- À vrai dire, je sais pas par où commencer, hésité-je.

- Ben, parlons de Kelly. C’est un peu grâce à elle qu’on en est arrivé là, non?

- Je te fais pas dire… la pétasse.

- Bon, si tu veux… Mais pourquoi avoir pété les plombs avec elle, pourquoi avoir essayé de m’embrasser juste après ? Oui, je… je n’ai que ce mot à la bouche : pourquoi ?

- Honnêtement, ce qu’elle faisait à cette soirée, avec qui elle était, je m’en contrefous totalement. Par contre, qu’elle fasse de la lèche ensuite qu’elle me fasse de la provoc’, ça m’est passé en travers de la gorge.

- Attends, tu as cru qu’elle était en train de me draguer ? Mais non, j’y crois pas : elle n’était pas sérieuse. N’importe qui l’aurait vu aurait pu te dire qu’elle était bourrée, défoncée ou quelque chose. Franchement, ça ne t’a pas sauté aux yeux ?

- Ah non, pas du tout.

- Ton problème, Chris, c’est que tu manques affreusement de second degré.

- Tiens, c’est drôle, l’un de mes anciens associés m’a exactement dit la même chose.

- Ah vraiment ?

- Oui, du coup, je l’ai tué, lâché-je.

- T’étais vraiment obligé de jeter un froid ?

- Mais là était le but, Danny.

- De toute façon, je trouve qu’engueuler sur quelqu’un pour ce genre de motif, c’est un peu léger, tu ne trouves pas ?

- En effet. Bon, ben… si on ajoute à ça la façon qu’elle te regardait, comment elle te touchait, elle te parlait, je l’ai comment qui dirait… envié.

- Quoi, tu me veux dire que tu as été…

- Jaloux ? Tout à fait.

Petit pause qu’il reprenne ébahi : « Ben ça alors ! »

- Écoutes, je peux parfaitement comprendre que tu sois sous le choc.

- Non, loin de là, je veux dire... tu n'as jamais montré cette facette de ta personnalité à personne, donc je suis surpris que autre chose.

- Ah, tu me rassures. Pour toi, ça doit être normal mais pour moi, c'est encore tout drôle, tu vois ?

- Oh, ne t'en fais pas, on est tout passé par-là. Dis-toi que c'est une phase et après ça, tu ne remarqueras plus rien. Du coup, comment t'es arrivé à cette conclusion?

- Oh, pour ça, je peux dire que je l’ai accepté très facilement. Quand t’étais célibataire depuis 5 ans, tu te poses et tu remets en question : qu’est-ce que je préfère le plus? Qu’elles soient à ma taille ? Plus grandes ? Grosses ? Minces ? Du genre canidé ? Félin ? Hybride ? Pour une longue durée ? Une courte durée ? Bref, et quand j’ai compris que j’ai fait pratiquement le tour, je me suis dit « tant qu’à faire, essayons. »

- Et tu t’es décidé comme ça, sur un coup de tête ?

- Non, faut pas croire. Cette idée a trotté dans la tête au cours de mes 3 ans de célibat’ mais comme j’ai pas eu l’occasion de trouver quelqu’un pour expérimenter, alors j’ai préféré oublier.

- Je veux dire que, pendant 2 ans, tu as réussi à cacher ça ?

- Pas caché, dissimulé. Les mots ont un sens et c’est pas pour rien.

- Et si je comprends bien, tu m’as…

- Maté ? Et comment… parmi tout ce que j’ai pu voir, tu es le seul qui soit à mon goût… Mais je savais pas si tu étais assez ouvert d’esprit pour ça alors j’ai préféré rien dire. Après t’as fait ton coming-out et je me dis que j’avais encore une petite chance, chance que je n’ai pas pris car j’avoue avoir été très lâche. Et puis cette soirée a été l’illumination qu’il me fallait. Euh… voilà, c’est tout ce que j’avais à dire.

- Désolé si je répète : Ben ça alors !

- Pas trop chamboulé par ses révélations ?

- Pas le moins du monde. Je devais un peu m’y attendre après cette fameuse nuit.

- Bon, tu me rassures. En tout cas, avoir parlé m’a soulagé d’un poids… maintenant, je… ouf, je sens plus léger.

- Tu vois, ça t’a pas tué.

- Oh j’aurais pu mais j’suis pas désespéré à ce point.

- Je retrouve là ta véracité légendaire mais honnêtement, ça ne m’avait pas manqué.

- Dans ce cas, désolé si je répète également: Va-chier.

- Oui, bien sûr.

Finalement, j’ai repris un peu de tonus. Mais j’ai encore une dernière question en tête.

- Sinon, Danny…

- Hum ?

- Tu crois qu’après cette nuit, tout aura changé entre nous ? Je veux dire, en tant que meilleurs amis ?

- Mais non, ce sera un peu différent, c’est tout.

Sans aucune retenue, je lui jette un petit regard froid avant qu’il répond simplement : « Quoi ? »

- Tu viens de dire deux idées contraires, là…

- Non, je veux dire, on sera toujours amis, y a rien qui pourra changer là-dessus, dis-toi juste qu’on va passer à un autre niveau.

- Et ça te gêne pas ? Je veux dire… tu es le 1er mec à qui je fais ce genre d’aveux.

- Mais en quoi ça me gênerait ? Je dois avouer, tu… tu es le 1er mec à dire ce genre d’aveux.

- Sans déconner ?

- Uh-huh, réponde-t-il, rougissant ; c’est vrai que ça fait un p’tit moment que je me mis à regarder d’ici, de là mais… jamais personne m’a dit qu’il m’avait dans son viseur, généralement, c’était l’inverse.

- Vraiment ?

- Ouais, et me faire dire par mon meilleur ami qu’il me mate en secret, heu… c’est plutôt aguicheur… Mais faut dire que moi-même, j’ai un œil pour toi, et finalement, je me suis dit que ce n’est pas urgent que je cherche quelqu’un à tout prix ; du coup, j’ai laissé glisser, tout simplement.

- Attends… TU ES VRAIMENT CÉLIBATAIRE ?

- Ben oui, mais qu’est-ce que c’est cette question ?

- Merde, pourtant, j’ai toujours cru qu’y avait un truc entre toi et Brandon.

- Quoooi ? Et Marie, qu'est-ce tu fais ? Tu peux pas oublier Marie, non... s'il te plaît

- Comment peut-on oublier Marie ? Non, je veux dire, vous passez tellement de temps ensemble, que ça en devient louche, surtout quand on sait qui est Brandon.

- Bon, il est vrai qu'on est très proche tous les deux mais c’est Juste pour le cul. Comme je voulais expérimenter, il a montré tout ce qu'il savait et il prenait bien son pied, et moi aussi inversement… voilà, c’est un simple retour de procédés.

- Vous êtes FUCK BUDDIES?

- Oui. Ces derniers temps, c'est moins fréquent mais c'est cela, en effet.

- Ben merde alors.

- Oh, t’inquiète pas, si ça peut te rassurer, pas mal de monde ont la même vision que toi.

- Mouais, si tu le dis.

- Maintenant que t’as posé ta question, j'aimerais t’en poser une ?

- Zyva.