Prologue

5 minutes de lecture

Prison de haute sécurité,

Etat du Nevada.

L’alerte retentit à travers tout le bloc ; il y avait un problème dans la cellule 23. Mais l’endroit était étrangement calme. L.T. Julian Diaz, surveillant pénitentiaire de son état, accourut à toute vitesse, depuis son poste de sécurité. Ashton Moss, qui venait à peine d’arriver en QHS, et deux autres matons le talonnaient. Le détenu Monroe se balançait au bout d’un drap. La face blême, les yeux injectés de sang qui fixait le vide, la langue gonflée. Monroe était bien mort.

— Ce connard s’est pendu, annonça l’un des agents.

— Monroe s’est mis à table, en échange d’une remise de peine, commenta Moss.

Diaz leur intima le silence. Le temps de réfléchir un peu à la signification de la situation. Le détenu Monroe... ça faisait des semaines que Moss le cuisinait ! Et voilà que son codétenu le dézinguait ! L’Animal n’apprécierait pas du tout la nouvelle. Ce suicide ou cette pendaison risquait de mettre à mal les projets de libération du codétenu de Monroe.

— Top-Chef, tu m’expliques, demanda L.t. Diaz à l’intention de l’autre détenu.

Le quinquagénaire était agenouillé par terre, face au mur, les mains croisées sur son crâne rasé. Son corps à demi nu exhibait toute une panoplie de tatouages.

— L’isolement, ça brise certaines personnes, monsieur, se contenta-t-il de répondre.

— Prends-moi pour un con, Top-Chef, rétorqua Diaz.

— C’est la vérité, renchérit froidement le détenu.

— Foutez-moi Top-Chef au trou, commenta Diaz. Et prenez des photos avant de décrocher le macchabée.

Sur les ordres de Moss, Top-Chef se leva et leur fit face. La citation latine « Μονοσ – Veritas odium parit » ornait son torse nu comme un collier. Il tourna le dos à la porte et glissa les mains dans la lucarne. Moss le menotta, les deux autres matons l’emmenèrent au mitard.

La pendaison de Willem Monroe monopolisa le personnel du pénitencier pour la journée. L’équipe de L.T. Diaz s’enferma dans leur office, et rédigea divers rapports sur l’incident. Le dossier de John Hodge alias Top-Chef s’étalait sur le bureau de Moss. Né le 14 Janvier 1955, à Los Angeles, anciennement domicilié au 4713 Elk Street, à Rancho Santa Margarita, CA 92688. Divorcé, sans enfant. Une vie sans histoire. Quelques contraventions pour stationnement gênant et excès de vitesse. Il n’y avait pas de quoi fouetter un chat !

— Comment un analyste budgétaire, sans histoire, devient le meilleur fabricant de meth de tout Las Vegas ?

Le shérif Tristan Fuentes examina les clichés du suicide présumé de Willem Monroe. Il lissa sa moustache. D’après les photos, aucune trace de lutte ne semblait présager l’implication de Top-Chef dans l’affaire. Mais Fuentes préféra s’abstenir de toute conclusion hâtive. Son téléphone cellulaire vibra, il décrocha.

— Le nouveau est arrivé, constata-t-il. Son nom déjà ? Joshua King.

Son interlocuteur parle durant un moment.

— Écoute, Dorian. Je suis en visite au QHS pour l’histoire de Monroe. Non. Il a été retrouvé pendu dans sa cellule, au petit matin. (Silence.) Débriefe notre nouvelle recrue sur les dossiers en cours et ceux à venir. Il y a du lourd en perceptive. Ouais, je te raconterai ça. Tout à l’heure.

Fuentes raccrocha.

— Comment est-ce que ce type sans histoire a pu vriller à ce point ? se questionna Moss. Je ne pige pas là.

— La crise économique, en déduit Fuentes. Ou bien la crise de la cinquantaine qui a mal tourné. Désir du grand frisson.

— Il n’y a rien à comprendre. Ce n’est pas notre affaire, grinça Diaz.

Fuentes affronta le gardien.

— Concernant Top-Chef, vous me le gardez au frais jusqu’aux conclusions de l’enquête.

— Il a purgé la moitié de la peine, son comportement est irréprochable. La commission des remises de peines a statué sur sa libération, prévue la semaine prochaine. Tous les consommateurs de meth de Las Vegas attendent ce gars comme le messie. Vous me le gardez en isolement jusqu’aux conclusions de l’enquête. Point final.

L.T. Julian Diaz grinça des dents, et appréhenda le moment où l’Animal réclamerait des explications sur l’incident. Quand vint ce jour, Roberts dut faire preuve de toute l’imagination dont il était capable, pour satisfaire les exigences de l’Animal.

Diaz prétexta une visite médicale pour extraire Top-Chef de son isolement. Le médecin conseilla une activité sportive pour régler son hypertension. Diaz escorta Top-Chef en extérieur. Les cages s’offraient une vue imprenable dans la rase-campagne.

— Où est-ce qu’on va ? demanda Top-Chef.

— Faire de l’exercice, affirma Diaz.

l’Animal campait dans la cage la plus à gauche, et effectuait des exercices physiques, en patientant l’arrivée de Diaz.

— C’est quoi ce traquenard ? pesta Top-Chef.

— Il veut te parler.

— Me parler ? Mon cul ! Il veut me sermonner, oui !

— Écoute-le et dis-lui simplement ce qui s’est passé. On n’a rien à gagner à le rendre furax. Et crois-moi qu’il a pété un câble en apprenant la mort de Monroe dans ta cellule.

Diaz ouvrit la cage juste à côté de l’Animal, ce dernier arpentait l’espace réduit, comme un lion en cage, rugissant et pestant de colère. Le verrou claqua d’un coup sec, une fois que Top-Chef pénétra à l’intérieur. Il passa les mains dans la lucarne pour que Diaz lui ôte les menottes. Top-Chef se massa les poignets pour rétablir la circulation sanguine dans ses mains.

— L’Animal, salua Top-Chef en guise de salut.

— Il paraît que tu as dézingué ton codétenu, gronda-t-il, sans se soucier des règles de courtoisie.

— Cet abruti s’est pendu tout seul, se défendit Top-Chef, d’un ton indifférent.

L’Animal, quant à lui, contrôlait difficilement son humeur. Il jurait et pestait, fulminant de colère, à la perspective que ses plans puissent être chamboulés.

— Je t’avais dit de faire profil bas. Tu es le meilleur fabricant de meth de tout le Sud du Nevada. Ta came est une véritable mine d’or, en comparaison à celle des chicanos qui est plus médiocre.

Top-Chef ne départit pas de sa mine sévère.

— Je me suis décarcassé pour que tu obtiennes un droit de visite avec ta famille.

— Laisse ma famille en dehors de ça.

— Il fallait y penser avant, bon sang. Personne n’a jamais eu à se plaindre de ton attitude. Tu as suivi des programmes de réhabilitation et tu donnes des cours aux autres détenus pour les préparer au baccalauréat. Ta libération était prévue la semaine prochaine.

L’Animal portait bien son nom, ce type s’avérait être une armoire à glace. Son crâne rasé luisait au soleil, son épaisse barbichette tressautait sous l’effet de la colère.

— Alors qu’est-ce qui t’a pris, bordel de merde ?

— Je te le répète, cet abruti s’est pendu tout seul.

— C’est vrai qu’il s’est mis à table. Tu sais forcement quelque chose ?

— Il a évoqué un deal en échange d’un allègement de sa peine.

L’Animal frappa plusieurs fois le barreau, en explosant de rage. Top-Chef demeura stoïque mais l’ombre d’un sourire dérida son visage.

— Je peux savoir ce qui te fait sourire. Si tu sais quelque chose, accouche, bon sang, gronda l’Animal.

Top-Chef parla enfin.

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