta-t-il.

— Quelqu’un veut te parler au téléphone.

Ezra se leva avec nonchalance et campa devant la porte. Reese ouvrit le battant, puis lui tendit un téléphone prépayé. Une cigarette entre les lèvres, Ezra pissa quand le téléphone sonna. Il se lava vite les mains et décrocha, en posant sa cigarette sur le rebord du bureau.

— Tu sais qui je suis, lui dit-on à l’autre fil.

Bien évidemment qu’Ezra le savait ! C’était un véritable honneur d’avoir ce gars-là au bout du fil qu’il n’osa pas répondre tout de suite.

— C’est l’Animal, à l’appareil, ton histoire avec le négro est réglée. Ta sortie de taule est maintenue à la date prévue. Ça veut dire dans une semaine.

Ezra sentit son cœur bondir contre sa poitrine.

— En contrepartie, tu vas devoir accomplir une mission pour la Fierté Blanche.

— J’écoute, accepta Ezra sans broncher.

— Nous avons récemment découvert l’existence d’un réseau de traite des blanches, au sein même de ta petite ville natale d’Orangewood.

— Putain, pesta Ezra en portant sa main à sa bouche.

— Un trafic immonde de jeunes citoyennes américaines de notre race. Ces espèces d’enfoirées les enlèvent dans la rue, les droguent, les violent toute la nuit puis les envoient au Mexique. Des enfoirés de chicanos les souillent de la pire des manières. Qu’ils aillent se faire foutre ces chicanos de merde ! Ils ne toucheront plus à l’une des nôtres pour leur faire leurs saloperies. Je veux les noms de ces connards pour cesser ce bordel.

Ezra était entièrement d’accord.

— Je trouverai ces fils de pute.

L’Animal sourit à l’autre bout du fil.

— C’est ce que je voulais entendre.

Ezra se planta devant la fenêtre.

— Encore un détail. Ce trafic impliquerait le gang Los Tezcas d’El Paseo, quartier mexicain d’Orangewood, ainsi que des gars de ton club de bikers.

Ezra n’était pas sûr d’avoir bien entendu, il fronça les sourcils. C’était une blague ! songea-t-il abasourdi.

— Attends une seconde ! Mon club ne vend pas de meufs blanches aux mexicains, se défendit-il. Ok, on commerce avec eux pour le trafic d’armes et la drogue. Mais de là à leur vendre des femmes ? J’y crois pas.

— Et pourtant. C’est ton club, alors règle l’affaire. Et rapidement. N’hésite pas à nettoyer tes rangs s’il le faut.

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