- Franchement, Chris, j'ai passé une forminable journée. Je te remercirai jamais assez.

- Oh, je t'en prie, tout le plaisir était pour moi.

- Je suis quand même surpris que t'es pas gerbé après qu'on ait fait plusieurs manèges d'affilée.

- Rooh, tu t'en pries, j'ai l'estomac solide, quand même, précise-t'il.

- Oui mais tu avais l'air bien désorienté.

- Désorienté certes mais au point de vider mes tripes, s'échauffe-t'il.

- C'est bon, je te taquine.

- Ouais, j'vois ça.

Là-dessus, je reprends de plus belle, ce qui l'agace encore plus.

Quelle après-midi extraordinaire ! Même au moment où j'en reparle, j'ai du mal à y croire. Ça faisait des lustres que je n'ai retourné à ce genre de festivité, et bon sang, ce que ça m'avait manqué.

Du coup, lorsqu'on est arrivé, je tenais plus en place tellement j'étais agité. Il y avait tellement de choses à faire pour une seule après-midi : les stands de tir, les manèges à sensations, la grande roue, la ferme, le cirque... je-savais-plus-où en donner de la tête.

Sur ce point, je peux qu'admirer le tonus de Kit, qui a réussi à suivre mon rythme effréné et faire la quasi totalité des activités de la foire. Honnêtement, je pense que je l'ai jamais entendu gueuler aussi fort depuis qu'on se connaît et c'était plutôt savoureux à entendre.

Pour terminer en beauté, on est monté dans la grande roue. Bon, ici, j'ai un peu eu le trac mais je ne sais par quelle miracle, Kit a réussi à me calmer (heureusement pour nous, y avait pas de monde qui faisait la queue.) Et au final, on a profité d'un petit moment de calme au mileu de cette agitation festive.

À présent, la fête est finie et tous deux allons bientôt repartir de notre côté. Bien qu'il commence à se faire tard, j'aperçois que le goupil redouble d'idées pour ne pas retourner tout de suite sur le chemin du retour.

Aussi, je guette une légère pointe de remords chez lui... me cacherait-t'il quelque chose ? Pff, la réponse est trop évidente, sinon pourquoi il serait revenu pour m'amener à une fête foraine ? Pas de doute, il couve quelque chose mais j'arrive pas à mettre la patte dessus... et j'ai beau chercher, je trouve pas... du moins, pas encore.

- Tout va bien, Daniel ? Tu m'as l'air un peu inquiet, m'interrompt-t'il dans mon raisonnement.

- Non, juste un peu suspicieux, lui confié-je.

- Pourquoi donc ?

- Ben, j'entends presque plus parler de toi durant une semaine et tu réapparais à mon boulot avec des billets pour une fête foirane. Alors permets-moi d'avoir quelques doutes, oui.

- Raaah, arrête de voir le mal partout, c'était pour te faire plaisir.

- Ouais mais en général, quand on fait ce genre de surprise, c'est pour annoncer une mauvaise nouvelle ou demander une petite faveur. Je me trompe ?

Sur ces mots, il reste silencieux, un peu gêné. Je reprends, légèrement dégoûté : "J'en-étais-sûr."

- Je t'en prie, Daniel, c'est-pas-ce-que tu crois.

- ALORS C'EST QUOI ? m'impatienté-je.

- Disons que tout est réglé avec mes anciens partenaires... enfin... sauf avec l'autre, là.

- Mr Dynamo ?

- Ouais. Je pense que j'ai jamais connu pire sansgue.

- Et qu'est-ce qu'il veut, cette fois ?

- C'est... heu... plutôt délicat.

- Allez, crache le morceau !

- Il veut te rencontrer.

Du haut de mes 21 ans, je pensais avoir pas mal de conneries mais alors là... c'est la meilleure.

- T'es sérieux ?

- Très sérieux.

- Putain ! Au diable, il voudrait me rencontrer celui-là ?

- D'après ce que j'ai compris, il a entendu parler de toi par un de ses hommes et apparemment, ils ont dit beaucoup de bien de toi.

- D'accord, mais est-ce que ça pourrait bien lui foutre ?

- Je sais rien, peut-être qu'il pense que tu es mon poulain.

- Sérieux ?

- Ouiap, et vu que je retire de la course, il serait prêt à payer très cher pour ta tête... mais ce n'est que mon avis... mais vu le profil du bonhomme, c'est sûrement ça.

- Putain, s'il croit que je vais travailler pour lui, il peux toujours aller se faire voir, me bidonné-je.

- Ben justement, je lui ai bien dit que tu accepterais pas. Mais si je veux qu'il me lâche la grappe, je dois ce qu'il veut sans rechigner... Sur ce, je te laisse le soin de lui expliquer en détails.

- Mais-avec-plaisir, crois-moi... la gifle qu'il va se prendre... il la verra pas venir.

- C'est clair.

Bon, on récapitule : il a demandé une faveur (encore une fois, certes) mais celle-ci est loin de tout ce que je pouvais m'imaginer. Ce qui fait que je suis pas en colère contre lui... enfin, pas totalement.

- Tu... tu m'en veux pas trop ?

- Non, du tout.

- T'es sûr ?

- Oui, je m'attendais que tu me demanderais autre chose juste derrière... mais c'est si pas pire. Je vais le voir, je lui dis mes quatres vérités et après, j'ai terminé avec ça, y a pas plus simple.

- Ouais, comme tu dis... ça y est, on est chez toi.

- Bien... sur ce, merci pour...

- T'inquiète, c'est normal.

- Je parlais du trajet, Kit.

- Oui, je te répète que c'est normal.

- Ok... et pour cette entervue, ce sera quand ?

- Vendredi soir, 20h40 précises. Et tu as d'autres questions, tu n'hésites pas, tu m'appelles.

- C'est noté... Bon, je vais te laisser.

- Eh Daniel...

- Quoi ?

Sans crier gare, il m'embrasse sur la joue, provoquant chez moi un rougissement instantané.

- Bon... heu... bonne nuit, me murmure-t'il, timide.

- Bonne nuit.

Après qu'il soit parti, je souriais encore bêtement. Vous avez peut-être l'impression que je me fais duper mais là, je pense qu'il a marqué des points... et comme son petit business s'est achevé, on pourra plus se concentrer sur nous deux, et j'ai vraiment hâte... Putain, quand j'y repense, on est en couple, hein... je réalise pas encore... Kit aussi, d'ailleurs.

En attentant, je vais subir (une fois de plus) l'interrogatoire de mes colocs'... bof, pas de grande surprise ici surtout après ce qui s'est passé cet après-midi.