En se réveillant ce matin, Ezra se remémorait les événements de ces derniers jours : la visite de cet homme, la branche et la ruelle. Hier, en rentrant, il fut tellement secoué par ce qui s'était passé qu'il n'avait pas trouvé la force de questionner son grand-père sur la mystérieuse visite. Ses questions étaient, encore une fois, restées sans suite. 

Aujourd'hui, samedi, il comptait bien profiter de ce jour pour obtenir quelques réponses. Il s'habilla et descendit avec prudence les marches de l'escalier. La maison était étonnement calme et aucune odeur ne se distinguait. En arrivant dans la cuisine, il s'attendait à trouver Adrien dans la cuisine mais il n'y était pas, ce qui lui parut assez inhabituel . Alors, il se mit à fouiller chaque pièce de la maison : le salon, sa chambre, le garage et même les combles. Rien à faire, son grand-père était aux abonnés absents. 

Soudain, Il eut l'idée d'essayer de le joindre par téléphone. Il composait son numéro et attendit patiemment. Au bout du fil, rien. 

Déboussolé, il s'assit à la table de la salle à manger et fixa le mur en face de lui. Peut-être s'inquiétait-il trop ? Peut-être était-il simplement parti faire quelques courses ?

Désormais résolu à se vider l'esprit et surtout, à se calmer, il eu pour idée de sortir un peu. Il enfila ses bottines, mit son manteau et sortit. Ezra verrouilla la porte et aspira l'air frais de septembre. 

Son quartier était vraiment plaisant à cette période de l'année. Les arbres arboraient de jolies couleurs d'automne et les feuilles virevoltaient doucement dans les airs. Ses mèches brunes dansaient en rythme avec le son des branches qui s'agitaient. Il adorait vraiment cette saison : l'ambiance lui apportait douceur et réconfort. 

Les mains enfouies au fond de ses poches, il déambulait dans la rue. À travers les fenêtres, il pouvait voir l'intérieur des maisons de ses voisins : certains couples se criaient dessus, d'autres s'entrelaçaient devant un film sur le canapé, des enfants jouaient à la console sur le tapis ou encore, quelques personnes seules lisaient calmement un livre sur leur fauteuil, une tasse de thé chaude à la main. Il avait emménagé ici très petit, lorsqu'il était encore bébé. Il ne se souvenait absolument pas de sa vie avant.

Perdu dans ses pensées, il se dirigeait vers la forêt au bout de son quartier. Il adorait cet endroit et s'y rendait souvent afin de prendre un peu l'air et de se rafraîchir les idées. Sans trop savoir où il allait, il marchait entre les arbres en suivant un petit sentier de terre. Le chant des oiseaux et le bruit du vent lui signalèrent qu'il s'éloignait de plus en plus de la ville. Qu'est-ce qu'il adorait la forêt : elle changeait à chaque cycle tout en restant la même. 

Arrivé au bout du chemin, Ezra vit une sorte de kiosque envahi par les branches et les feuillages. Le marbre blanc était franchement amoché et la couleur commençait à virer vers le gris. Six colonnes tenaient fièrement un dôme en fer forgé dont la couleur était camouflée par les ronces qui s'entremêlaient sur ce dernier.

Au centre trônait un arbre au tronc noir charbon et aux feuilles rouges éclatantes. Ezra s'approcha lentement fasciné par cette merveille. Il découvrit, au pied de l'arbre, d'étranges pierres couleur or où des sortes de symboles y étaient dessinés. Rapidement, il sortit son téléphone de sa poche et prit une photo, voulant capturer ce moment. Un "clic" retentit, signe que la photo avait bien été prise. Il approcha son téléphone de son visage et cliqua sur l'icône de cette dernière. Il fronça les sourcils : l'arbre n'y était pas. Par réflexe, il leva les yeux vers le kiosque, l'arbre n'avait pas bougé d'un iota. Pas à pas, il s'avançait vers ce dernier. Il l'observa de haut en bas puis tourna atour de lui. Malgré sa couleur atypique, il était parfaitement normal. Fasciné, il posa une main sur le tronc. Au bout de quelques secondes, une étrange chaleur commençait à envahir sa main. En un éclair, une branche vint s'enrouler autour de cette dernière, l'immobilisant. Il essayait tant bien que mal de se détacher de son emprise, mais il n'y arrivait pas. Ses pieds étaient sur une plaque scintillante représentant une croix. Soudain, la branche tira d'un coup sur sa main, le faisant tomber par terre. La plaque s'illumina, sa vision se flouta et les alentours disparurent petit à petit afin de laisser place à un vide noir.

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Ezra ouvrit difficilement les yeux. Il papillonna plusieurs fois des paupières avant de pouvoir voir clairement. La première vision qu'il eut fut un mur de roche au dessus de sa tête : il avait atterri dans une sorte de prison rocheuse. Il s'appuya sur ses coudes pour se relever et découvrit que, devant ses yeux, s'étendait une immense grotte avec, en son centre, le même kiosque que celui de la forêt. Celui-ci, à contrario du précédent, n'avait pas d'arbre mais un bassin rempli d'une eau turquoise, très claire à l'allure étrange . Sa tête lui faisait atrocement mal.  Il ne se rappelait de rien après avoir été agrippé par cette branche. L'anxiété commençait à le gagner petit à petit. Doucement, il essayait de calmer sa respiration et de mettre de l'ordre dans son esprit.  À présent dans cette grotte, il observait plus en détails les alentours. La seule issue évidente était le puit de lumière au dessus de sa tête: impossible à attendre sans équipements et un minimum d'expérience en escalade. Il chercha donc un autre moyen de sortir. En se retournant, son œil fut attiré par un petit portail en fer décoré de fines moulures en or. Il s'approcha de celui-ci et vit que, de l'autre côté, un jeune homme était assis, appuyé contre ce même portail, une dague à la main. Il regardait cette dernière avec beaucoup d'attention, examinant les moindres détails. Ezra se serait cru dans un véritable roman de fantasy : il portait une tunique marron composée de bouts de tissus verts foncés sur le dessus ainsi qu'une sacoche en cuir marron autour de la taille. Egalement, il portait des gants en cuirs sombres ainsi qu'une paires de bottes lacées lui arrivant jusqu'à mi- mollet. Les yeux d'Ezra remontait vers son visage : ses cheveux bruns coupés courts s'accordaient parfaitement avec sa peau couleur ébène. De lui s'échappait un certain charisme qui l'intimidait, il ne savait pas s'il devait aller le voir et lui parler ou attendre qu'il parte afin d'essayer d'ouvrir le portail et sortir. Il décida de ne pas se faire remarquer et commença à marcher à reculons. Un "crac" sourd résonna dans la grotte: il avait marché sur un caillou qui était lui-même parti se fracasser contre une pierre. 

Le jeune homme du portail sursauta lorsqu'il entendit le bruit et son premier reflexe fut de dégainer sa dague devant lui. Il s'éloignait peu à peu du portail, terrifié parce qu'il venait de voir. Sa mâchoire se contracta et ,d'une voix ferme et froide, il lui demanda :

- Qui es-tu ? Qu'est ce que tu fais ici ?

Ezra se figea sur place : épuisé par sa propre bêtise et à la fois tétanisé par le comportement de la personne en face de lui. Il ouvrit grand les yeux et haussa les épaules nerveusement en levant ses mains vers le haut. L'homme du portail ouvrit la bouche et haussa un sourcil. Il rangea sa dague dans son fourreau et rit :

- Bon , tu m'as pas l'air agressif toi.  

Perdu, Ezra laissa tomber ses bras le long du corps et soupira. Il s'avança lentement, guettant le moindre geste du jeune homme:

- C'est quoi ton nom ? lui demanda ce dernier.

D'une petite voix, Ezra lui donna son nom. Il n'eu pas le temps de lui retourner la question qu'il enchaîna :

- Moi c'est Agnis.

Ezra ne put s'empêcher de pouffer silencieusement. Agnis ? Sérieusement ? Mais il sort d'où lui? Le fameux Agnis remarqua son sourire au coin des lèvres et lui lança un regard noir. Ezra se pétrifia aussitôt. 

- Dis-moi Ezra, tu viens d'où?

Agnis avait ressorti sa dague et s'amusait à la faire jongler entre ses doigts.

- Heu, de Bristol ? répondit Ezra d'une voix faible.

De l'autre côté du portail, le jeune homme pencha la tête sur le côté en fronçant les sourcils:

- Bristol ? C'est dans quel royaume ça ?

À l'entente du mot "royaume" Ezra se figea. Soit il était, encore une fois, en train de faire un mauvais rêve, soit, il avait atterri chez les fous. 

- Quelle bonne blague, s'exclama-il à voix haute, tu peux te réveiller maintenant !

D'un geste brusque, Agnis ouvrit le portail et s'avança vers Ezra. Il commença à lui tâter les poches et à regarder l'intérieur de sa veste. Celui-ci se laissa faire sans dire un mot. 

- Point positif, tu n'as rien de dangereux. À part ceci. Il lui montrait son téléphone portable. C'est quoi comme arme ?

Ezra lui arracha le portable des mains et s'empressa de composer le numéro de son grand-père. Pas de chance pour lui, il n'avait pas de réseau. Agnis, intrigué, le regardait faire sans bouger. Pris d'un excès de colère, Ezra jeta son téléphone au sol et le brisa en mille morceaux. Se rendant compte de ce qu'il venait de faire, il se laissa tomber sur ses genoux et pleura son fidèle ami. 

Agnis, jusque là silencieux, le pris par le bras et le força à se lever. Ezra avait perdu tout espoir de sortir d'ici alors il jugea bon de se laisser guider par ce mystérieux jeune homme.

- Suis-moi je vais t'emmener voir quelqu'un, tu ne devrais pas être ici. lui dit calmement ce-dernier.

Sans trop savoir où tout cela allait le mener. Il décida de suivre Agnis. Il n'avait pas d'autre issue possible et si tout cela n'était qu'un rêve, il allait bien finir par se réveiller à un moment.