CHAPITRE 3 : ENTRAINEMENT

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CHAPITRE 3 : ENTRAINEMENT

Le silence retombe sur la petite assemblée. Au bout de quelques minutes, Thomas brise le silence :

- Alors moi je veux bien admettre des choses mais on pourrait avoir des preuves s’il vous plait ? Parce que ça fait beaucoup à admettre.

- Bien sûr. Est-ce qu’utiliser tes pouvoirs t’aiderait ?

- Ce serait un bon début oui.

Gérard rassemble les six étoiles au centre de la table, pose ses deux mains dessus et murmure quelques phrases indistinctement. Les pierres des pendentifs émettent une faible lumière qui disparait aussi vite qu’elle est venue. Les pierres libèrent leur magie et rendent leurs pouvoirs à leurs propriétaires. Les six jeunes ont soudainement le souffle coupé. Ils sentent une sensation nouvelle les envahir, grandir en eux, occuper chaque particule de leur corps. Ils n’ont plus besoin de preuves, ils savent qu’ils sont capables de nouvelles choses, qu’un changement irréversible vient de s’opérer en eux.

- Ferme les yeux Thomas, laisse aller ton esprit. Détends-toi, qu’est-ce que tu ressens ?

- Des tensions. Partout des tensions. Il y en a partout !

- N’aie pas peur, c’est normal. Est-ce que tu sens autre chose ?

- C’est bizarre, on dirait que ça forme des objets. Oui c’est ça, ce sont des objets que je ressens ! C’est comme si je pouvais les toucher mais avec mon esprit.

- C’est exactement ça Thomas. Est-ce que tu peux jouer avec ? Commence par là où il n’y a pas d’objet, puis par un objet petit, facile à déplacer. Quand tu seras prêt tu pourras ouvrir les yeux.

Un courant d’air se fait sentir dans la cuisine et l’un des verres posés sur la table se met à bouger sous les yeux médusés des cinq jeunes.

Le rôle de Gérard était de protéger les étoiles tant que les enfants étaient trop jeunes pour utiliser correctement leurs pouvoirs ; sa nouvelle mission est de les entrainer à utiliser leur magie et à se préparer pour retourner en Inckya. Il pose alors une branche d’arbre sur la table. C’est au tour d’Aurore d’essayer ses nouveaux dons.

Elle ferme les yeux, prend la branche dans la main et laisse les sensations s’envahir. Elle sent la branche morte dans sa main. Un sentiment de puissance l’envahit. Sans même qu’elle ait besoin de se forcer elle laisse son énergie passer de sa paume à la branche. Elle ne fait plus qu’un avec le morceau de bois, elle l’imagine grandir et fleurir. Elle ouvre les yeux. Les fleurs sont là, pour de vrai.

- Félicitations, c’est un cerisier, la charrie Mathieu. Je peux essayer ?

Elle lui donne le rameau. Paupières closes il laisse la chaleur se répandre en lui. Un cri lui fait ouvrir les yeux. La branche brûle dans sa main enflammée. Il ne ressent pas la brulure, seulement de la chaleur. D’après Gérard, il est capable d’arrêter le phénomène. Alors il se concentre. Si la branche a pris feu quand il a laissé la chaleur l’envahir alors il doit pouvoir l’éteindre en faisant l’inverse. Il tente de se concentrer mais une carafe d’eau versée sur le petit brasier est plus efficace que ses efforts.

Tous désirent essayer leurs nouvelles capacités. Sarah crée un mini tourbillon dans un verre d’eau, Charlotte s’amuse à redécorer la table et Laura s’entaille à répétition la main pour pouvoir ensuite refermer les plaies superficielles.

Alors c’est vrai, ils ont des pouvoirs. Ça ne signifie pas qu’il y a vraiment un monde parallèle pour autant, mais ils n’ont pas menti pour les pouvoirs, pourquoi mentiraient-ils pour le reste ?

- C’est gentil tout ça, mais pourquoi nous devrions nous battre pour un monde dont nous ne connaissons rien ? demande Charlotte. Nos grands-parents, qui étaient expérimentés, sont morts lors de ce combat, le même sort nous attend.

- Non mon enfant, vous ne connaitrez pas le même sort. Vos grands-parents sont morts lors d’une guerre sanglante engageant deux armées de plusieurs centaines de milliers d’hommes. Aujourd’hui le monde tombe en ruines, les Mariquais n’ont presque plus aucun soutien, plus d’argent, plus d’hommes. A travers toute l’Inckya les gens se meurent. La faim, la soif, la fatigue, les maladies… Ils n’osent même plus attendre votre retour. Rentrez chez vous, en Inckya et vous serez leur raison de continuer d’exister, leur raison d’espérer des jours meilleurs, d’espérer connaître un jour encore le bonheur. Ils vous suivront, vous aurez une armée composée de gens loyaux, qui donneront tout ce qu’ils ont et n’ont pas pour vous. Ils vous idolâtreront. Vous serez des dieux pour eux, des légendes immortelles. On contera vos exploits durant les millénaires suivants. Vous vivrez éternellement dans les cœurs et peut-être les dieux vous accorderont-ils quelques faveurs. Vous aurez sauvé des millions de personnes de la misère et de la pauvreté, vous aurez rendu au continent son éclat d’antan. Peut-être même que vous aurez des temples à votre gloire. Aucun être vivant dans ce monde ou dans le nôtre ne saurait être mieux récompensé.

- C’est une idée intéressante, répond Mathieu. Je parle uniquement en mon nom mais ma vie n’est pas vraiment ce que je qualifierais de fun. Je suis coincé dans la routine de contrôleur de bus. Je n’ai jamais été très doué pour me faire des amis et tous ceux que j’avais sont partis aux quatre coins du pays. Mon travail n’est pas hyper épanouissant, et ce n’est pas avec ça que je vais avoir une super carrière. Alors pourquoi pas, soyons fous, je vous suis. Ça mettra un peu de piment dans ma vie. Et puis vu ce que j’ai à perdre, je pense que le jeu en vaut clairement la chandelle.

- Je marche aussi, ajoute Aurore. Gérard tu es ma seule famille et peut-être que j’aurai l’occasion de rendre leur monnaie de leur pièce à ceux qui s’en sont pris à mon père.

- J’ai perdu ma sœur il y a dix ans et depuis je n’ai rien fait d’autre que laisser passer ma vie en m’apitoyant sur son sort. Aujourd’hui vous semblez m’offrir une seconde chance, une opportunité de faire quelque chose de bien. Alors si Thomas est prêt à venir aussi, je vous suivrai.

- J’irai là où tu iras Laura, alors prépare ta valise.

- Eh bien Charlotte, on dirait bien qu’il ne reste que nous deux. Tu en dis quoi ?

- Sarah, tu sais très bien que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les personnes défavorisées.

- Tu imites très bien Papa. Alors nous viendrons aussi.

L’entrainement peut commencer. Au programme : endurance et natation pour renforcer le corps ; tir à l’arc, escrime et boxe pour savoir se défendre ; méditation et pratique de la magie pour apprendre à maîtriser les pouvoirs.

Leur progression est aussi rapide que spectaculaire, dépassant chaque jour leurs limites, battant chaque jour leurs propres records. Un esprit de compétition s’installe entre eux, les pousse à toujours donner le meilleur d’eux-mêmes, à toujours aller plus loin. Un puissant lien d’amitié, de fraternité et de solidarité naît entre eux et se développe au fil du temps. Ils ne sont plus six vagues connaissances, ils sont une famille. Mais il manque encore une personne pour que cette famille soit enfin au complet : une fille portant autour du cou une étoile dorée ornée d’une pierre d’ambre. Ils savent qu’un jour elle s’imposera dans leurs vies. Mais pour l’instant elle reste lointaine, inaccessible, prisonnière de cet autre monde. C’est assez ironique quand on y pense qu’elle soit retenue loin des siens par une barrière invisible séparant deux mondes alors qu’elle est justement la clé permettant d’ouvrir cette barrière et de la refermer à son gré. La vie a un drôle de sens de l’humour.

Pourtant plus leur lien s’intensifie, plus l’absence de la jeune femme se fait sentir. Il manque une pièce au puzzle de leur vie, une pièce essentielle : l’ultime pièce, celle qui permet que tout soit parfaitement à sa place. Elle est la seule à pouvoir changer cela, la seule à pouvoir rétablir l’ordre des choses. Mais quand le comprendra-t-elle ? Demain ou dans dix ans ? Voudra-t-elle venir les chercher pour continuer la lutte de ses grands-parents ou tout abandonner et vivre dans l’ombre ? Est-elle seulement encore en vie ou enterrée six pieds sous terre ? Les questions se bousculent dans les esprits et malgré tous les efforts pour les refouler, elles rongent petit à petit la motivation et la bonne humeur du petit groupe. Ils ont transformé certaines séances d’endurance et de natation par des cours basiques de danse et de bonnes manières pour passer inaperçu en Inckya. Mais ces quelques modifications ne suffisent pas à les satisfaire très longtemps.

Cela fait un an qu’ils s’entrainent et rien ne se passe. Cela fait un an qu’on leur a promis un avenir de héros. Un an qu’ils apprennent à utiliser leurs pouvoirs, qu’ils les craignent et les apprivoisent, qu’ils les cachent, les emprisonnent puis les délivrent. Un an qu’ils attendent l’heure de passer la barrière.

Ils pourraient devenir de véritables héros de bandes dessinées dans ce monde, ils pourraient devenir célèbres. Ici aussi ils pourraient devenir adorés, puissants et influents. Ce serait tellement simple. Ici seuls les tours de passe-passe existent, alors une magie aussi spectaculaire que la leur serait immédiatement remarquée. Ils deviendraient connus en seulement quelques semaines, sans avoir à lutter au péril de leur vie. Quelques bonnes actions, de jolis sourires pour les journalistes et ils auraient une horde de fans à leurs pieds. Ce serait aussi simple que cela. Le peuple les écouterait et les chefs d’Etat n’aurait d’autre choix que de se plier à leur volonté ou risquer leur poste. Pourquoi chercher la complexité en vivant dans l’anonymat ici et attendre de, peut-être un jour, partir combattre dans un autre monde ? C’est tellement tentant.

Mais Gérard, Marise et Francesca ne veulent même pas entendre parler de cette possibilité. Il ne faut pas bousculer l’ordre des choses pour ses intérêts personnels. Les deux univers n’ont pas été créés de la même façon. L’un est le fruit de la magie. Il est donc normal d’y trouver de la magie au sol et que les dieux aient de fortes interactions avec les Mortels. Mais dans l’autre cas, l’univers est né de phénomènes physiques, scientifiques. Il ne laisse pas de place à la magie. Et si quelqu’un essayait d’en introduire de manière significative, il pourrait se faire rejeter par l’univers comme le corps humain rejetterait une maladie. S’entrainer dans son jardin est quelque chose de relativement raisonnable, mais corrompre toute une planète c’est autre chose et il est peu probable que l’univers puisse tolérer cela.

Ils sont donc contraints de se tenir tranquilles et de patienter jusqu’à l’arrivée de la petite dernière, rêvant à une vie meilleure, une vie épique. Un rêve partagé, une ambition commune, un objectif à atteindre tous ensemble.

Un an d’entrainement ensemble. Un an d’attente. Un an qu’ils ont eu cette étrange conversation dans la cuisine de Gérard. Et pour fêter cela, leur anniversaire, ils ont décidé de partir en week-end tous ensemble. Rien qu’un petit week-end à seulement trois heures de route de chez eux. Un week-end à la neige où aucune séance d’entrainement n’est autorisée. Un week-end où ils peuvent prétendre être une bande d’amis totalement normale qui s’adonne à des activités normales : ski, luge et batailles de boules de neige. Des activités totalement normales, anodines, jusqu’à ce qu’elles soient interrompues par un loup solitaire.

Les poils dressés sur le dos, les babines retroussées sur ses crocs blancs, il grogne devant le groupe d’amis. Aurore, ayant un rapport privilégié avec la nature, s’accroupit et avance la main droite pour essayer de calmer l’animal. Il s’approche prudemment, renifle la main qu’elle lui tend mais cela ne l’apaise pas du tout, au contraire, il grogne un dernier coup et attaque la jeune femme.

Elle roule sur le côté pour tenter d’éviter l’attaque mais elle est trop lente, le prédateur est sur elle. Thomas vient à son secours et fait voler le loup à quelques mètres de son amie qui profite de l’occasion pour faire pousser une solide prison végétale autour de son adversaire. Alors que les six amis s’attendaient à le voir attaquer les barreaux, ils ont la surprise de le voir se calmer et se changer en une frêle jeune femme à la chevelure brune aux reflets roux. Elle est nue dans la neige et se met rapidement à grelotter. Dans sa main elle tient une étoile dorée avec, en son centre, une goutte d’ambre. Elle lève sur eux des yeux de la même couleur que la pierre et leur lance un sourire éclatant.

- Lucie, enchantée. Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir me libérer et me donner quelque chose à me mettre sur le dos ?

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