Chapitre 2 | Mila

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Le coup de feu retentit et la déflagration se réverbéra dans l'immensité du désert. Malgré qu'elle s'y attende, Mila sursauta en plaquant sa main contre sa bouche. Le bruit effraya quelques coyotes qui erraient aux alentours de la cabane, perdue au milieu du désert du Nevada.

Cachée derrière le local d'où s'émanait une odeur de cambouis, Mila risqua un coup d'œil en direction de la cabane. La moustiquaire grinça en s'ouvrant sur un homme. L'adolescente se tapit contre le local. Elle s'assit par terre puis ramena contre sa poitrine ses genoux qu'elle entrelaça de ses bras.

Une portière de voiture claqua et le moteur démarra au même moment où son téléphone prépayé vibra au fond de la poche de son minishort en jean noir. Un message lui donnait des instructions. Attendre que la voiture s'en aille puis rentrer à l'intérieur de la maison pour y récupérer la boite à chaussures dans la penderie !

Le véhicule passa devant la cabine des toilettes, Mila se tapit contre la paroi en bois pour éviter d'être vue par le conducteur. Elle attendit une bonne dizaine de minutes avant de se lever. Elle scruta le chemin qui s'étirait vers l'horizon en un long sillon à travers la végétation désertique, le nuage de poussière retombant tout doucement.

Le cœur battant, elle se dépêcha d'accéder au perron et ouvrit la moustiquaire puis la porte d'entrée à la volée. Elle évita de regarder le cadavre du chien de combat, baignant dans une mare de sang ni le vieux mexicain, mort dans son rockingchair. Une balle en pleine poitrine.

En pénétrant à l'intérieur, elle s'arrêta net dans la cuisine et lâcha un juron, horrifiée. Un homme maigrichon – mexicain lui-aussi – gisait la tête dans son plat de spaghettis à la Bolognaise. L'arrière de son crâne s'ornait d'un orifice de sortie aussi gros que son poing, les projections de sang et de cervelle avaient arrosé le placard au-dessus de la gazinière et le rideau de la fenêtre.

— Putain de merde, dit-elle.

Elle avait envie de vomir et plaqua sa main contre sa bouche en sentant la bile lui brûler l'œsophage. Elle respira profondément, il ne fallait pas laisser son ADN sur la scène d'un crime. Mais Mila n'était pas sûre que la police vienne jusqu'ici. Elle avait mis plus d'une heure à venir avec sa mobylette.

— La boîte à chaussures dans la penderie, se remémora-t-elle en fonçant directement dans la pièce du fond.

La penderie faisait pitié à voir, quelques chemises démodées et élimées jusqu'à la corde y pendaient sur leurs cintres. Elle escalada une chaise qui se trouvait dans un coin puis récupéra ladite boîte à chaussures. En soulevant le couvercle, Mila y dénicha un GPS qu'elle dut lancer.

Les hurlements des coyotes attirèrent son attention. Ces loups du désert rôdaient autour de la cabane, intéressés par le sang du clébard et de ses propriétaires morts. L'appareil s'alluma enfin, elle actionna la navigation pour découvrir que le jeu de la carte au trésor n'était pas encore terminé. D'après les coordonnées géographiques, elle devait rendre dans les montagnes.

— La vallée de la mort, se désespéra-t-elle. C'est à l'autre bout de l'état !

Cette foutue histoire commençait sérieusement à l'agacer. Mila soupira d'exaspération puis aperçut le vieux pick-up, garé à l'arrière de la cabane. Elle fouilla la bicoque à la recherche des clés. Au bout d'une vingtaine de minutes, elle ne trouva rien dans le foutoir qui régnait dans cette bicoque.

La poche du gars, dont le visage logeait toujours au fond de son assiette, était anormalement gonflée. L'espoir la submergea mais il fallait approcher le cadavre. Quelle horreur ! Les mouches volaient autour de la blessure. Un haut-le-cœur la saisit quand son regard bleu s'attarda malheureusement au fond du sillon sanguinolent, tracé par la balle.

Mila se pencha sur le cadavre et glissa sa main dans la poche pour en extirper les clés. Elle allait vomir !

Elle se rua sur l'évier puis rendit son petit-déjeuner dans la cuve. Elle avala une gorgée d'eau de sa gourde pour rincer sa bouche des restes de vomissures. L'adolescente évita de boire l'eau du robinet car elle n'était pas sûre que l'eau soit potable si elle en jugeait l'éloignement et l'état d'insalubrité de cette bicoque. Les coyotes s'écartèrent brusquement pour regagner le désert, patientant qu'elle s'éloigne pour se repaître des cadavres.

L'adolescente monta dans le pick-up, branlant et grinçant, puis démarra, mettant le cap sur la destination indiquée par le GPS.

Son téléphone portable sonna, l'écran afficha un numéro inconnu. Puisqu'elle ne décrocha pas, un SMS lui indiqua un message sur son répondeur qu'elle écouta rapidement, tout en roulant sur la ligne droite de la Route 160 en direction de la frontière du Nevada avec la Californie. C'était Tex, constata-t-elle après avoir écouté le message. Ce gros naze la suppliait de le rappeler au numéro qu'il indiqua sur son répondeur.

Tex cultivait de la marijuana dans la cave de ses vieux. Elle l'avait rencontré lors d'un séjour dans un centre pour jeunes en difficulté dans un quartier miteux de Las Vegas. Aux dernières nouvelles, Tex s'était retrouvé en prison pour Dieu-sait-quel-délit. À ce moment précis, Mila s'en foutait royalement.

— Fais chier ! pesta-t-elle en s'arrêtant sur l'accotement de la route.

Elle rappela le junkie.

— Qu'est-ce que tu veux ? lâcha-t-elle en guise de bonjour.

— Tu comptes venir me voir au parloir ?

— Tu as fumé la moquette ou quoi ? Pour que tu me poses un lapin comme ce matin, espèce de demeuré. Va te faire foutre. J'ai poiroté durant une heure et tu n'es pas venu, enfoiré. Alors compte pas sur moi pour revenir à la prison !

Elle allait raccrocher mais Tex se montra plus qu'insistant.

— S'il te plaît, c'est une question de vie ou de mort. J'ai vraiment besoin de te voir.

— Si tu commençais par me dire ce que tu as fait pour te retrouver en taule ? le questionna-t-elle.

Mila avait le flair pour dénicher les arnaques et le fait que Tex insistait autant ne lui parut encore plus louche. Comme il ne répondit pas tout de suite, Mila lui raccrocha au nez en pestant.

À croire que le bon Dieu la punissait de ne pas accorder son aide à un ami en difficulté ! Mais des amis comme Tex, Mila s'en passerait bien. Il allait encore la mettre dans la merde, comme à chaque fois qu'il la contactait.

Pour l'heure, le pick-up refusa de démarrer. Mila n'eut pas d'autre choix que de faire du stop sauf qu'elle ne croisa pas âme qui vive sur la trentaine de kilomètres qui restait pour arriver à bon port.

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